Cour d’appel de Reims, 16 octobre 2024, RG n° 23/01310
Cour d’appel de Reims, 16 octobre 2024, RG n° 23/01310

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Reims

Thématique : La clause de dédit-formation

 

Résumé

La cour a jugé nulle la clause de dédit-formation dans le contrat de M. [U] [E] avec la société Decobat, confirmant ainsi le jugement du conseil de prud’hommes. M. [U] [E] avait contesté cette clause, arguant qu’elle ne respectait pas les conditions de validité requises. En conséquence, la société a été condamnée à verser à M. [U] [E] des sommes pour heures supplémentaires, non-respect de la durée maximale de travail, primes contractuelles et travail dissimulé. La cour a également rejeté les demandes de M. [U] [E] concernant la requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

16 octobre 2024
Cour d’appel de Reims
RG n°
23/01310

Arrêt n°

du 16/10/2024

N° RG 23/01310

FM/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 16 octobre 2024

APPELANT :

d’un jugement rendu le 24 juillet 2023 par le Conseil de Prud’hommes d’EPERNAY, section Commerce (n° F 21/00049)

Monsieur [U] [E]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par la SELARL IFAC, avocats au barreau de l’AUBE

INTIMÉE :

S.A.R.L. DECO’BAT

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Emilie DELIERE-PIETRZAK, avocat au barreau de REIMS et par la SELARL CALCADA-TOULON-LEGENDRE, avocats au barreau de MEAUX

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 2 septembre 2024, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur François MÉLIN, président de chambre, et Monsieur Olivier JULIEN, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 16 octobre 2024.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Monsieur François MÉLIN, président

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

Monsieur Olivier JULIEN, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Francis JOLLY, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur François MÉLIN, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

M. [U] [E] a été embauché par la société Decobat par un contrat de travail à durée indéterminée du 30 octobre 2020 en qualité de chauffeur routier poids-lourd.

Par un courrier du 14 septembre 2021, M. [U] [E] a indiqué à l’employeur avoir l’honneur de présenter sa démission à compter de cette même date.

La société Decobat a saisi le conseil de prud’hommes d’Epernay, en demandant notamment le remboursement de la clause de dédit-formation stipulée par le contrat de travail.

Devant le conseil, M. [U] [E] a demandé au conseil de juger que la clause de dédit-formation est nulle et inopposable, et que sa démission s’analyse en une prise d’acte de la rupture du contrat de travail en raison des manquements de l’employeur en matière de durée du travail.

Par un jugement du 24 juillet 2023, le conseil a :

– débouté M. [U] [E] de sa demande de requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– débouté M. [U] [E] de sa demande au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

– débouté M. [U] [E] de sa demande au titre de l’indemnité légale de licenciement ;

– débouté M. [U] [E] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– débouté M. [U] [E] de sa demande de rappel d’heures supplémentaires ;

– débouté M. [U] [E] de sa demande au titre du non-respect du contingent d’heures supplémentaires ;

– débouté M. [U] [E] de sa demande au titre du non-respect de la durée maximale de travail ;

– débouté M. [U] [E] de sa demande au titre de l’absence de contrepartie au travail de nuit ;

– condamné la SARL DECOBAT à payer à M. [U] [E] la somme de 460 euros au titre des primes contractuelles ;

– débouté M. [U] [E] de sa demande relative au travail dissimulé ;

– condamné M. [U] [E] à verser à la SARL DECOBAT la somme de 4.800 euros au titre de la clause de dédit formation ;

– débouté M. [U] [E] de sa demande de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat ;

– condamné M. [U] [E] à verser à la SARL DECOBAT la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– rejeté la demande d’exécution provisoire au titre de l’article 515 du code de procédure civile ;

– rejeté la demande de condamnation de M. [U] [E] aux entiers dépens par la SARL DECOBAT.

M. [U] [E] a formé appel.

Par des conclusions remises au greffe le 18 septembre 2023, M. [U] [E] demande à la cour de :

– infirmer le jugement du 24 juin 2023 en ce qu’il a :

– débouté M. [U] [E] de sa demande de requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– débouté M. [U] [E] de sa demande au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

– débouté M. [U] [E] de sa demande au titre de l’indemnité légale de licenciement ;

– débouté M. [U] [E] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– débouté M. [U] [E] de sa demande de rappel d’heures supplémentaires ;

– débouté M. [U] [E] de sa demande au titre du non-respect du contingent d’heures supplémentaires ;

– débouté M. [U] [E] de sa demande au titre du non-respect de la durée maximale de travail ;

– débouté M. [U] [E] de sa demande au titre de l’absence de contrepartie au travail de nuit ;

– condamné la SARL DECOBAT à payer à M. [U] [E] la somme de 460 euros au titre des primes contractuelles ;

– débouté M. [U] [E] de sa demande relative au travail dissimulé ;

– condamné M. [U] [E] à verser à la SARL DECOBAT la somme de 4.800 euros au titre de la clause de dédit formation ;

– débouté M. [U] [E] de sa demande de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat ;

– condamné M. [U] [E] à verser à la SARL DECOBAT la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

– rejeté la demande de condamnation de M. [U] [E] aux entiers dépens par la SARL DECOBAT.

Et statuant à nouveau,

– dire et juger que la clause de dédit-formation insérée dans le contrat de travail est nulle et inopposable au salarié car ne répondant pas aux conditions de validité posées par la jurisprudence ;

– dire et juger que la société Decobat a manqué à ses obligations légales en remettant à M. [U] [E] ses documents de fin de contrat tardivement ;

En conséquence,

– dire que la démission de M. [U] [E] s’analyse en une prise d’acte de la rupture du contrat de travail en raison des nombreux manquements de la société Decobat en matière de durée du travail ;

– dire que la prise d’acte de la rupture s’analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– écarter le barème d’indemnisation prévu à l’article L.1235-3 du Code du travail et apprécier la situation de M. [U] [E] in concreto ;

En conséquence,

– condamner la société Decobat au paiement des sommes suivantes :

‘ rappel d’heures supplémentaires : 34 310,87 euros,

‘ congés payés afférents : 3 431,08 euros,

‘ non-respect du contingent d’heures supplémentaires : 7 929,59 euros,

‘ congés payés afférents : 792,95 euros,

‘ non-respect de la durée maximale du travail : 11 233,76 euros,

‘ compensation absence de contrepartie au travail de nuit : 15 276,31 euros,

‘ congés payés afférents : 1 526,63 euros,

‘ non-paiement de primes contractuelles : 1 000,00 euros,

‘ dommages et intérêts pour travail dissimulé : 33 701,28 euros,

‘ indemnité légale de licenciement : 1 287,20 euros,

‘ indemnité compensatrice de préavis : 5 616,88 euros,

‘ congés payés afférents : 561,58 euros,

‘ dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 33 701,28 euros,

‘ dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat : 3 000,00 euros,

‘ article 700 du code de procédure civile : 2 500,00 euros,

– dire et juger que la défenderesse devra rembourser au demandeur les frais d’huissier en cas d’exécution forcée en application de l’Article 10 du décret 96-1080 du 12 décembre 1996.

Par des conclusions remises au greffe le 12 décembre 2023, la société Decobat demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [U] [E] de l’ensemble de ses demandes ;

– infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Decobat à payer à M. [U] [E] la somme de 460 euros au titre des primes contractuelles et en ce qu’il a limité la condamnation de M. [U] [E] au titre de la clause de dédit formation à la somme de 4800 euros ;

Et, statuant à nouveau,

A titre principal :

– condamner M. [U] [E] à payer la somme de 10.380 euros prévue par la clause de dédit-formation prévue par le contrat de travail du 30 octobre 2020,

A titre subsidiaire :

– condamner M. [U] [E] à payer à la Société Decobat la somme de 4.800 euros correspondant à I’enrichissement injustifié dont il a bénéficié au titre des frais réels de formation engagés pour l’obtention du permis C et la formation FIMO ;

En tout état de cause :

– débouter M. [U] [E] de l’intégralité de ses demandes ;

– condamner M. [U] [E] à payer à la Société Decobat la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– condamner M. [U] [E] aux entiers dépens.

Motifs :

Sur la clause de dédit-formation

Le contrat de travail stipule, par son article 2, une clause de dédit formation dans les termes suivants :

M. [U] [E] soutient que cette clause est nulle et inopposable aux motifs que les formations ont eu lieu du 31 août au 25 septembre 2020 puis du 5 au 30 octobre 2020, c’est-à-dire avant la signature du contrat de travail, qu’il n’avait pas connaissance de la clause de dédit-formation avant d’accepter les formations, que la clause de dédit-formation a été conclue sur la base d’une évaluation forfaitaire et non pas en considération du coût réel de la formation, que cette clause fait état d’un montant disproportionné par rapport aux frais réellement engagés par l’employeur, que cette clause ne prévoit pas les modalités de remboursement par le salarié, et que l’employeur ne justifie pas que les frais de formation réelle sont supérieurs à ceux prévus par la loi ou la convention collective.

L’employeur répond notamment que M. [U] [E] a signé la clause de dédit-formation alors qu’il avait déjà suivi une grande partie de la formation, qu’il avait donc une parfaite connaissance des dates et de la durée de la formation lorsqu’il a signé le contrat de travail et qu’il avait une parfaite connaissance de la clause.

Dans ce cadre, la cour relève, de manière générale, qu’une clause de dédit-formation doit faire l’objet d’une convention particulière entre les parties, conclue avant la formation, précisant la date, la nature, la durée de la formation et son coût réel pour l’employeur, ainsi que le montant et les modalités du remboursement à la charge de la salariée (soc., 9 février 2010, n° 08-44.477).

Or, en l’espèce, il est constant que la clause de dédit-formation n’a pas fait l’objet d’une convention particulière conclue avant la formation.

La clause de dédit-formation doit dès lors être jugée nulle. Le jugement est donc infirmé en ce qu’il a condamné M. [U] [E] à verser la somme de 4.800 euros au titre de la clause de dédit-formation.

L’employeur demande, à titre subsidiaire, la condamnation de M. [U] [E] à lui payer la somme de 4 800 euros correspondant aux frais de formation, en soutenant qu’il y a eu enrichissement injustifié du salarié, dès lors que l’employeur n’avait pas l’obligation de lui payer la formation sans contrepartie et qu’il n’avait pas d’intention libérale. Toutefois, l’employeur ne justifie pas remplir les conditions d’une indemnisation, dès lors que, s’il a payé la formation du salarié hors de toute obligation légale ou contractuelle puisque la formation a eu lieu avant l’embauche et hors de tout contrat, il a payé cette formation en vue de permettre à M. [U] [E] d’obtenir les compétences nécessaires en vue de travailler à son profit. Or, l’article 1303-2 du code civil dispose que « il n’y a pas lieu à indemnisation si l’appauvrissement procède d’un acte accompli par l’appauvri en vue d’un profit personnel ».

Sur la démission

Le salarié a remis à l’employeur le 15 septembre 2021 un courrier daté du 14 septembre 2021 rédigé dans les termes suivants :

« Objet : démission (remise en main propre)

je soussigné [E] [U] ai l’honneur de vous présenter ma démission du poste de chauffeur PL, à compter de la date de ce courrier.

J’ai bien noté que les termes de mon contrat de travail prévoient un préavis. Cependant, et par dérogation, je sollicite la possibilité de ne pas effectuer ce préavis, et par conséquent de quitter l’entreprise dès le 14/09/2021, mettant ainsi fin à mon contrat de travail.

Je vous demanderai de bien vouloir me transmettre un reçu pour solde de tout compte, un certificat de travail ainsi qu’une attestation Pôle emploi.

Je vous prie d’agréer, M. [U] [E] l’expression de ma considération respectueuse ».

Devant la cour, M. [U] [E] soutient qu’il a démissionné en raison des manquements de son employeur relatifs au non-paiement d’heures supplémentaires, au non-respect du contingent d’heures supplémentaires, au non-respect des durées maximales de travail, à l’existence de travail dissimulé, à l’absence de contrepartie au travail de nuit et à l’absence de paiement de certaines primes contractuelles. Il en déduit que même si sa lettre est de démission, il a été contraint de mettre fin au contrat, de sorte que cette prise d’acte doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Toutefois, les termes du courrier du 15 septembre 2021 font état d’une démission, sans formuler aucun grief à l’encontre de l’employeur. Ce dernier indique par ailleurs sans être contredit que le salarié ne lui avait adressé aucun reproche avant ce courrier. En outre, la procédure prud’homale a été engagée non pas par le salarié mais par l’employeur et ce n’est que le 22 avril 2022, selon l’indication de l’employeur non contestée, que le salarié a conclu en demandant le paiement d’heures supplémentaires. La cour en déduit que M. [U] [E] a démissionné et que sa demande de requalification de son courrier en prise d’acte aux torts de l’employeur doit être rejetée.

Le jugement est donc confirmé en ce qu’il a :

– débouté M. [U] [E] de sa demande de requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– débouté M. [U] [E] de sa demande au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

– débouté M. [U] [E] de sa demande au titre de l’indemnité légale de licenciement ;

– débouté M. [U] [E] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la remise des documents de fin de contrat

M. [U] [E] indique qu’il a demandé en vain à l’employeur les documents de fin de contrat, qui ne lui ont été fournis que près de sept mois plus tard. Il demande à ce titre le paiement de la somme de 3000 euros de dommages-intérêts pour remise tardive, qui lui a causé nécessairement un préjudice selon lui.

Toutefois, comme l’a retenu à juste titre le jugement, les documents de fin de contrat sont quérables. Or, il est constant que l’employeur a proposé, par un mail du 28 septembre 2021, au salarié de passer dans les locaux de l’entreprise le 29 septembre ou le 1er octobre 2021 à 11 heures pour retirer ces documents et que M. [U] [E] a indiqué, par un mail en réponse, ne pas être disponible à ces dates et heures. Si M. [U] [E] affirme que l’employeur proposait des rendez-vous et les annulait aussitôt, il procède par une simple affirmation.

Le jugement est donc confirmé en ce qu’il a débouté M. [U] [E] de sa demande, en l’absence de manquement de l’employeur, étant en outre précisé que si le salarié fait état d’un préjudice nécessaire, il ne fournit aucun élément justifiant de la réalité du préjudice qu’il allègue.

Sur la demande au titre des heures supplémentaires alléguées

M. [U] [E] demande la condamnation de l’employeur à lui payer les sommes suivantes :

– rappel d’heures supplémentaires : 34 310,87 euros,

– congés payés afférents : 3 431,08 euros,

– non-respect du contingent d’heures supplémentaires : 7 929,59 euros,

– congés payés afférents : 792,95 euros.

Il indique qu’il a effectué des heures supplémentaires non payées et que le contingent d’heures supplémentaires prévu par la convention collective des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment n’a pas été respecté.

Dans ce cadre, il y a lieu de rappeler, de manière générale, que :

L’article L.3171-4 du code du travail dispose qu’« En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable » ;

« En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant. » (Soc., 27 janvier 2021, n°17-31046).

Au soutien de ses demandes, M. [U] [E] produit :

– des relevés chronotachygraphes pour la période allant du 26 janvier 2021 au 13 septembre 2021 ;

– un tableau établi par le salarié indiquant le temps de travail pour chacun des jours de cette période.

Ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

L’employeur produit :

– une attestation du directeur de l’agence Loxam de [Localité 5] qui indique avoir conclu un accord avec la société Decobat pour que celle-ci assure le transport de nuit d’engins de chantier pour le compte des clients de l’agence, que les transports avaient lieu du dimanche soir au jeudi soir avec une amplitude de 9 heures, que le camion de M. [U] [E] stationnait à l’agence pendant les périodes de repos, qu’il était stationné en permanence la journée en semaine ainsi que le week-end ;

– un relevé chrono-tachygraphiques pour les mois de juin à août 2021.

L’employeur soutient par ailleurs que la question de la falsification des relevés produits par le salarié se pose, que M. [U] [E] indique avoir travaillé 2,80 heures le 25 mars 2021 et 23,98 heures le 20 avril 2021 alors qu’il était en congé le 25 mars 2021 et absent le 20 avril 2021, et que certaines de ses allégations ne sont pas crédibles (par exemple, le salarié aurait travaillé de 17 heures 41 le 27 janvier 2021 à 23 heures 20 le lendemain ou encore 41,60 heures les 7, 8 et 9 février 2021).

Au regard de ces éléments, la cour relève que l’employeur ne produit pas les horaires travaillés selon lui par M. [U] [E], alors pourtant qu’il doit par principe assurer le contrôle des heures de travail effectuées, que l’attestation du directeur de l’agence Loxam, qui ne respecte d’ailleurs pas les prescriptions réglementaires en ce qu’elle n’est pas manuscrite, n’est pas accompagnée de l’accord conclu avec la société Decobat, sans que celle-ci ne s’en explique, et que cette dernière n’explique pas non plus pourquoi elle ne produit pas les relevés chrono-tachygraphiques sur l’ensemble de la période litigieuse.

Après avoir examiné les éléments fournis par les parties, la cour a la conviction que M. [U] [E] a travaillé 175 heures sans en être rémunérées et qu’il y a lieu de condamner la société Decobat à payer la somme de 2 665,25 euros ainsi que la somme de 266,52 euros de congés payés afférents.

Le jugement est donc infirmé en ce qu’il a débouté M. [U] [E] de sa demande de rappel d’heures supplémentaires. Il est en revanche confirmé en ce qu’il a débouté M. [U] [E] de sa demande au titre du non-respect du contingent d’heures supplémentaires, dans la mesure où le contingent de 180 heures prévu par la convention collective n’a pas été atteint.

Sur la demande au titre de la durée maximale de travail

M. [U] [E] demande la condamnation de l’employeur à lui payer la somme de 11 233,76 euros de dommages et intérêts, correspondant à deux mois de salaires, en raison de l’absence de respect des durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail et de l’absence de respect du droit au repos quotidien et hebdomadaire.

L’employeur répond que cette demande incidente à la demande relative aux heures supplémentaires doit être rejetée.

Toutefois, il résulte des relevés et du tableau, précités, produits par M. [U] [E] que la durée maximale de travail et le droit au repos n’ont pas toujours été respectés.

La somme de 2 000 euros est dès lors allouée à M. [U] [E] en réparation du préjudice subi, de sorte que le jugement est infirmé en ce qu’il a rejeté la demande.

Sur la demande au titre des repos compensateurs

M. [U] [E] demande, dans le dispositif de ses conclusions, une Compensation absence de contrepartie au travail de nuit d’un montant de 15 276,31 euros, ainsi que les congés payés afférents. Dans les motifs de ses conclusions, il précise cette demande en indiquant qu’il s’agit de dommages et intérêts pour repos compensateurs non pris.

Toutefois, l’article L 3121-30 du code du travail dispose que « Des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel. Les heures effectuées au-delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos ».

Or, il a été précédemment relevé que le contingent d’heures supplémentaires n’a pas été dépassé.

Le jugement a donc, à juste titre, débouté M. [U] [E] de sa demande.

Sur la demande de primes

L’article 6 du contrat de travail prévoit trois primes mensuelles : « conduite éco-responsable », ‘zéro accident’ et « « entretien ».

Le jugement a alloué la somme de 460 euros au titre de ces primes à M. [U] [E] pour les mois d’avril et mai 2021, qui le critique en faisant valoir qu’il ne lui a pas attribué ces primes pour le mois de septembre 2021. Toutefois, l’employeur répond à juste titre que M. [U] [E] ayant quitté les effectifs de l’entreprise au cours du mois de septembre, il ne peut pas prétendre à l’octroi de ces primes, qui sont mensuelles, le contrat de travail ne prévoyant pas un paiement au prorata du temps passé.

M. [U] [E] fait par ailleurs valoir que l’employeur lui est redevable de 310 euros au titre de la prime de panier des mois de février à septembre 2021. Il est fait droit à cette demande, dans la mesure où le salarié indique le nombre de jours concernés pour chaque mois, alors que l’employeur ne répond pas à cette demande.

Le jugement est donc infirmé en ce qu’il a alloué à M. [U] [E] la somme de 460 euros, M. [U] [E] pouvant prétendre à la somme de 770 euros.

Sur la demande au titre du travail dissimulé

M. [U] [E] demande la condamnation de l’employeur pour travail dissimulé, faute pour celui-ci d’avoir payé les heures supplémentaires.

L’employeur demande le rejet de cette demande, dans la mesure où il soutient que M. [U] [E] n’a pas travaillé d’heures supplémentaires non payées.

Toutefois, la cour a précédemment relevé que le salarié a travaillé des heures supplémentaires qui n’ont pas été payées, ce qui justifie la condamnation de l’employeur à leur paiement.

Dans ce cadre, il y a lieu de rappeler, de manière générale, que l’article L8221-5 du code du travail dispose qu’ « est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur : 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ; 2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ; 3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales ».

Or, en décidant de ne pas payer les heures supplémentaires réalisées par M. [U] [E] dont il avait connaissance compte tenu des relevés chronotachygraphes auxquels il avait accès, l’employeur a dissimulé sciemment une partie du travail de celui-ci et est donc condamné à payer, au regard d’un salaire de référence de 2 422 euros, la somme de 14 532 euros à titre d’indemnité de travail dissimulé.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

Le jugement est infirmé en ce qu’il a condamné M. [U] [E] à payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Decobat, qui succombe, est condamnée à payer la somme de 2 500 euros à ce titre. Sa demande est quant à elle rejetée.

Sur les dépens

Le jugement a omis de statuer sur les dépens.

La société Decobat, qui succombe, est condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

Sur la demande au titre des frais d’exécution forcée

M. [U] [E] demande à la cour de condamner l’employeur à rembourser les frais d’huissier en cas d’exécution forcée en application de l’article 10 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers en matière civile et commerciale.

Cette demande est toutefois rejetée car ce décret a été abrogé, étant relevé que le salarié demande en tout état de cause le remboursement de frais simplement éventuels et non chiffrés.

Par ces motifs :

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a :

– condamné M. [U] [E] à verser à la société Decobat la somme de 4.800 euros au titre de la clause de dédit formation ;

– débouté M. [U] [E] de sa demande de rappel d’heures supplémentaires ;

– débouté M. [U] [E] [U] [E] de sa demande au titre du non-respect de la durée maximale de travail ;

– condamné la société Decobat à payer à M. [U] [E] la somme de 460 euros au titre des primes contractuelles ;

– débouté M. [U] [E] de sa demande au titre du travail dissimulé ;

– condamné M. [U] [E] à payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

Juge nulle la clause de dédit-formation ;

Condamne la société Decobat à payer à M. [U] [E] les sommes suivantes :

– 2 665,25 euros d’heures supplémentaires ;

– 266, 52 euros de congés payés afférents ;

– 2 000 euros de dommages et intérêts pour non-respect de la durée maximale de travail ;

– 770 euros au titre des primes contractuelles ;

– 14 532 euros d’indemnité de travail dissimulé ;

– 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Decobat aux dépens de première instance et d’appel ;

Déboute M. [U] [E] du surplus de ses demandes.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


 


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