Cour d’appel de Reims, 26 novembre 2024, RG n° 24/01083
Cour d’appel de Reims, 26 novembre 2024, RG n° 24/01083

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Reims

Thématique : Conflit sur la validité des créances en copropriété face à une procédure de redressement judiciaire

Résumé

Propriété de la SARL Erika

La SARL Erika possède quatre appartements dans un immeuble en copropriété nommé Arc IV Bis, situé à une adresse précise dans une localité donnée.

Procédure de redressement judiciaire

Le 22 novembre 2022, le tribunal de commerce de Troyes a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la SARL Erika, désignant la SCP Crozat [K] Maigrot comme mandataire judiciaire.

Nommer un administrateur provisoire

Le 11 juillet 2011, le président du tribunal de grande instance de Rouen a désigné la SELARL AJ Associés comme administrateur provisoire de la copropriété, en raison de difficultés rencontrées, avec un renouvellement de mission jusqu’au 25 mai 2024.

Créance déclarée par le syndicat des copropriétaires

La SELARL AJ Associés a déclaré une créance du syndicat des copropriétaires pour un montant de 256 670,50 euros, en raison de l’impayé des charges de copropriété par la SARL Erika depuis plusieurs années.

Contestation de la créance

La SCP Crozat [K] Maigrot a informé que la SARL Erika contestait cette créance, la jugeant non justifiée.

Ordonnance du juge commissaire

Le 24 juin 2024, le juge commissaire a admis le syndicat des copropriétaires à l’état de vérification du passif pour un montant de 139 161,48 euros, correspondant aux appels de charges de 2018 à 2021 et jusqu’au 21 novembre 2022.

Recours de la SARL Erika

La SARL Erika a formé un recours contre cette ordonnance le 4 juillet 2024, demandant le rejet de la créance et soulevant des contestations sur la justification des charges.

Arguments de la SARL Erika

Elle a invoqué l’absence de documents comptables justifiant le montant de la créance, des incohérences dans les appels de charges, et a contesté certaines charges en raison de l’inoccupation de ses appartements.

Réponse du syndicat des copropriétaires

Le syndicat des copropriétaires a demandé le rejet des demandes de la SARL Erika, affirmant que les créances étaient exigibles et que les décisions de l’administrateur provisoire étaient valides.

Instruction et clôture de l’affaire

L’instruction a été clôturée le 8 octobre 2024, et l’affaire a été renvoyée pour plaidoirie le 14 octobre 2024.

Motivation de l’ordonnance

La SARL Erika a contesté la motivation de l’ordonnance du juge commissaire, mais n’a pas demandé sa nullité.

Régularité de la déclaration de créance

La SARL Erika a soulevé des irrégularités dans la déclaration de créance, mais le juge a précisé que cela ne justifiait pas le rejet de la créance elle-même.

Créance et contestations

Le juge a constaté l’existence de contestations sérieuses concernant les montants réclamés, dépassant les compétences du juge commissaire.

Décision finale de la cour

La cour a infirmé l’ordonnance du 24 juin 2024, constaté l’existence d’une contestation sérieuse, et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir, tout en déboutant les demandes d’indemnisation.

ARRET N°

du 26 novembre 2024

N° RG 24/01083 – N° Portalis DBVQ-V-B7I-FQPK

S.A.R.L. SARL ERIKA

c/

Le SYNDICAT SECONDAIRE DE L’ENSEMBLE IMMOBILIIER DENOMME ARC I V BIS EXTENSION

SCP CROZAT [K] MAIGROT

Formule exécutoire le :

à :

Me Pascal GUILLAUME

la SELARL JACQUEMET SEGOLENE

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 26 NOVEMBRE 2024

APPELANTE :

d’une ordonnance rendue le 24 juin 2024 par le juge commissaire du tribunal de commerce de TROYES

La société ERIKA, société à responsabilité limitée immatriculée sous le n° 438 680 936 au registre du commerce et des sociétés de TROYES, dont le siège se trouve [Adresse 3], prise en la personne de sa gérante, domiciliée en cette qualité audit siège,

Représentée par Me Pascal GUILLAUME, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me Elodie TOURNIER, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant

INTIMES :

Le SYNDICAT SECONDAIRE DES COPROPRIETAIRES DE L’ENSEMBLE IMMOBILIER DENOMME ARC IV BIS EXTENSION SITUE ENTRE [Adresse 7] ET LA [Adresse 9], représenté par la SELARL AJ ASSOCIES, SELARL d’administrateurs judiciaires au capital de 2 539 458 €, inscrite au registre du commerce et des sociétés de VERSAILLES sous le n°423 719 178, dont le siège social est [Adresse 1], prise en son étude sise [Adresse 2], agissant elle-même en la personne de Maître [R] [O] et [P] [D] domiciliés en cette qualité à l’étude de ROUEN, [Adresse 5],

Représenté par Me Ségolène JACQUEMET-POMMERON de la SELARL JACQUEMET SEGOLENE, avocat au barreau de REIMS, avocat postulant, et Me Jérôme CHAMARD de la SCP BOUYEURE-BAUDOUIN-DAUMAS-CHAMARD-BENSAHEL-GOMEZ-REY, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

La S.C.P. CROZAT [K] MAIGROT, MANDATAIRES JUDICIAIRES, agissant en qualité de mandataire au redressement judiciaire de la société SARL ERIKA, prise en la personne de son associée, Maître [F] [K], dont le siège social est [Adresse 4],

Non comparante, ni représentée bien que régulièrement assignée

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre

Madame Sandrine PILON, conseillère

GREFFIER :

Madame Jocelyne DRAPIER, greffière lors des débats

Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors de la mise à disposition

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée

DEBATS :

A l’audience publique du 14 octobre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 26 novembre 2024,

ARRET :

Réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

La SARL Erika est propriétaire de 4 appartements dans un immeuble en copropriété dénommé Arc IV Bis, situé [Adresse 5] à [Localité 8].

Par jugement du 22 novembre 2022, le tribunal de commerce de Troyes a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la SARL Erika. La SCP Crozat [K] Maigrot, représentée par Me [F] [K], a été nommée en qualité de mandataire judiciaire.

Suivant ordonnance du 11 juillet 2011, le président du tribunal de grande instance de Rouen a désigné la SELARL AJ Associés en qualité d’administrateur provisoire de la copropriété sur le fondement de l’article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965 (copropriétés en difficulté). La mission de l’administrateur a ensuite été renouvelée par plusieurs ordonnances et en dernier lieu, le 1er juin 2023, avec effet jusqu’au 25 mai 2024.

Invoquant la défaillance de la SARL Erika dans le paiement des charges de copropriété depuis plusieurs années, la SELARL AJ Associés a déclaré la créance du syndicat des copropriétaires à ce titre selon courrier recommandé avec demande d’avis de réception du 11 janvier 2023 pour un montant total arrêté au 21 novembre 2022 de 256 670.50 euros ventilé en plusieurs lignes.

La SCP Crozat [K] Maigrot a informé la SELARL AJ Associés que la SARL Erika contestait la créance ainsi déclarée faute de justification.

Par ordonnance du 24 juin 2024, le juge commissaire au redressement judiciaire de la SARL Erika a ordonné que le syndicat des copropriétaires [Adresse 6] soit définitivement admis à l’état de vérification du passif, à titre privilégié, pour la somme de 139 161.48 euros au titre d’appels de charges pour les années de 2018 à 2021 et du 1er janvier 2022 au 21 novembre 2022.

La SARL Erika a formé un recours contre cette ordonnance par déclaration d’appel du 4 juillet 2024.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 5 août 2024, la SARL Erika demande à la cour d’infirmer l’ordonnance et, statuant à nouveau, :

A titre principal, de :

– Rejeter du passif de la SARL Erika la totalité des créances déclarées par le syndicat des copropriétaires [Adresse 6] représentée par la SELARL AJ Associés es qualités d’administrateur provisoire à hauteur de 139 161.48 euros à titre privilégié,

– Rejeter toutes demandes et prétentions contraires du syndicat des copropriétaires [Adresse 6] représentée par la SELARL AJ Associés es qualités d’administrateur provisoire, comme étant infondées,

A titre subsidiaire, de :

– Constater l’existence de contestations sérieuses dont l’appréciation ne relève pas de sa compétence juridictionnelle dans le cadre de la vérification du passif,

– Inviter le syndicat des copropriétaires à saisir la juridiction compétente dans le délai d’un mois à compter de l’arrêt à intervenir,

– Renvoyer l’examen de la présente affaire à une date ultérieure dans un délai suffisant qui permettra de constater si le syndicat des copropriétaires a saisi la juridiction compétente dans le délai imparti,

En tout état de cause, de :

– Rejeter toute demande contraire,

– Condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner le syndicat des copropriétaires aux dépens.

Pour voir rejeter la créance invoquée par le syndicat des copropriétaires, la SARL Erika invoque l’article L622-25 du code de commerce et l’absence de mention  » certifiée sincère et conforme  » dans les déclarations de créances, ainsi que la non-concordance du montant des créances avec les justificatifs joints. Sur ce dernier point, elle estime que l’administrateur provisoire du syndicat des copropriétaires procède par confusion lorsqu’il oppose sa qualité et rappelle qu’elle lui permet de procéder par décisions unilatérales, qui ne seraient pas contestables ; elle soutient que ce pouvoir permet à l’administrateur provisoire de procéder à des appels de charges sur la base de budgets qu’il a le droit d’établir unilatéralement dans le but de redresser la copropriété, mais qu’il a l’obligation de rendre compte, comme mandataire, de sa mission et d’être en mesure de justifier les charges de la copropriété qu’il administre.

Subsidiairement, la SARL Erika invoque l’existence d’une contestation sérieuse tenant :

– à l’absence de tout document comptable permettant de justifier le quantum exacte de la créance déclarée,

– aux incohérences des montants reportés au fil des appels de charges,

– à la contestation des charges de chauffage au titre des années 2021 et 2022 dès lors que ses 4 appartements étaient inoccupés en 2020, 2021 et 2022, de sorte qu’aucune charge de chauffage, d’eau chaude et froide ne saurait lui être répercutée au titre de ces exercices,

– à l’absence de justification du report à nouveau au 1er janvier 2016 figurant dans l’extrait de compte produit par l’intimée,

– à l’absence de justification de la prise en compte de règlements qu’elle a effectués,

– à l’absence de preuve du respect de la clé de répartition des charges.

Par conclusions transmises par voie électronique le 17 septembre 2024, le syndicat secondaire des copropriétaires de l’ensemble immobilier dénommé Arc IV Bis extension situé entre [Adresse 7] et la [Adresse 9] à [Localité 8], représenté par la SELARL AJ Associés sollicite :

– le rejet de l’intégralité des demandes, dires, fins et conclusions de la SARL Erika,

en conséquence,

– la confirmation de l’ordonnance en toutes ses dispositions,

– la condamnation de la société Erika à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance,

en conséquence,

– la fixation au passif de la SARL Erika des créances du syndicat à hauteur de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il fait observer que, pour invoquer un défaut de motivation de l’ordonnance, la SARL Erika n’en tire pas la conséquence qui devrait la conduire à solliciter l’annulation de la décision ; il affirme que le juge commissaire s’appuie sur les pièces du dossier, désignant ainsi les éléments de preuve produits par les parties, ce qui constitue une motivation suffisante.

S’agissant de la justification de la créance, il entend rappeler que l’administrateur provisoire, dans le cadre des pouvoirs qui lui sont confiés, prend des décisions qui sont consignées dans un procès-verbal de prise de décisions, qui est insusceptible de recours.

Il explique qu’une ordonnance du 9 juin 2016 a confié à la SELARL AJ Associés tous les pouvoirs de l’assemblée générale et que les charges et provisions sur charges de la société Erika ont été appelées sur la base de plusieurs procès-verbaux de décisions, lesquels sont insusceptibles de recours

Il soutient que :

– l’absence de certification n’est sanctionnée par aucune disposition et donc pas par la nullité et qu’il est sans incidence que l’admissibilité de la créance,

– les dispositions de l’article L622-25 du code de commerce s’appliquent uniquement aux créances qui ne résultent pas d’un titre exécutoire et que c’est précisément le cas du syndicat des copropriétaires à l’égard de la société Erika, en vertu d’un jugement définitif rendu le 28 novembre 2016 par le tribunal de grande instance de Rouen,

– il a produit les procès-verbaux de décisions et le relevé de compte individuel de la SARL Erika pour justifier le montant de sa créance, outre le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Rouen le 28 novembre 2016 et le bordereau d’inscription d’hypothèque judiciaire ; il rappelle que la production des éléments comptables réclamés par la SARL Erika n’est pas nécessaire puisque les décisions prises par l’administrateur en matière de budget sont exécutoires de plein droit.

Le syndicat des copropriétaires conteste l’existence d’une contestation sérieuse aux motifs que :

– les créances en cause sont définitivement exigibles,

– la SARL Erika lui reproche de ne pas tenir compte de règlements qu’elle aurait effectués, sur la base d’un décompte réalisé par l’huissier de la copropriété, qui mentionne les règlement spontanés qu’elle a effectués,

– en aucun cas l’intervention du juge dans la gestion de la copropriété n’a eu pour effet d’effacer les charges dues,

– les appels de charges sont conformes à la répartition fixée dans le cadre du règlement de copropriété,

– il n’a pas pu installer les compteurs individuels, ni les répartiteurs de frais pour des raisons financières , les prescriptions de l’article L174-2 du code de la construction et de l’habitation s’imposant aux copropriétés en fonction des contraintes techniques de l’immeuble et du coût engendré par les installations préconisée ; dans ces conditions, les charges de chauffage continuent d’être réparties entre les copropriétaires en charges communes de chauffage et demeurent exigibles.

La SCP Crozat [K] Maigrot n’a pas constitué avocat. La déclaration d’appel lui a été signifiée à personne le 18 juillet 2024.

Par courrier du 26 juillet 2024, elle a précisé qu’elle s’en remet à prudence de justice.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 8 octobre 2024, l’affaire étant renvoyée pour être plaidée à l’audience du 14 octobre 2024.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire,

Infirme l’ordonnance rendue le 24 juin 2024 par le juge commissaire au redressement judiciaire de la SARL Erika, portant le numéro de rôle 2024 000736,

Statuant à nouveau,

Constate l’existence d’une contestation sérieuse et renvoie les parties à mieux se pourvoir,

Invite le syndicat des copropriétaires de la copropriété [Adresse 6] à saisir la juridiction compétente dans le délai d’un mois à compter de la notification du présent arrêt et ce, à peine de forclusion,

Dit que la décision de cette juridiction devra être adressée par le créancier au greffe du tribunal de la procédure collective qui la portera à l’état des créances,

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SELARL AJ Associés en qualité d’administrateur provisoire du syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier dénommé [Adresse 6] aux dépens.

Le greffier La présidente

 


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