Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Reims
Thématique : Suspension du contrat de travail et obligation vaccinale : enjeux et conséquences pour les salariés du secteur médico-social
→ RésuméLa suspension du contrat de travail de Mme [J] [Y] par la SARL A2D, en raison de son refus de se faire vacciner contre la COVID-19, soulève des enjeux cruciaux pour les salariés du secteur médico-social. En effet, la loi impose cette obligation pour protéger les personnes vulnérables. Mme [J] [Y] a contesté cette décision, arguant d’un manque de reclassement, mais le conseil de prud’hommes a confirmé que l’employeur n’avait commis aucun manquement. La cour d’appel a également rejeté ses demandes, soulignant que la suspension était conforme à la législation en vigueur, sans porter atteinte à ses droits fondamentaux.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Reims
RG n°
23/01787
du 16/10/2024
N° RG 23/01787
OJ/FJ
Formule exécutoire le :
à :
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 16 octobre 2024
APPELANTE :
d’un jugement rendu le 13 novembre 2023 par le Conseil de Prud’hommes de REIMS, section Activités Diverses (n° F 22/00289)
Madame [J] [Y]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Emmanuel LUDOT, avocat au barreau de REIMS
INTIMÉE :
S.A.R.L. A.2.D AIDE À DOMICILE DEPENDANCE (ADHAP SERVICES)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par la SELARL GUYOT – DE CAMPOS, avocats au barreau de REIMS
DÉBATS :
En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 2 septembre 2024, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur François MÉLIN, président de chambre, et Monsieur Olivier JULIEN, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 16 octobre 2024.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Monsieur François MÉLIN, président
Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller
Monsieur Olivier JULIEN, conseiller
GREFFIER lors des débats :
Monsieur Francis JOLLY, greffier
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur François MÉLIN, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige :
Mme [J] [Y] a été embauchée par la SARL A2D (AIDE À DOMICILE DEPENDANCE (ADHAP SERVICES)) selon contrat à durée indéterminée à temps partiel en date du 29 octobre 2018 en qualité d’assistante de vie, niveau III, pour une durée mensuelle de 60 heures pour une rémunération brute fixée à 596,40 euros, étant précisé qu’il n’est pas contesté que la durée mensuelle a été portée à 120 heures à compter du 1er janvier 2019.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 20 septembre 2021, la SARL A2D a notifié à Mme [J] [Y] la suspension de son contrat de travail à compter du 18 septembre 2021, au motif qu’elle ne s’était pas soumise à l’obligation de vaccination contre la covid 19 prévue par la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire.
Par requête déposée le 20 juillet 2022, Mme [J] [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Reims aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur pour ne pas avoir effectué de propositions de reclassement et de le condamner à payer certaines sommes.
Par jugement en date du 13 novembre 2023, le conseil de prud’hommes de Reims a :
– jugé que la société ADHAP SERVICES n’a commis aucun manquement ;
– débouté Mme [J] [Y] de l’ensemble de ses prétentions, demandes financières et indemnitaires :
– résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur ;
– préavis 1.284 euros bruts ;
– indemnité conventionnelle de licenciement 240 euros ;
– dommages et intérêts en réparation du préjudice subi 3.000 euros ;
– solde de congés payés dus (6 jours) 70 euros ;
– article 700 CPC 3.000 euros ;
– condamnation de l’employeur aux entiers dépens ;
– condamné Mme [J] [Y] à payer à la société ADHAP SERVICES la somme de 100 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné Mme [J] [Y] aux entiers dépens de l’instance.
Mme [J] [Y] a interjeté appel contre ce jugement selon déclaration d’appel du 15 novembre 2023.
Au terme de ses conclusions, communiquées par voie électronique le 21 décembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, Mme [J] [Y] demande à la cour de :
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Reims le 13 novembre 2023 ;
et statuant à nouveau,
– prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur, la société ADHAP SERVICES et ce avec toutes conséquences de droit ;
– condamner la société ADHAP SERVICES au paiement des sommes suivantes :
– préavis : 1.284 euros bruts ;
– indemnité conventionnelle de licenciement : 240 euros ;
– dommages et intérêts en réparation du préjudice subi : 3.000 euros ;
– solde de congés payés dus (6 jours) : 70 euros ;
– article 700 CPC : 3.000 euros ;
– condamner la société ADHAP SERVICES aux entiers dépens de première instance et d’appel ;
– débouter la société ADHAP SERVICES de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Au terme de ses conclusions, communiquées par voie électronique le 18 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, la SARL AIDE À DOMICILE DEPENDANCE (ADHAP SERVICES) demande à la cour de’:
– débouter Mme [J] [Y] de l’ensemble de ses demandes’ ;
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Reims le 13 novembre 2023′ ;
– condamner Mme [J] [Y] à lui payer la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Mme [J] [Y] aux entiers dépens, dont distraction au bénéfice de la SELARL GUYOT & DE CAMPOS, avocat aux offres de droit.
Sur l’obligation vaccinale fondant la suspension du contrat de travail
Mme [J] [Y] rappelle que son contrat de travail est suspendu depuis de nombreux mois et elle soutient que les jurisprudences invoquées par son employeur pour justifier son absence d’obligation de reclassement concernent un secteur d’activité spécifique, celui des soins apportés à des personnes extrêmement fragiles, ce qui ne correspond pas à son activité professionnelle d’assistante de vie, en l’absence de précision complémentaire sur les bulletins de salaire ou dans la lettre du 20 septembre 2021.
En réplique, après avoir rappelé son objet social, la SARL ADHAP SERVICES expose que les personnes soumises à une obligation de vaccination contre la covid 19 qui n’y satisfaisaient pas ont vu leur contrat de travail suspendu et elle soutient également que les fonctions d’assistante de vie de Mme [J] [Y] entrent dans le champ d’application de l’obligation vaccinale prévue par la loi du 5 août 2021, puisque la mission de la société est de contribuer au maintien à domicile des personnes fragilisées de tous âges en les accompagnant dans les actes essentiels de la vie quotidienne.
Selon l’article 12, I, 1° k) de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19, les personnes exerçant leur activité dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés aux 2°, 3°, 5°, 6°, 7°, 9° et 12° du I de l’article L 312-1 du code de l’action sociale et des familles, à l’exception des travailleurs handicapés accompagnés dans le cadre d’un contrat de soutien et d’aide par le travail mentionné au dernier alinéa de l’article L 311-4 du même code.
Aux termes de l’article L 312-1 du code de l’action sociale et des familles, ‘I – sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux les établissements et les services, dotés ou non d’une personnalité morale propre, énumérés ci-après’:
(‘)
6° Les établissements et les services qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l’insertion sociale ;
7° Les établissements et les services, y compris les foyers d’accueil médicalisé, qui accueillent des personnes handicapées, quel que soit leur degré de handicap ou leur âge, ou des personnes atteintes de pathologies chroniques, qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l’insertion sociale ou bien qui leur assurent un accompagnement médico-social en milieu ouvert’.
En l’espèce, le contrat de travail de Mme [J] [Y] en date du 29 octobre 2018, engagée en qualité d’assistante de vie, précise que « dans le cadre de ses fonctions, et sans que cette liste soit limitative, Mme [J] [Y] sera chargée d’assurer les tâches d’assistance telles que’: aide à l’hygiène, à la mobilisation, garde, accompagnement, aide aux repas ou des tâches d’entretien de la maison et travaux ménagers, préparation de repas… Ces tâches seront effectuées essentiellement auprès de personnes âgées, de personnes handicapées, et autres personnes dès lors qu’elles ont besoin d’une aide personnelle à domicile ».
Il ressort des pièces produites par la SARL ADHAP SERVICES que l’activité exercée par la société consiste dans l’exécution de « toutes prestations de service en faveur de personnes, personnes âgées et/ou ayant un handicap, assistance et garde ».
Compte tenu des missions décrites dans son contrat de travail et de la nature des activités de son employeur, Mme [J] [Y] était susceptible de se trouver en contact avec des personnes fragiles nécessitant une aide dans les actes quotidiens de la vie, de sorte que l’article 12 I 1° k) de la loi du 5 août 2021, renvoyant aux dispositions précitées du code de l’action sociale et des familles, devait s’appliquer et que Mme [J] [Y] était soumise à l’obligation vaccinale.
Sur le manquement à l’exécution loyale du contrat de travail et à l’obligation de rechercher un reclassement
Mme [J] [Y] soutient que son employeur a manqué à une obligation de reclassement après la période de suspension du contrat de travail et qu’il n’a pas respecté le principe de bonne foi et de loyauté dans l’exécution du contrat de travail.
En effet, elle estime que l’employeur avait l’obligation de proposer un poste qui ne soit pas soumis à l’obligation vaccinale ou d’en rechercher la possibilité, de sorte qu’en ne rapportant pas la preuve de ses diligences, il a commis une faute entraînant la résiliation judiciaire du contrat de travail, assimilée à un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec les conséquences financières qui y sont attachées.
Elle expose que cette obligation de reclassement constitue, pour l’employeur, une obligation d’adaptation du poste du salarié dans le cadre du contrat de travail soumis au droit privé.
Pour sa part, la SARL ADHAP SERVICES soutient que la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 a imposé une obligation de vaccination pour des personnes exerçant dans le domaine de la santé dont le non-respect entraînait automatiquement la suspension du contrat de travail et qu’elle a notifié à Mme [J] [Y] la suspension de son contrat de travail en application de ces dispositions législatives.
Elle rappelle que la méconnaissance par l’employeur de son obligation de contrôler le respect par son salarié de l’obligation de vaccination est sanctionnée pénalement.
La SARL ADHAP SERVICES en déduit qu’aucun texte ne prévoit une obligation de reclassement ni de tentative de reclassement du salarié dont le contrat de travail est suspendu en application de l’obligation vaccinale.
L’article L 1222-1 du code du travail prévoit que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi, de sorte que l’employeur a le devoir d’assurer l’adaptation des salariés à l’évolution de leur emploi.
Les paragraphes I et II de l’article 14 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 disposent’:
« I. – A. – A compter du lendemain de la publication de la présente loi et jusqu’au 14 septembre 2021 inclus, les personnes mentionnées au I de l’article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n’ont pas présenté les documents mentionnés au I de l’article 13 ou, à défaut, le justificatif de l’administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l’article 12 ou le résultat, pour sa durée de validité, de l’examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret.
B. – A compter du 15 septembre 2021, les personnes mentionnées au I de l’article 12 ne peuvent plus exercer leur activité si elles n’ont pas présenté les documents mentionnés au I de l’article 13 ou, à défaut, le justificatif de l’administration des doses de vaccins requises par le décret mentionné au II de l’article 12.
Par dérogation au premier alinéa du présent B, à compter du 15 septembre 2021 et jusqu’au 15 octobre 2021 inclus, sont autorisées à exercer leur activité les personnes mentionnées au I de l’article 12 qui, dans le cadre d’un schéma vaccinal comprenant plusieurs doses, justifient de l’administration d’au moins une des doses requises par le décret mentionné au II du même article 12, sous réserve de présenter le résultat, pour sa durée de validité, de l’examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 prévu par le même décret.
II. – Lorsque l’employeur constate qu’un salarié ne peut plus exercer son activité en application du I du présent article, il l’informe sans délai des conséquences qu’emporte cette interdiction d’exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. Le salarié qui fait l’objet d’une interdiction d’exercer peut utiliser, avec l’accord de son employeur, des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés. A défaut, son contrat de travail est suspendu.
La suspension mentionnée au premier alinéa du présent II, qui s’accompagne de l’interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que le salarié remplit les conditions nécessaires à l’exercice de son activité prévues au I. Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits légaux ou conventionnels acquis par le salarié au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, le salarié conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit.
La dernière phrase du deuxième alinéa du présent II est d’ordre public.
Lorsque le contrat à durée déterminée d’un salarié est suspendu en application du premier alinéa du présent II, le contrat prend fin au terme prévu si ce dernier intervient au cours de la période de suspension ».
En l’espèce, la lettre du 20 septembre 2021 mentionne que le personnel des services d’aide à domicile doit être vacciné contre la covid-19 pour continuer à exercer son activité et que l’employeur a constaté que Mme [J] [Y] ne peut plus exercer son activité « faute d’avoir présenté l’un des justificatifs permettant de satisfaire aux obligations découlant de (la) loi » du 5 août 2021.
L’employeur notifie ainsi à Mme [J] [Y] la suspension de son contrat de travail ainsi que la suspension de sa rémunération à compter du 18 septembre 2021 et jusqu’à ce qu’elle produise l’un des justificatifs requis, conformément aux dispositions de l’article 14 de la loi du 5 août 2021.
Il sera précisé que l’obligation vaccinale s’appliquant à l’ensemble des personnes travaillant dans le domaine médico-social, notamment les assistants de vie comme Mme [J] [Y], vise à protéger les personnes prises en charge dans les établissements concernés ou bénéficiant des prestations à domicile dès lors qu’elles présentent une vulnérabilité particulière au virus de la covid-19 ainsi qu’à limiter les risques de propagation du virus par les professionnels dans le cadre de l’exercice de leur activité qui, par nature, peut les conduire à prendre en charge des personnes vulnérables.
De même, la suspension du contrat de travail et la privation de la rémunération en résultant sont temporaires, dès lors que la loi a prévu la possibilité, d’une part, pour le salarié de les faire cesser en justifiant du respect de l’obligation vaccinale et, d’autre part, pour le pouvoir réglementaire de suspendre cette obligation compte tenu de l’évolution de la situation épidémiologique et des connaissances scientifiques.
En outre, la suspension du contrat de travail est la conséquence directe du choix fait par Mme [J] [Y] de refuser de se conformer à l’obligation imposée par la loi dont l’objectif est de protéger la santé des personnes les plus vulnérables, puisque, lors de la réalisation de ses prestations, la salariée exerçant l’activité d’assistante de vie est nécessairement en contact direct avec les personnes âgées et/ou dépendantes chez lesquelles elle intervient.
Par ailleurs, aucune disposition légale ne prévoit une obligation de reclassement d’un salarié refusant de se soumettre à l’obligation vaccinale, laquelle s’applique à l’ensemble des salariés relevant des établissements et services visés par la loi, quelle que soit leur activité propre.
Au vu de ces éléments, aucune faute ne peut être reprochée à la SARL ADHAP SERVICES qui a procédé à la suspension du contrat de travail de Mme [J] [Y] conformément à la loi du 5 août 2021 et qui n’a pas manqué à son obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail de cette dernière.
Sur l’inconventionnalité de la suspension du contrat de travail et de la perte de rémunération afférente
L’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dispose que :
‘Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui’.
Se fondant sur ce texte, Mme [J] [Y] estime que la suspension du contrat de travail et celle de la rémunération ont une durée excessive et sont disproportionnées, d’autant que la loi ne définirait pas avec suffisamment de précision les critères permettant de disposer des données scientifiques complètes sur la pandémie et de connaître la pertinence de la vaccination des salariés du secteur médico-social, permettant de s’assurer que les valeurs protégées l’emportent sur celles auxquelles il est porté atteinte.
La SARL ADHAP SERVICES estime, pour sa part, que la suspension du contrat de travail à la suite du refus de justifier d’un schéma vaccinal complet ne caractérise pas la violation d’une liberté fondamentale, qu’elle ne constitue pas non plus une sanction disciplinaire, qu’elle n’est pas disproportionnée et qu’il ne s’agit pas d’une faute de l’employeur.
Il doit être rappelé que l’obligation vaccinale mise en oeuvre par la loi du 5 août 2021 a été instaurée dans le contexte d’une pandémie mondiale et que l’Etat tenu d’une obligation de protéger ses ressortissants a imposé des restrictions poursuivant l’objectif de protection de la santé et des droits et libertés d’autrui.
De plus, l’obligation vaccinale a été limitée à certains secteurs d’activité en raison de la vulnérabilité des personnes prises en charge et le contrat de travail des salariés ne justifiant pas de cette obligation était seulement suspendu et non rompu.
Par ailleurs, cette suspension du contrat de travail présentait un caractère temporaire, à laquelle les salariés concernés pouvaient mettre fin en justifiant de la vaccination ou d’une contre-indication médicale à cette vaccination, voire en mettant fin volontairement au contrat dans le cadre d’une démission afin de pouvoir bénéficier d’autres ressources.
Mme [J] [Y] ne saurait davantage alléguer que l’absence de versement d’une rémunération est disproportionnée, dans la mesure où la rémunération n’est que la contrepartie de l’exécution du contrat de travail et où le législateur a expressément prévu cette perte de rémunération en définissant les conséquences du non respect de l’obligation vaccinale, de sorte que cette suspension ne saurait avoir un caractère disciplinaire.
Compte tenu des objectifs poursuivis par le législateur, dans le contexte particulier de la pandémie liée à la covid-19, la suspension du contrat de travail de Mme [J] [Y] ne saurait être considérée comme opérant une violation de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail
Le salarié, qui demande la résiliation judiciaire du contrat de travail, doit justifier des griefs qu’il impute à l’employeur, et qui doivent être suffisamment graves pour justifier la rupture du contrat de travail, étant relevé que la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur produit les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Dans la mesure où la SARL ADHAP SERVICES n’a commis aucune faute, en procédant à la suspension du contrat de travail de Mme [J] [Y] dans les conditions prévues par la loi du 5 août 2021, dont les dispositions ne portent pas atteinte à des libertés fondamentales, Mme [J] [Y] sera déboutée de sa demande tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur et, par voie de conséquence, de ses demandes financières.
Le jugement déféré sera ainsi confirmé de ce chef.
Sur les demandes accessoires
Le conseil de prud’hommes a exactement statué sur le sort des dépens et les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dont il a fait une équitable application.
En ce qui concerne les frais exposés à hauteur d’appel par la SARL ADHAP SERVICES, l’équité commande de lui allouer une somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [J] [Y] succombant en ses prétentions ne saurait prétendre à l’allocation de frais irrépétibles et elle sera condamnée aux dépens de l’instance d’appel, lesquels pourront être directement recouvrés par la SELARL GUYOT & DE CAMPOS dans les conditions prévues à l’article 699 du code de procédure civile.
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, et après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Reims en date du 13 novembre 2023 en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
DÉBOUTE Mme [J] [Y] de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [J] [Y] à payer à la SARL ADHAP SERVICES la somme de 1.000 euros au titre des frais exposés en cause d’appel en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [J] [Y] aux dépens de l’instance d’appel ;
ACCORDE à la SELARL GUYOT & DE CAMPOS, avocat, le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile concernant les dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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