Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Reims
Thématique : Licenciement économique et obligations de reclassement : enjeux et conséquences.
→ RésuméContexte de l’affairePar acte de commissaire de justice en date du 17 avril 2024, Madame [M] [J] épouse [T] a signifié ses écritures à l’AGS CGEA d'[Localité 7]. La SCP Angel-[L]-Duval ès qualités a formulé des demandes à la cour concernant le licenciement de Madame [M] [J] épouse [T], en demandant la confirmation du jugement initial qui avait reconnu le caractère économique du licenciement. Demandes de la SCP Angel-[L]-DuvalLa SCP a demandé, à titre principal, la confirmation du jugement qui avait débouté Madame [M] [J] épouse [T] de ses demandes, sauf pour le manquement à la priorité de réembauchage. À titre subsidiaire, elle a proposé des montants spécifiques pour les indemnités dues à Madame [M] [J] épouse [T]. En outre, elle a demandé l’infirmation du jugement concernant le manquement à l’obligation de réembauchage. Arguments de Madame [M] [J] épouse [T]Madame [M] [J] épouse [T] a soutenu que la SAS Pakers Mussy avait manqué à son obligation de loyauté et a demandé des dommages-intérêts pour comportement déloyal. Elle a également contesté le caractère économique de son licenciement, arguant que les difficultés économiques de l’entreprise n’étaient pas avérées. Réponse du liquidateur judiciaireLe liquidateur judiciaire a affirmé que les difficultés économiques étaient réelles, citant des résultats dégradés et une augmentation des coûts des matières premières. Il a soutenu que la SAS Pakers Mussy n’avait pas pu proposer de reclassement à Madame [M] [J] épouse [T] en raison de l’absence de postes adaptés à ses compétences. Analyse de la courLa cour a rappelé que pour qu’un licenciement soit considéré comme économique, des difficultés économiques doivent être établies. Elle a noté que les résultats de l’entreprise n’étaient pas suffisamment probants pour justifier le licenciement. De plus, la cour a constaté que la SAS Pakers Mussy n’avait pas respecté son obligation de reclassement. Décisions de la courLa cour a infirmé le jugement initial, déclarant que le licenciement de Madame [M] [J] épouse [T] était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Elle a fixé les créances de Madame [M] [J] épouse [T] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Pakers Mussy, incluant des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, préavis, congés payés, et dommages-intérêts pour non-respect de la priorité de réembauchage. Conséquences financièresLa cour a ordonné le remboursement des indemnités chômage versées à Madame [M] [J] épouse [T] et a enjoint à la SCP Angel-[L]-Duval de remettre les documents de fin de contrat conformes à la décision. Les dépens ont été déclarés comme frais privilégiés de la procédure collective. ConclusionLa décision de la cour a été rendue publique, confirmant certaines parties du jugement initial tout en infirmant d’autres, notamment en ce qui concerne le licenciement de Madame [M] [J] épouse [T] et les obligations de la SAS Pakers Mussy. |
Arrêt n°
du 8/01/2025
N° RG 23/01340
MLB/FJ
Formule exécutoire le :
à :
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 8 janvier 2025
APPELANTE :
d’un jugement rendu le 28 juillet 2023 par le Conseil de Prud’hommes de TROYES, section Industrie (n° F 21/00230)
Madame [M] [J] épouse [T]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par la SCP GAVIGNET ET ASSOCIES, avocats au barreau de DIJON
INTIMÉES :
SCP ANGEL [L] DUVAL
prise en la personne de Maître [Y] [L]
en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SAS PAKERS MUSSY
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par la SCP DELVINCOURT – CAULIER-RICHARD – CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS et la SELARL DELSOL AVOCATS, avocats au barreau de PARIS
L’AGS – CGEA D'[Localité 7]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Défaillante
DÉBATS :
En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 novembre 2024, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller, chargé du rapport, qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 8 janvier 2025.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Monsieur François MÉLIN, président
Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller
Monsieur Olivier JULIEN, conseiller
GREFFIER lors des débats :
Monsieur Francis JOLLY, greffier
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur François MÉLIN, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 17 décembre 2012, la SAS Pakers Mussy a embauché Madame [M] [J] épouse [T] en qualité de dactylographe et de comptable paye.
Au dernier état de la relation contractuelle, elle occupait un poste de RH.
La SAS Pakers Mussy a organisé la consultation du comité social et économique portant sur un projet de licenciement pour motif économique le 8 juin 2021.
Le 7 juillet 2021, le comité économique a rendu un avis défavorable sur le projet.
Le 21 juillet 2021, la SAS Pakers Mussy a convoqué Madame [M] [J] épouse [T] à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique.
Le 7 septembre 2021, lors de l’entretien préalable, elle lui a remis une information sur le motif économique et la priorité légale de réembauchage.
Le 13 septembre 2021, Madame [M] [J] épouse [T] a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle.
Contestant notamment le bien-fondé de son licenciement pour motif économique, le 10 décembre 2021, Madame [M] [J] épouse [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Troyes de différentes demandes en paiement à caractère indemnitaire et salarial.
La SAS Pakers Mussy a été placée par décisions du tribunal de commerce de Troyes en redressement judiciaire le 1er décembre 2022, puis en liquidation judiciaire le 28 février 2023, et la SCP Angel-[L]-Duval, prise en la personne de Maître [Y] [L], a été désignée en qualité de mandataire liquidateur.
Par jugement réputé contradictoire en date du 28 juillet 2023, le conseil de prud’hommes a :
– mis hors de cause Maître [X] [K] et Maître [S] [D], ès qualités, respectivement, d’administrateur provisoire et judiciaire de la SAS Pakers Mussy,
– reconnu le caractère économique du licenciement de Madame [M] [J] épouse [T],
– dit que la SAS Pakers Mussy a manqué à son obligation de priorité de réembauchage,
– fixé à la somme de 6945,12 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche la créance de Madame [M] [J] épouse [T] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Pakers Mussy ainsi que la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté Madame [M] [J] épouse [T] de toutes ses autres demandes,
– débouté Maître [Y] [L] de la SCP Angel-[L]-Duval ès qualités de ses demandes,
– déclaré commun et opposable le jugement à l’AGS CGEA d'[Localité 7] dans les limites et conditions de sa garantie,
– dit que les dépens seront inscrits en frais privilégiés au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Pakers Mussy.
Le 23 août 2023, Madame [M] [J] épouse [T] a formé appel du jugement en ce qu’il a reconnu le caractère économique de son licenciement et en ce qu’il l’a déboutée de toutes ses autres demandes.
Par acte de commissaire de justice en date du 20 octobre 2023, elle a fait signifier sa déclaration d’appel à l’AGS CGEA d'[Localité 7] à personne habilitée à recevoir copie de l’acte.
Dans ses écritures en date du 16 avril 2024, elle demande à la cour :
– d’infirmer le jugement en ce qu’il a reconnu le caractère économique de son licenciement et en ce qu’il l’a déboutée de toutes ses autres demandes,
– de le confirmer en ce qu’il a dit que la SAS Pakers Mussy a manqué à son obligation de priorité de réembauchage, fixé à la somme de 6945,12 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Pakers Mussy ainsi que la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, débouté Maître [Y] [L] de la SCP Angel [L] Duval ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Pakers Mussy de ses demandes, déclaré commun et opposable le jugement à l’AGS CGEA d'[Localité 7] dans les limites et conditions de sa garantie et dit que les dépens seront inscrits en frais privilégiés au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Pakers Mussy,
et statuant à nouveau,
– fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Pakers Mussy à titre de dommages-intérêts pour comportement déloyal dans l’exécution du contrat de travail à la somme nette de 5000 euros,
– juger que la SAS Pakers Mussy, représentée par la SCP Angel-[L]-Duval, prise en la personne de Maître [Y] [L], ès qualités, ne justifie pas de difficultés économiques fondant la suppression de son poste, pas plus que de la suppression effective de son poste,
– juger que la SAS Pakers Mussy, représentée par la SCP Angel-[L]-Duval, prise en la personne de Maître [Y] [L], ès qualités, ne justifie pas avoir loyalement exécuté son obligation de recherche de reclassement,
– juger sans cause réelle et sérieuse son licenciement,
– fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Pakers Mussy à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause et sérieuse à la somme de 18520,32 euros nets,
– fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Pakers Mussy à titre d’indemnité compensatrice de préavis à la somme brute de 4630,08 euros, outre 463,01 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférents,
– ordonner d’office à la SCP Angel-[L]-Duval, prise en la personne de Maître [Y] [L] ès qualités, de rembourser à Pôle Emploi une somme équivalente à 6 mois d’allocation chômage,
– condamner la SCP Angel-[L]-Duval, prise en la personne de Maître [Y] [L] ès qualités, à lui remettre des bulletins de paie au titre de la période de préavis ainsi qu’un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés afin de tenir compte de ce même préavis, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard suivant un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir,
– fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Pakers Mussy à titre de rappel d’indemnité de licenciement à la somme de 149,11 euros nets,
– fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Pakers Mussy à la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel ainsi qu’aux entiers dépens,
– condamner personnellement l’AGS à lui payer la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
– déclarer l’arrêt à intervenir opposable à l’AGS et au CGEA,
– débouter la SCP Angel-[L]-Duval, prise en la personne de Maître [Y] [L] ès qualités, de l’intégralité de ses demandes,
– débouter la SCP Angel-[L]-Duval, prise en la personne de Maître [Y] [L] ès qualités, de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– rappeler enfin que les sommes ayant une nature salariale ou assimilée produisent intérêts à compter de la notification par le greffe du conseil de prud’hommes à l’employeur des demandes de la salariée et en préciser la date.
Par acte de commissaire de justice en date du 17 avril 2024, Madame [M] [J] épouse [T] a fait signifier ses écritures à l’AGS CGEA d'[Localité 7].
Dans ses écritures en date du 23 janvier 2024, la SCP Angel-[L]-Duval ès qualités demande à la cour :
* à titre principal, de confirmer le jugement en ce qu’il a reconnu le caractère économique du licenciement et en ce qu’il a débouté Madame [M] [J] épouse [T] de toutes ses demandes, hormis celles formulées au titre du manquement à la priorité de réembauchage,
* à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour accédait à la demande de Madame [M] [J] épouse [T], il lui serait demandé de limiter les condamnations aux sommes suivantes :
. 7360,64 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 4630,08 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
. 463,01 euros au titre de l’indemnité de congés payés sur préavis,
* à titre incident, d’infirmer le jugement en ce qu’il a dit que la SAS Pakers Mussy a manqué à son obligation de priorité de réembauchage et en ce qu’il a fixé à la somme de 6945,12 euros à titre de dommages intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche la créance de Madame [M] [J] épouse [T] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Pakers Mussy ainsi que la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau,
– de juger que la SAS Pakers Mussy n’a commis aucun manquement au titre de son obligation de priorité de réembauche,
en conséquence,
– de débouter Madame [M] [J] épouse [T] de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect de la priorité de réembauchage,
en tout état de cause,
– de rendre opposables les éventuelles condamnations à l’AGS CGEA d'[Localité 7],
– de condamner Madame [M] [J] épouse [T] à payer à la SAS Pakers Mussy la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par acte de commissaire de justice en date du 6 février 2024, la SCP Angel-[L]-Duval ès qualités a fait signifier ses écritures à l’AGS CGEA d'[Localité 7].
Par ces motifs :
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Confirme le jugement déféré en ce qu’il a débouté Madame [M] [J] épouse [T] de sa demande de fixation de créance de dommages-intérêts pour comportement déloyal dans l’exécution du contrat de travail, dit que la SAS Pakers Mussy a manqué à son obligation de priorité de réembauchage, fixé à la somme de 1500 euros au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Pakers Mussy l’indemnité de procédure de Madame [M] [J] épouse [T] et en ce qu’il a dit que les dépens seront inscrits en frais privilégiés au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Pakers Mussy ;
L’infirme pour le surplus ;
Dit que le licenciement de Madame [M] [J] épouse [T] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Fixe les créances de Madame [M] [J] épouse [T] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Pakers Mussy aux sommes de :
– 12000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 4630,08 euros au titre de l’indemnité de préavis ;
– 463,01 euros au titre des congés payés y afférents ;
– 149,11 euros au titre du solde de l’indemnité de licenciement ;
– 2607,84 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la priorité de réembauche ;
– 1500 euros au titre de ses frais irrépétibles d’appel ;
Déboute Madame [M] [J] épouse [T] de sa demande au titre des intérêts ;
Ordonne le remboursement, par le mandataire liquidateur, à France Travail des indemnités chômage versées à la salariée, du jour de son licenciement au jour de la décision judiciaire, dans la limite de six mois d’indemnités, sous déduction de la contribution versée à l’article L.1233-69 du code du travail ;
Dit que les fixations de créances sont prononcées sous déduction des éventuelles cotisations sociales salariales applicables ;
Enjoint à la SCP Angel-[L]-Duval, prise en la personne de Maître [Y] [L], ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS Pakers Mussy, de remettre à Madame [M] [J] épouse [T] un bulletin de paie, le certificat de travail et l’attestation France Travail conformes à la présente décision ;
Dit n’y avoir lieu à astreinte ;
Déboute Madame [M] [J] épouse [T] de sa demande d’indemnité de procédure à l’encontre de l’AGS CGEA d'[Localité 7] ;
Dit opposable à l’AGS CGEA d'[Localité 7] la présente décision, qui devra garantie, dans les limites de son champ d’application de garanties, conformément aux dispositions législatives et plafonds réglementaires applicables ;
Déboute la SCP Angel-[L]-Duval, prise en la personne de Maître [Y] [L], ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS Pakers Mussy, de sa demande d’indemnité de procédure à l’encontre de Madame [M] [J] épouse [T] ;
Dit que les dépens d’appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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