Cour d’appel de reims, 23 mai 2023, N° RG 21/02236
Cour d’appel de reims, 23 mai 2023, N° RG 21/02236

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Reims

Résumé

La présente affaire oppose la S.C.E.A. SAINT LOUVENT à la S.N.C. SOCIETE EN NOM COLLECTIF BAILLY concernant des contrats de travaux agricoles signés en 2012. En août 2016, la SNC BAILLY a résilié ces contrats, invoquant des non-paiements. Le tribunal a jugé cette résiliation justifiée en décembre 2021, condamnant la SCEA et Monsieur [H] [L] à verser des sommes à la SNC BAILLY. En appel, la cour a confirmé cette décision, rejetant les demandes de dommages et intérêts pour manque à gagner, soulignant l’absence de preuves suffisantes. Les appelants ont également été condamnés aux dépens d’appel.

ARRET N°

du 23 mai 2023

N° RG 21/02236 – N° Portalis DBVQ-V-B7F-FDAD

[L]

S.C.E.A. SAINT LOUVENT

c/

S.N.C. SOCIETE EN NOM COLLECTIF BAILLY

Formule exécutoire le :

à :

la SELARL GUYOT – DE CAMPOS

Me Olivier PINCON

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 23 MAI 2023

APPELANTS :

d’un jugement rendu le 01 décembre 2021 par le Tribunal judiciaire de CHALONS EN CHAMPAGNE

Monsieur [H] [L]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Christophe GUYOT de la SELARL GUYOT – DE CAMPOS, avocat au barreau de REIMS

S.C.E.A. SAINT LOUVENT

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Christophe GUYOT de la SELARL GUYOT – DE CAMPOS, avocat au barreau de REIMS

INTIMEE :

S.N.C. SOCIETE EN NOM COLLECTIF BAILLY,

S.N.C. au capital de 1.000 €, ayant son siège social [Adresse 1]), immatriculée au RCS de CHALONS EN CHAMPAGNE sous le n°490.526.167, agit poursuite et diligences de son gérant.

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Olivier PINCON, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

Madame MAUSSIRE, conseillère et Madame MATHIEU, conseillère, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées. Elles en ont rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Madmae Véronique MAUSSIRE, conseillère

Madame Florence MATHIEU, conseillère

GREFFIER :

Monsieur Nicolas MUFFAT-GENDET, greffier lors des débats et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors du prononcé

DEBATS :

A l’audience publique du 03 avril 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 23 mai 2023,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 23 mai 2023 et signé par Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère, en remplacement de la présidente de chambre régulièrement empêchée, et Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Selon deux contrats de travaux d’entreprise agricole en date du 19 juillet 2012, la SCEA SAINT LOUVENT, d’une part, et Monsieur [H] [L], d’autre part, ont confié à la SNC BAILLY la réalisation de travaux de prestations agricoles sur des parcelles dont ils ont la propriété, pour une durée de six années à compter du 1er août 2012, moyennant une rémunération comprenant une partie fixe et une partie variable en fonction de la marge brute calculée par le CDER pour chaque année culturale.

Par courriers recommandés avec accusés de réception en date du 29 août 2016, la SNC BAILLY a fait connaître à la SCEA SAINT LOUVENT et à Monsieur [H] [L] sa volonté de résilier ces contrats à effet au 30 novembre suivant aux motifs du non-paiement régulier des prestations et de l’imputation par ceux-ci de régularisations à son détriment, ainsi que de déséquilibres flagrants dans les obligations des parties telles que résultant des contrats.

Faute de parvenir à un accord amiable, la SNC BAILLY, par acte d’huissier en date du 12 mai 2017, a fait assigner la SCEA SAINT LOUVENT et Monsieur [H] [L] devant le tribunal de grande instance de Châlons en Champagne.

Par une décision en date du 22 août 2018, le juge de la mise en état a ordonné une mesure d’expertise judiciaire afin d’apprécier les éléments techniques au regard des critères contractuels retenus pour fixer la rémunération de la SNC BAILLY.

L’expert, Monsieur [T] [D] a déposé son rapport le 11 février 2020.

Par jugement rendu le 1er décembre 2021, le tribunal judiciaire de Châlons en Champagne a’:

– dit justifiée la résiliation des contrats en date du 19 juillet 2012 entre d’une part la SNC BAILLY et d’autre part la SCEA SAINT LOUVENT et Monsieur [H] [L], à effet au 30 novembre 2016,

-condamné la SCEA SAINT LOUVENT à payer à la SNC BAILLY la somme de 76.776,44 euros HT au titre de la rémunération restant due’,

-condamné Monsieur [H] [L] à payer à la SNC BAILLY la somme de 30.039 euros HT au titre de la rémunération restant due,

-débouté la SNC BAILLY de sa demande de dommages et intérêts au titre du manque à gagner,

-débouté la SCEA SAINT LOUVENT et Monsieur [H] [L] de leurs demandes reconventionnelles,

-condamné la SCEA SAINT LOUVENT à payer à la SNC BAILLY la somme de 5.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles,

-condamné Monsieur [H] [L] à payer à la SNC BAILLY la somme de 5.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles,

-condamné in solidum la SCEA SAINT LOUVENT et Monsieur [H] [L] aux dépens.

Par un acte en date du 16 décembre 2021, la SCEA SAINT LOUVENT et Monsieur [H] [L] ont interjeté appel de ce jugement.

Par une décision du 17 mars 2022, le conseiller de la mise en état a ordonné une mesure de médiation et y a mis fin par décision du 6 juillet 2022.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées électroniquement le 14 janvier 2023, la SNC BAILLY conclut à l’infirmation partielle du jugement déféré en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre du manque à gagner résultant de son impossibilité de poursuivre le contrat jusqu’à son terme le 30 novembre 2018 comme prévu originairement, soit au titre des récoltes 2017 et 2018, et demande à la cour, statuant à nouveau de ce chef de condamner la SCEA SAINT LOUVENT et Monsieur [H] [L] à lui payer respectivement les sommes de 110.010,72 euros et 68.753,70 euros.

Elle sollicite en outre la condamnation de ces derniers à lui payer la somme de 10.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.

Elle explique qu’elle a réalisé ses prestations pour les années culturales 2013, 2014, 2015 et 2016 puis a dénoncé le contrat car la SCEA SAINT LOUVENT et Monsieur [H] [L] ne payaient pas les prestations.

Elle réfute l’argumentaire de ces derniers selon lequel les marges brutes dégagées par leurs exploitations respectives seraient inférieures aux référentiels définis au contrat et insiste sur le fait que ceux-ci ne l’ont pas assignée en paiement pour recouvrement de leurs créances.

Elle fait valoir que l’expertise judiciaire a mis en évidence le fait qu’elle était créancière de la SCEA SAINT LOUVENT et de Monsieur [H] [L].

Elle insiste sur la mauvaise foi de ces derniers qui ont communiqué peu, de temps avant l’ordonnance de clôture une attestation du CDER datée du 10 février 2022 relative à la consommation d’engrais semences et phytosanitaires, laquelle ne remet pas en cause les décomptes faits par l’expert judiciaire.

Elle estime qu’en vertu du principe de réparation intégrale, elle a le droit à être indemnisée de son manque à gagner résultant de la rupture du contrat et se base sur une moyenne annuelle.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées électroniquement le 16 janvier 2023, la SCEA SAINT LOUVENT et Monsieur [H] [L] concluent à l’infirmation du jugement déféré et demandent à la cour de juger fautive la rupture unilatérale des contrats de prestation par la SNC BAILLY et de condamner cette dernière à leur payer la somme de 41.469,14 euros ht, soit 49.762,97 euros ttc au titre des décomptes des contrats de prestations de services. Ils sollicitent en outre le paiement de la somme de 20.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles.

Ils soutiennent que le tribunal a fait une mauvaise appréciation de la clause d’ajustement prévue au contrat et a inversé la charge de la preuve. Ils expliquent que l’ensemble des produits de traitement, phytosanitaires et semences ont été livrés par le fournisseur exclusif des exploitations, la société Soufflet, directement dans les locaux de la SNC BAILLY, pour la réalisation des prestations mais ont été intégralement payés par eux, de sorte que le coût desdits produits doit être inclus dans les coûts impactant sa marge.

Ils font valoir que dès la première année du contrat, la mauvaise exploitation par la SNC BAILLY a généré une créance à leur profit et que celle-ci n’a eu de cesse de faire pression sur eux aux fins de règlement de factures «’éclipsant’» la clause d’ajustement sous la menace de rupture brutale des prestations, mettant les concluant en difficulté face à plusieurs centaines d’hectares de terres à moisssonner.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

*Sur la résiliation du contrat

En application de l’article 1134 du code civil dans sa version applicable à la cause au regard de la date de signature de l’engagement contractuel litigieux, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Aux termes de l’article 1184 ancien du même code, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer 1’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts.

La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.

Les deux contrats passés entre la SNC BAILLY et Monsieur [L], d’une part, et la SCEA SAINT LOUVENT, d’autre part, datés du 19 juillet 2012 prévoient qu’ils sont conclus pour une durée de six ans à compter du 1er août 2012 et se terminent après l’enlèvement de la récolte pour l’armée 2018.

Ces deux contrats comportent un paragraphe intitulé «’ manquement aux obligations des parties’» qui énonce que’:

«’L’inobservation par lune des parties de l’une des clauses du contrat sera constitutive d’un motif légitime de résiliation du contrat.

Chacune des parties invoquant un motif légitime pourra de la même manière résilier de manière unilatérale le contrat en cours, dans le cas où une demande de régularisation est restée infructueuse.

Une telle résiliation ne prendra effet qu’a la fin de l’année culturale en cours fixée au 30 novembre. Elle devra avoir été signifiée au cocontractant au plus tard le ler septembre par lettre recommandée avec accusé de réception, laquelle précisera le motif de résiliation invoquée. Il est entendu que constitue un motif légitime de résiliation du présent contrat :

Le non paiement de la prestation après une mise en demeure de payer par lettre recommandée avec accusé de réception restée infructueuse dans un délai d’un mois.

La mauvaise exécution des travaux par l’entrepreneur de travaux agricoles du fait de sa négligence, signalée par le maître d’ouvrage par lettre recommandée avec accusé de réception et restée sans effet dans un délai de un mois.

Toute résiliation unilatérale sans motif légitime tel que défini ci-dessus fera l’objet du versement par la partie auteur de la résiliation d’une indemnité de quinze mille euros hors taxe par année civile restant due’».

La SNC BAILLY a procédé à la résiliation des deux contrats pour manquement à leurs obligations par la SCEA SAINT LOUVENT et par Monsieur [L], par lettres recommandées avec avis de réception du 29 août 2016, à effet du 30 novembre 2016. Elle a fondé la résiliation unilatérale sur le non-paiement des prestations et justifie avoir mis en demeure par pli recommandé avec avis de réception du 5 janvier 2016 la SCEA SAINT LOUVENT et Monsieur [L], d’avoir à lui payer pour la première la somme de 92.492,04 euros ttc et pour le second la somme de 70.660,80 euros ttc, au titre de plusieurs factures impayées. Les conditions de forme de la résiliation sont conformes à la lettre des contrats et ne sont au demeurant pas contestées par la SCEA SAINT LOUVENT et Monsieur [L].

S’agissant de l’obligation visée en tant que motif de la résiliation unilatérale, les contrats de travaux dentreprise agricole en date du 19 juillet 2012 déterminent comme suit les obligations essentielles des parties :

– la SNC BAILLY s’est engagée à effectuer en temps et en saisons convenus et dans les meilleures conditions les travaux nécessaires au bon déroulement du cycle de production des végétaux tels que confiés par la SCEA SAINT LOUVENT et Monsieur [H] [L], les contrats précisant que les prestations concernent notamment les travaux de déchaumage, labour et préparation des sols, d’implantation des cultures, y compris les cultures intermédiaires obligatoires, l’application des produits phytosanitaires et des engrais, la récolte des cultures, la livraison des récoltes et l’aide au remplissage des documents de traçabilité, lesdits travaux portant sur les cultures de blé, colza, orge de printemps, tournesol, maïs et escourgeon,

– la SCEA SAINT LOUVENT et Monsieur [H] [L], outre l’assurance de la direction et de la surveillance de l’exploitation, la fourniture des produits, approvisionnements, semences et engrais nécessaires, avaient pour obligation essentielle le paiement des prestations réalisées par la SNC BAILLY.

Les contrats susvisés déterminent que la rémunération est fixée, d’une part, forfaitairement pour la durée du contrat «’pour la campagne en cours’» à la somme de 300 euros hors taxe par hectare pour toutes les cultures outre un complément de 20 euros hors taxe par hectare s’il y a nécessité d’utiliser des chenilles selon l’appréciation de l’entrepreneur.

Il est également stipulé que’« Le paiement de la prestation tiendra compte d’une prime d’intéressement variable fixée, selon accord des parties, en fonction de la marge brute calculée par le CDER pour chaque année culturale à partir des éléments suivants :

Le coût moyen public pratiqué par le fournisseur des approvisionnements, phytosanitaires, semences et engrais, et ce, en fonction des quantités réellement utilisées pour les besoins des prestations. Le prix moyen fournisseur est celui figurant sur les catalogues de prix des différents fournisseurs, selon accord des parties,

Des prix de vente moyens par culture des trois petites régions suivantes : petite région du Perthois non grêveux, petite région des rivières-Henruel, petite région du bocage,

– Des rendements réels pour chaque culture constatés sur les parcelles travaillées.

La marge brute ainsi obtenue sera comparée à la marge brute moyenne par culture des exploitations des trois petites régions de référence (‘).

Ainsi, si la marge brute moyenne du maître d’ouvrage est supérieure à la marge brute moyenne prise en référence et calculée par le CDER, les bénéfices seront divisés par parts égales entre les parties.

En revanche, si la marge brute moyenne du maître d’ouvrage est inférieure à la marge brute moyenne prise en référence et calculée par le CDER, l’entrepreneur de travaux agricoles sera tenu au paiement de la différence entre la marge brute moyenne prise en référence et calculée par le CDER et la marge brute effectivement réalisée au cours de la campagne.

Le prix sera réglé en quatre échéances sur la base des prestations réalisées :

-30 % payable le 15 septembre de l’année en cours (année N),

-30 % payable le 25 décembre de l’année en cours (année N),

-30 % payable le 15 juin de l’année N+1, et le solde payable le 15 décembre de l’année N+1, après remise des documents comptables permettant le calcul de la marge brute définie en référence.

Le paiement interviendra le 15 septembre 2013’».

Le litige porte sur la détermination de cette prime d’intéressement constituant une rémunération variable, les appelants soutenant que les mauvais rendements de la SNC BAILLY l’ont rendue redevable de sommes envers eux.

Il est constant qu’après réception des mises en demeure des 5 janvier 2016 de payer les prestations, si tant Monsieur [L] que la SCEA SAINT LOUVENT ont contesté être débiteur desdites sommes, ils n’ont cependant pas avant l’introduction de la présente instance par la SNC BAILLY, réalisé de démarches actives aux fins de recouvrement des sommes qu’ils invoquent désormais à leur bénéfice au titre des engrais, semences et traitements payés par leurs soins et non utilisés par l’entrepreneur de travaux au titre des terrains exploités à leur profit.

L’expert judiciaire, Monsieur [D], dans son rapport rédigé le 11 février 2020, fournit un éclairage technique sur le calcul de cette prime et les sommes déjà versées par les parties. Il précise que «’Le contrat de prestation, passé entre les exploitations [L] SCEA SAINT LOUVENT et la SNC BAILLY, prévoit une prime ou une pénalité basée sur la performance technique du prestataire. Pour ce faire, un groupe d’exploitations agricoles locales et représentatives a été choisi avec le CDER pour servir de base de référence au calcul de marge brute et permettre une comparaison entre les résultats obtenus par la SNC BAILLY et ceux obtenus par le groupe de référence CDER’».

La cour, comme le premier juge, relève qu’aucun vice du consentement n’est allégué par l’une ou l’autre des parties, de sorte que les contrats ont été valablement formés et constituent l’unique loi des parties, à partir de laquelle la rémunération due à la SNC BAILLY doit être calculée.

En ce sens, l’état supposé des cultures avant l’intervention de la SNC BAILLY en qualité de prestataire, non démontré au demeurant, est indifférent s’agissant de déterminer le montant de la rémunération variable pouvant être réclamé par celle-ci au titre des contrats critiqués.

Il résulte des constatations techniques et financières de l’expert qu’il existait une différence importante entre les résultats d’exploitation de la SCEA SAINT LOUVENT et de Monsieur [H] [L] et les moyennes des exploitations du panel représentatif CDER pour les années 2007 à 2013 et que le travail de la SCN BAILLY a permis une réduction de ce différentiel à partir de 2014, pour arriver à un résultat sensiblement équivalent aux résultats du référentiel CDER en 2016. Il est ainsi établi que la SNC BAILLY a hérité d’un potentiel agronomique dégradé en 2013 au moment de son entrée en fonction comme prestataire de service des exploitations de la SCEA SAINT LOUVENT et de Monsieur [H] [L].

Les appelants s’accordent sur les chiffres retenus par l’expert s’agissant du compte entre les parties, à savoir que «’-après application de la rémunération variable prévue au contrat- l’exploitation de Monsieur [H] [L] doit à la SNC BAILLY la somme de 30.039 euros HT et la SCEA SAINT LOUVENT doit à la SNC BAILLY la somme de 76.776,44 euros HT’» sauf à alléguer la nécessité de prendre en compte selon eux les stocks consommés de semences, amendements et produits phytosanitaires.

S’il est démontré que les contrats ont prévu que la fourniture des produits, approvisionnements, semences et engrais nécessaires était une obligation à la charge de la SCEA SAINT LOUVENT et de Monsieur [H] [L] et que les paragraphes relatifs aux modalités de calcul de la prime d’intéressement variable font état de la prise en compte des quantités de ces produits «’réellement utilisés pour les besoins des prestations’», la SCEA SAINT LOUVENT et Monsieur [H] [L] ne démontrent pas, d’une part, que lesdits produits n’ont pas été intégralement utilisés par la SNC BAILLY, et d’autre part, que l’expert dans son chiffrage n’a pas pris en considération cette donnée.

En effet’:

-d’une part, il n’est aucunement justifié d’une mauvaise réalisation de la prestation technique par la SNC BAILLY,

-d’autre part, contrairement à ce que soutiennent la SCEA SAINT LOUVENT et Monsieur [H] [L], l’expert judiciaire a intégré dans sa réflexion la fourniture et la prise en charge financière des produits susvisés, puisqu’en page 61 de son rapport, il mentionne la production par la SNC BAILLY du «’bilan matière des produits phytosanitaires employés sur les parcelles de la SCEA SAINT LOUVENT et de Monsieur [H] [L] comparé aux approvisionnements effectués pas les établissements Soufflet sur les périodes 2013 à 2016′: entrées sur bon de livraison et utilisation aux champs. Reprise du stock en fin de campagne’».

En outre, en réponse au dire n°4 de l’avocat de la SCEA SAINT LOUVENT et de Monsieur [H] [L], le 30 janvier 2020, il écrit «'(‘) La comparaison de marge a pour objet d’évaluer le niveau technique du prestataire, la SNC BAILLY en comparaison avec un référentiel, pour appliquer les termes du contrat passé entre celui-ci et le maître d’ouvrage. Cette comparaison de marges a été effectuée à partir de données comptables enregistrées par un cabinet comptable. Ces données peuvent être considérées comme fiable à mon sens’»,

-et enfin, les deux attestations de l’expert comptable datées du 10 février 2022 et produites aux débats le 11 janvier 2023, relatives à la consommation de la SCEA SAINT LOUVENT et de Monsieur [H] [L] pour les périodes couvrant la récolte 2013, 2014, 2015 et 2016 ne donnent aucun élément sur l’affectation de ces sommes au profit de la répartition des obligations contractuelles entre le prestataire de travaux et le maître d’ouvrage et sont inopérantes pour contrecarrer l’analyse effectuée par l’expert judiciaire. Ces éléments étant nécessairement connus lors des opérations expertales, étant souligné, en revanche que la SCEA SAINT LOUVENT et Monsieur [H] [L] n’ont pas communiqué les indemnités d’assurance perçues dans le cadre de deux sinistres survenus dans des locaux de stockage leur appartenant.

Dans ces conditions, la cour, comme le tribunal, estime au vu du rapport d’expertise judiciaire, dont les analyses et conclusions ont été débattues de manière contradictoire, qu’il est justifié de ce que la SCEA SAINT LOUVENT et Monsieur [H] [L] étaient effectivement redevables de sommes au profit de la SNC BAILLY, de sorte que la résiliation signifiée le 29 août 2016 par elle des deux contrats en date du 19 juillet 2012 à la SCEA SAINT LOUVENT et Monsieur [H] [L] à effet au 30 novembre 2016, était fondée.

Eu égard aux éléments ci-dessus motivés et au chiffrage retenu par l’expert, contre lequel aucune critique probante n’est établie, il convient de condamner la SCEA SAINT LOUVENT à payer à la SNC BAILLY la somme de 76.776,44 euros HT, et de condamner Monsieur [H] [L] au paiement de la somme de 30.039 euros HT, et ce au titre de la rémunération restant due en application des contrats en date du 19 juillet 2012′.

La résiliation opérée par la SNC BAILLY étant fondée sur un motif légitime et le compte entre les parties étant positif au profit du prestataire de travaux, les demandes reconventionnelles en paiement de la SCEA SAINT LOUVENT et de Monsieur [H] [L] seront dès lors rejetées.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement déféré de ces chefs.

*Sur la demande d’indemnisation de la SNC BAILLY au titre du manque à gagner

Aux termes de l’article 1147 ancien du code civil dans sa version applicable à la cause, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

La SNC BAILLY fonde sa demande sur l’impossibilité pour elle de mener les contrats de prestation de service au terme initialement convenu. Si elle a obtenu la résiliation des contrats en raison du non paiement intégral des prestations exécutées par ses soins, s’agissant de la réparation de son manque à gagner, il lui incombe de justifier de la réalité de son préjudice.

La cour, comme le premier juge, rappelle qu’il n’appartient pas aux juges de pallier la carence probatoire des parties et relève en l’espèce qu’aucune expertise financière n’est sollicitée de ce chef’; que l’estimation du manque à gagner au titre des récoltes 2017 et 2018 d’après la moyenne des années 2013 à 2016 est empirique et non corroborée par des éléments probants.

Dans ces conditions, il convient de débouter la SNC BAILLY de ses demandes en paiement sur ce fondement et par conséquent, de confirmer le jugement déféré de ce chef.

*Sur les autres demandes

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, la SCEA SAINT LOUVENT et Monsieur [H] [L] succombant, ils seront tenus in solidum aux dépens d’appel.

Les circonstances de l’espèce commandent de condamner in solidum la SCEA SAINT LOUVENT et Monsieur [H] [L] à payer à la SNC BAILLY la somme globale de 3.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles et de les débouter de leurs demandes en paiement sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement rendu le 1er décembre 2021 par le tribunal judiciaire de Châlons en Champagne, en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Condamne in solidum la SCEA SAINT LOUVENT et Monsieur [H] [L] à payer à la SNC BAILLY la somme globale de 3.000 euros à titre d’indemnité pour frais irrrépétibles.

Les déboute de leurs demandes en paiement sur ce même fondement.

Condamne in solidum la SCEA SAINT LOUVENT et Monsieur [H] [L] aux dépens d’appel et autorise Maître Olivier Pincon, avocat, à les recouvrer directement dans les formes et conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier La conseillère pour la présidente de chambre régulièrement empêchée

 


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