Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Reims
Thématique : Résiliation du contrat de travail pour manquements à l’obligation de sécurité et rémunération variable non versée
→ RésuméEmbauche et transfert de contratM. [S] [J] a été embauché par le Syndicat Général des Vignerons de la Champagne le 9 octobre 1989 en tant que comptable, avec un contrat à durée indéterminée. Ce contrat a ensuite été transféré à l’Association Champenoise de Gestion et de Comptabilité (AG2C), bien que la date précise de ce transfert ne soit pas spécifiée. Un avenant signé le 1er juin 2013 a modifié ses fonctions, mais les autres termes du contrat sont restés inchangés. Demande de résiliation judiciaireLe 1er juillet 2022, M. [S] [J] a saisi le conseil de prud’hommes d’Epernay pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Le médecin du travail a déclaré M. [S] [J] inapte le 4 octobre 2022, exemptant l’employeur de l’obligation de reclassement en raison de la gravité de son état de santé. Licenciement pour inaptitudeLe 9 décembre 2022, l’AG2C a licencié M. [S] [J] pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Le conseil de prud’hommes a rendu un jugement le 3 octobre 2023, déclarant qu’il n’y avait pas lieu de prononcer une résiliation judiciaire aux torts de l’AG2C et que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse. Appel de M. [S] [J]M. [S] [J] a interjeté appel le 11 juillet 2024, demandant l’infirmation du jugement du 3 octobre 2023. Il a contesté plusieurs points, notamment l’absence de manquements de l’AG2C à ses obligations, ainsi que la validité de son licenciement pour inaptitude. Arguments de l’AG2CL’AG2C a également déposé des conclusions le 23 octobre 2024, demandant la confirmation du jugement de 2023 et contestant les allégations de M. [S] [J]. Elle a soutenu qu’elle n’avait pas commis de manquements et que le licenciement était justifié. Rémunération variable et manquements de l’employeurM. [S] [J] a affirmé que l’employeur avait manqué à ses obligations concernant la rémunération variable et la sécurité au travail. Il a présenté des preuves de sa charge de travail excessive et de son état de santé dégradé, soutenant que l’AG2C n’avait pas pris les mesures nécessaires pour protéger sa santé. Décision de la courLa cour a reconnu que l’AG2C avait manqué à ses obligations en matière de sécurité et de paiement de la rémunération variable. Ces manquements ont été jugés suffisamment graves pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail, produisant les effets d’un licenciement aux torts de l’employeur. Indemnités et dommages et intérêtsL’AG2C a été condamnée à verser plusieurs sommes à M. [S] [J], y compris des indemnités compensatrices de préavis, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que des rappels de rémunération variable. La cour a également ordonné la remise des documents de fin de contrat à M. [S] [J]. ConclusionLe jugement a été infirmé en partie, et l’AG2C a été condamnée à payer des indemnités significatives à M. [S] [J], tout en étant responsable des dépens de la procédure. |
Arrêt n°
du 29/01/2025
N° RG 23/01697
FM/FJ
Formule exécutoire le :
à :
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 29 janvier 2025
APPELANT :
d’un jugement rendu le 3 octobre 2023 par le Conseil de Prud’hommes d’EPERNAY, section Activités Diverses (n° F 22/00045)
Monsieur [S] [J]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par la SELARL RAFFIN ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS
INTIMÉE :
L’ASSOCIATION CHAMPENOISE DE GESTION ET DE COMPTABILITE (AG2C)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par la SELARL S.P.R., avocats au barreau de REIMS
DÉBATS :
En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 2 décembre 2024, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur François MÉLIN, président de chambre, et Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 29 janvier 2025.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Monsieur François MÉLIN, président
Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller
Madame Isabelle FALEUR, conseiller
GREFFIER lors des débats :
Monsieur Francis JOLLY, greffier
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur François MÉLIN, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
M. [S] [J] a été embauché par le Syndicat Général des Vignerons de la Champagne le 9 octobre 1989, par un contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de comptable.
Il est constant que le contrat a été transféré au bénéfice de l’Association Champenoise de Gestion et de Comptabilité (AG2C).
La date du transfert n’est pas précisée par les parties mais un avenant signé par cette dernière et M. [S] [J] le 1er juin 2013 stipule qu’à compter de cette date, M. [S] [J] « exercera la fonction de comptable conseil débutant à temps complet selon les modalités de l’accord d’entreprise » et que « les autres termes du contrat restent inchangés ».
M. [S] [J] a saisi le conseil de prud’hommes d’Epernay le 1er juillet 2022 en demandant que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat de travail.
Par un avis du 4 octobre 2022, le médecin du travail a déclaré M. [S] [J] inapte, en dispensant l’employeur de l’obligation de reclassement, au motif que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ».
Par une lettre du 9 décembre 2022, l’Association Champenoise de Gestion et de Comptabilité a licencié M. [S] [J] pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Par un jugement du 3 octobre 2023, le conseil a :
– dit qu’il n’y a pas lieu de prononcer une résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [S] [J] aux torts exclusifs de l’Association Champenoise de Gestion et de Comptabilité ;
– dit que l’Association Champenoise de Gestion et de Comptabilité n’a pas commis de manquements à la survenance de l’inaptitude de M. [S] [J] ;
– dit que l’Association Champenoise de Gestion et de Comptabilité n’a pas commis de manquement à l’obligation de sécurité de moyens ;
– dit que l’Association Champenoise de Gestion et de Comptabilité n’a pas commis de manquement récent et grave rendant impossible la poursuite du contrat de M. [S] [J] ;
– dit que le licenciement de M. [S] [J] par l’Association Champenoise de Gestion et de Comptabilité pour impossibilité de reclassement suite à l’inaptitude constatée par le médecin du travail est fondé et repose sur une cause réelle et sérieuse ;
– dit que M. [S] [J] a été rempli par l’Association Champenoise de Gestion et de Comptabilité de ses droits concernant la rémunération variable individuelle ;
En conséquence,
– débouté M. [S] [J] de l’intégralité de ses demandes ;
– débouté l’Association Champenoise de Gestion et de Comptabilité et M. [S] [J] de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné les parties par moitié aux dépens.
Par des conclusions remises au greffe le 11 juillet 2024, M. [S] [J] demande à la cour de :
1) infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes d’Epernay, en date du 3 octobre 2023, en ce qu’il :
– dit qu’il n’y a pas lieu de prononcer une résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [S] [J] aux torts exclusifs de l’Association Champenoise de Gestion et de Comptabilité ;
– dit que l’Association Champenoise de Gestion et de Comptabilité n’a pas commis de manquements à la survenance de l’inaptitude de M. [S] [J] ;
– dit que l’Association Champenoise de Gestion et de Comptabilité n’a pas commis de manquement à l’obligation de sécurité de moyens ;
– dit que l’Association Champenoise de Gestion et de Comptabilité n’a pas commis de manquement récent et grave rendant impossible la poursuite du contrat de M. [S] [J] ;
– dit que le licenciement de M. [S] [J] par l’Association Champenoise de Gestion et de Comptabilité pour impossibilité de reclassement suite à l’inaptitude constatée par le médecin du travail est fondé et repose sur une cause réelle et sérieuse ;
– dit que M. [S] [J] a été rempli par l’Association Champenoise de Gestion et de Comptabilité de ses droits concernant la rémunération variable individuelle ;
En conséquence,
– débouté M. [S] [J] de l’intégralité de ses demandes ;
– débouté l’Association Champenoise de Gestion et de Comptabilité et M. [S] [J] de leur demande au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
– débouté l’Association Champenoise de Gestion et de Comptabilité et M. [S] [J] de leur demande au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
– condamné les parties par moitié aux dépens.
Statuant à nouveau,
2) juger M. [S] [J] recevable et bien fondé en son appel.
3) juger l’Association Champenoise de Gestion et de Comptabilité mal fondée en son appel incident.
4) débouter l’Association Champenoise de Gestion et de Comptabilité de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires aux présentes.
À titre principal :
5) prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’Association Champenoise de Gestion et de Comptabilité ;
6) juger que la résiliation judiciaire ainsi prononcée produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
À titre subsidiaire :
7) juger que l’Association Champenoise de Gestion et de Comptabilité a concouru par ses manquements à la survenance de l’inaptitude.
En conséquence,
– juger le licenciement pour inaptitude, en date du 9 décembre 2022, dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En conséquence, en tout état de cause, par référence à un salaire moyen mensuel brut de 3.663,72 euros :
8) condamner l’Association Champenoise de Gestion et de Comptabilité à payer les sommes suivantes :
– 7.327,44 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 732,44 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
– 91.593,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En tout état de cause,
9) condamner l’Association Champenoise de Gestion et de Comptabilité à payer les sommes suivantes :
– 2.974,54 euros au titre du rappel de la rémunération variable pour l’exercice comptable 2019/2020, outre la somme de 297,45euros bruts au titre des congés payés afférents,
– 3.087,34 euros au titre du rappel de la rémunération variable pour l’exercice comptable 2020/2021, outre la somme de 308,73 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– 1.543,67 euros au titre du rappel de la rémunération variable pour l’exercice comptable 2021/2022, outre la somme de 154,37 euros bruts au titre des congés payés afférents.
– 36.637,20 euros nets à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité de résultat,
– 18.318,60 euros nets à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct.
10) condamner l’Association Champenoise de Gestion et de Comptabilité à remettre à M. [S] [J] ses documents de fin de contrat, certificat de travail, attestation destinée Pôle emploi et solde de tout compte, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document, à compter du 8ème jour suivant la notification de l’arrêt à intervenir.
11) condamner l’Association Champenoise de Gestion et de Comptabilité à payer à la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
12) condamner l’Association Champenoise de Gestion et de Comptabilité aux entiers dépens.
Par des conclusions remises au greffe le 23 octobre 2024, l’Association Champenoise de Gestion et de Comptabilité (AG2C) demande à la cour de :
1) confirmer le jugement rendu le 3 octobre 2023 en ce qu’il a :
– jugé qu’il n’y avait pas lieu de prononcer une résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [S] [J] aux torts exclusifs de l’AG2C,
– jugé que l’AG2C n’a pas commis de manquements à la survenance de l’inaptitude de M. [S] [J],
– jugé que l’AG2C n’a pas commis de manquement à l’obligation de sécurité de moyens,
– jugé que l’AG2C n’a pas commis de manquement récent et grave rendant impossible la poursuite du contrat de M. [S] [J],
– jugé que le licenciement de M. [S] [J] pour impossibilité de reclassement suite à l’inaptitude constatée par le médecin du travail est fondé et repose sur une cause réelle et sérieuse,
– jugé que M. [S] [J] a été rempli de ses droits concernant la rémunération variable individuelle
– débouté M. [S] [J] de l’intégralité de ses demandes.
2) infirmer le jugement en ce qu’il a débouté l’AG2C de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné l’AG2C à la moitié des dépens.
3) juger l’absence de manquement à l’obligation de sécurité de moyens,
4) juger que M. [S] [J] a été rempli de ses droits concernant la rémunération variable individuelle,
5) juger l’absence d’un manquement récent et grave de l’employeur, rendant impossible la poursuite du contrat, établi par l’appelant,
6) juger le licenciement pour impossibilité de reclassement suite à l’inaptitude constatée par le médecin du travail est fondé et repose sur une cause réelle et sérieuse,
7) En conséquence, débouter l’appelant de l’intégralité de ses demandes.
8) condamner M. [S] [J] [J] à payer à l’AG2C la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, pour ses frais de première instance et la somme de 3.500 euros pour ses frais à hauteur d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par la SELARL d’avocats SPR et Maître Sandrine PREAUX conformément aux dispositions prévues par l’article 699 du Code de procédure civile.
Par ces motifs :
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement, sauf en ce qu’il a rejeté la demande de M. [S] [J] de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct et condamné les parties aux dépens par moitié ;
Statuant à nouveau,
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail, qui produit les effets d’un licenciement aux torts de l’Association Champenoise de Gestion et de Comptabilité (AG2C) ;
Condamne l’Association Champenoise de Gestion et de Comptabilité (AG2C) à M. [S] [J] payer les sommes suivantes :
– 2 974,54 euros au titre du rappel de la rémunération variable pour l’exercice comptable 2019/2020, outre la somme de 297,45 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– 3 087,34 euros au titre du rappel de la rémunération variable pour l’exercice comptable 2020/2021, outre la somme de 308,73 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– 1 543,67 euros au titre du rappel de la rémunération variable pour l’exercice comptable 2021/2022, outre la somme de 154,37 euros bruts au titre des congés payés afférents
– 2 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi suite au manquement de l’Association Champenoise de Gestion et de Comptabilité (AG2C) à son obligation de sécurité ;
– 7 327,44 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 732,44 euros bruts au titre des congés payés afférents,
– 58 600 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne l’Association Champenoise de Gestion et de Comptabilité (AG2C) à remettre à M. [S] [J] un certificat de travail, une attestation France Travail et un solde de tout compte, conformes à cet arrêt, dans les 15 jours de la mise à disposition de cet arrêt ;
Condamne l’Association Champenoise de Gestion et de Comptabilité (AG2C) à rembourser à France Travail les indemnités de chômage versées à M. [S] [J], dans la limite de six mois ;
Condamne l’Association Champenoise de Gestion et de Comptabilité (AG2C) à payer à M. [S] [J] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne l’Association Champenoise de Gestion et de Comptabilité (AG2C) aux dépens de première instance et d’appel ;
Rejette le surplus des demandes formées par les parties.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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