Cour d’appel de Reims, 26 novembre 2024, RG n° 24/00816
Cour d’appel de Reims, 26 novembre 2024, RG n° 24/00816

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Reims

Thématique : Incompétence et irrecevabilité dans le cadre des créances salariales en procédure collective

Résumé

Contexte de l’affaire

Le 6 janvier 2022, M [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Reims, affirmant être salarié de la société MS Bâti Décor. Il a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le paiement de salaires dus depuis juillet 2020.

Procédures judiciaires

Le 1er février 2022, le tribunal de commerce de Reims a ouvert une procédure de redressement judiciaire pour la société MS Bâti Décor. Par la suite, le 24 mars 2022, ce tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société et a désigné la SELARL [F] [H] comme liquidateur judiciaire.

Décision du conseil de prud’hommes

Le 31 mars 2023, le conseil de prud’hommes de Reims a statué qu’il n’existait pas de relation contractuelle de travail entre M [X] et la SAS MS Bâti Décor, se déclarant incompétent et renvoyant l’affaire au tribunal judiciaire de Reims.

Incident de procédure

Le 7 juillet 2023, la SELARL [F] [H] a saisi le juge de la mise en état d’un incident pour déclarer l’action de M [X] irrecevable.

Ordonnance du juge de la mise en état

Le 6 mai 2024, le juge de la mise en état a déclaré l’action de M [X] irrecevable, l’a condamné aux dépens et à payer 1 000 euros à la SELARL [F] [H] pour frais irrépétibles, tout en rappelant que l’ordonnance était exécutoire de plein droit.

Appel de M [X]

M [X] a interjeté appel de cette ordonnance le 21 mai 2024, demandant à la cour d’infirmer les décisions lui faisant grief et de reconnaître la recevabilité de son action.

Arguments de M [X]

M [X] a soutenu que la SELARL [F] [H] n’avait pas saisi la cour de moyens pour déclarer son action irrecevable et a invoqué des articles du code de procédure civile et du code de commerce pour justifier sa position sur la créance salariale.

Réponse de la SELARL [F] [H]

La SELARL [F] [H] a demandé à la cour de confirmer l’ordonnance du juge de la mise en état, arguant que M [X] ne pouvait pas bénéficier d’aucune dérogation à l’obligation de déclarer sa créance en raison de l’arrêt des poursuites suite à l’ouverture de la procédure collective.

Décision de la cour

La cour a confirmé l’ordonnance du juge de la mise en état, déclarant irrecevable l’exception d’incompétence soulevée par M [X] et déboutant ses demandes concernant la responsabilité du mandataire judiciaire.

Dépens et frais irrépétibles

La cour a également statué sur les dépens et les frais irrépétibles, condamnant M [X] à payer 1 500 euros à la SELARL [F] [H] pour les frais irrépétibles d’appel, tout en déboutant M [X] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

ARRET N°

du 26 novembre 2024

N° RG 24/00816 – N° Portalis DBVQ-V-B7I-FPZ5

[X]

c/

Société SELARL [F] [H]

Organisme AGS CGEA D'[Localité 5]

Formule exécutoire le :

à :

Me Sandy HARANT

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 26 NOVEMBRE 2024

APPELANT :

d’une ordonnance rendue le 06 mai 2024 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Reims

Monsieur [I] [X]

Né le 13 mars 1971 à [Localité 6] (MAROC)

[Adresse 4]

[Localité 7]

(Bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro C51454-2024-002372 du 19 août 2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de REIMS)

Représenté par Me Aurélie GABON, avocat au barreau de REIMS

INTIMEES :

La SELARL [F] [H], MANDATAIRES JUDICIAIRES, demeurant au [Adresse 3] à [Localité 7], agissant en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SAS MS BATI DECOR, fonctions auxquelles elle a été désignée selon jugement rendu le 24 mats 2022 par le tribunal de ommerce de REIMS, prise en la personne de son associé, Maître [F] [H], spécialement désigné en son sein aux fins de conduire ladite mission,

Représentée par Me Sandy HARANT, avocat au barreau de REIMS

Organisme AGS CGEA d'[Localité 5], ayant son siège social au [Adresse 1],

Non comparant, ni représenté, bien que régulièrement assigné

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

Madame MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame PILON, conseillère, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées. Elles en ont rendu compte à la cour dans son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Madame Christina DIAS DA SILVA, présidente de chambre

Madame Sandrine PILON, conseillère

GREFFIER :

Madame Jocelyne DRAPIER, greffière lors des débats

Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors de la mise à disposition

DEBATS :

A l’audience publique du 14 octobre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 26 novembre 2024,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Le 6 janvier 2022, M [X], soutenant qu’il était salarié de la société MS Bâti Décor, a saisi le conseil de prud’hommes de Reims, pour solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail et le paiement de salaires depuis le mois de juillet 2020.

Selon jugement du 1er février 2022, le tribunal de commerce de Reims a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société MS Bâti Décor.

Par jugement du 24 mars 2022, ce tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de cette société et désigné la SELARL [F] [H], représentée par Me [F] [H], en qualité liquidateur judiciaire.

Par jugement du 31 mars 2023, le conseil de prud’hommes de Reims a considéré qu’il n’existait pas de relation contractuelle de travail entre M [X] et la SAS MS Bâti Décor et s’est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire de Reims, auquel il a renvoyé l’affaire.

Par conclusions notifiées le 7 juillet 2023, la SELARL [F] [H] a saisi le juge de la mise en état d’un incident tendant à voir l’action de M [X] déclarer irrecevable.

Par ordonnance du 6 mai 2024, le juge de la mise en état a :

– Déclaré irrecevable l’action de M [X] à l’encontre de la SELARL [F] [H],

– Condamné M [X] aux dépens,

– Condamné M [X] à payer à la SELARL [F] [H] une somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles,

– Rappelé que l’ordonnance est de plein droit exécutoire.

M [X] a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 21 mai 2024.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 18 juillet 2024, il demande à la cour de :

– Infirmer en toutes ses dispositions lui faisant grief,

– Juger que la partie intimée n’a pas saisi la cour de moyens dans le cadre de ses conclusions d’intimée,

– Décider que l’action entreprise par M [X] est recevable ainsi que ses moyens et conclusions,

– Rejeter les conclusions ainsi que l’ensemble des moyens et prétentions formulés par la SELARL [F] [H] es qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société MS Bâti Decor tendant à l’irrecevabilité de son action et condamnations au titre des frais irrépétibles et dépens,

– Décider que l’action entreprise est recevable et la juridiction compétente pour en connaître concernant l’action en responsabilité contre le mandataire judiciaire,

– Se déclarer incompétent et renvoyer la présente procédure devant le conseil de prud’Hommes de Reims sis [Adresse 2] pour connaître de ses prétentions salariales, seul compétent pour en connaître,

– Condamner la SELARL [F] [H] es qualités de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société MS Bâti Decor la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction à Me Aurélie Gabon, sur le fondement de l’article 37 de la loi relative à l’aide juridique.

Il invoque les articles 954 et 910-4 du code de procédure civile et soutient que la SELARL [F] [H], qui demande à la cour de déclarer son action irrecevable, ne la saisit d’aucun moyen en ce sens, de sorte que ses conclusions sont irrecevables.

Il invoque l’article L622-24 du code de commerce pour soutenir qu’il existe une présomption de déclaration concernant les créances salariales, qui n’ont pas à faire l’objet d’une déclaration de créance et soutient que tant que le jugement du conseil de prud’hommes n’était pas intervenu, sa créance était salariale et donc non soumise à déclaration.

Il ajoute qu’il résulte des articles L625-1 et R625-3 du même code que la forclusion n’est opposable qu’au salarié prévenu par le mandataire judiciaire du dépôt du relevé des créances salariales et de sa publication.

Il estime que la responsabilité du mandataire est engagée pour s’être abstenu d’inscrire sa créance au passif de la société MS Bâti Décor et de l’avertir et l’informer des modalités prévues par les textes précités.

Il affirme que l’article L622-21 du code de commerce qui interdit toute action en justice tendant à la condamnation des créanciers ne trouve pas à s’appliquer lorsque les actions tendent à la fixation d’une créance au passif de la liquidation judiciaire.

M [X] soutient qu’il a démontré la relation salariale et que la présente juridiction doit renvoyer devant le conseil de prud’hommes de Reims, seul compétent pour connaître de ses prétentions.

Par conclusions transmises par voie électronique le 19 juillet 2024, la SELARL [F] [H] agissant en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SAS MS Bâti Décor demande à la cour de confirmer l’ordonnance du juge de la mise en état et de :

– Déclarer l’action de M [X] irrecevable en raison de l’arrêt des poursuites induit par l’ouverture de la procédure collective de la société Ms Bâti Décor, dans la mesure où, ayant vu son statut de salarié remis en cause par le jugement définitif du conseil de prud’hommes de Reims du 31 mars 2023, il ne peut bénéficier d’aucune dérogation à l’obligation de déclarer sa créance dans les délais requis,

En conséquence,

– Débouter M [X] de l’intégralité de ses demandes, spécialement de son exception d’incompétence dépourvue de fondement judiciaire, laquelle se heurte à l’autorité de chose jugée rendu par le conseil de prud’hommes de Reims le 31 mars 2023,

– Débouter M [X] de sa demande visant à rejeter ses conclusions et moyens,

– Condamner M [X] à lui régler une somme de 3 000 euros,

– Corriger l’erreur matérielle figurant dans l’ordonnance rendu le 6 mai 2024 en ce que la condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile a été prononcée au profit de la SELARL [F] [H], alors qu’elle aurait dû l’être au profit de la SELARL [F] [H], mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société MS Bâti Décor,

– Débouter M [X] de sa demande de frais irrépétibles,

– Condamner M [X] au paiement des dépens de l’instance.

S’agissant de ses conclusions, elle rappelle que les fins de non-recevoir doivent être rappelées dans le dispositif des conclusions et fait valoir qu’elle sollicite la confirmation de l’ordonnance et donc de déclarer l’action irrecevable, comme le juge de la mise en état l’a décidé, ce qui constitue une prétention à laquelle la cour droit répondre.

La SELARL [F] [H] rappelle l’arrêt des poursuites qui résulte de l’ouverture d’une procédure et affirme que la déclaration de créance est la seule action possible pour conclure que M [X], qui sollicite le paiement de prestations qu’il aurait accomplies pour le compte de la société MS Bâti Décor avant l’ouverture du redressement judiciaire, ne peut engager d’action judiciaire aux fins de voir fixer sa créance. Elle ajoute que son action est d’autant moins légitime que M [X] n’a déclaré aucune créance au passif de la liquidation judiciaire et que toute créance est dès lors inopposable à la procédure collective.

Elle confirme que les salariés n’ont pas à déclarer leur créance au passif mais fait valoir que par jugement aujourd’hui définitif, le conseil de prud’hommes de Reims a considéré que M [X] n’avait jamais été bénéficiaire du moindre contrat de travail réel avec la société MS Bâti Décor, de sorte que les moyens qu’il développe pris d’un statut de salarié n’ont pas de portée. Il ajoute qu’il en va de même de l’invocation de la responsabilité du mandataire judiciaire, sachant qu’il n’a pas fondé sa demande sur une quelconque responsabilité.

Sur le fondement de l’article 81 du code de procédure civile, la SELARL [F] [H] ès qualités soutient que l’exception d’incompétence soulevée par M [X] est irrecevable, faute pour celui-ci d’avoir contesté le jugement du conseil de prud’hommes qui s’est déclaré incompétent au profit du tribunal judiciaire.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par défaut et par mise au disposition au greffe,

Déboute M [I] [X] de ses demandes tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions de la SELARL [F] [H] es qualités et à les voir écarter des débats,

Confirme l’ordonnance rendue le 6 mai 2024 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Reims en toutes ses dispositions, sauf à préciser que la condamnation de M [I] [X] aux frais irrépétibles est prononcée au profit de la SELARL [F] [H] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS MS Bâti Décor,

Y ajoutant,

Déclare irrecevable l’exception d’incompétence soulevée par M [I] [X] au profit du conseil de prud’hommes de Reims,

Déboute M [I] [X] de sa demande tendant à ce que l’action en responsabilité contre le mandataire judiciaire soit déclarée recevable et à ce que la juridiction soit déclarée compétente pour en connaître,

Condamne M [I] [X] à payer à la SELARL [F] [H] agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS MS Bâti Décor la somme de 1 500 euros pour les frais irrépétibles d’appel de cette dernière,

Déboute M [I] [X] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M [I] [X] aux dépens d’appel.

Le greffier La présidente

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon