Cour d’appel de Reims, 16 octobre 2024, n° RG 23/01029
Cour d’appel de Reims, 16 octobre 2024, n° RG 23/01029

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Reims

Thématique : Le salarié victime d’une discrimination raciale

 

Résumé

M. [F] [B], conducteur livreur à la SAS Mazet Messagerie, a été licencié pour faute lourde le 22 février 2021, après une mise à pied conservatoire. Contestant cette décision, il a saisi le conseil de prud’hommes, qui a jugé le licenciement justifié. En appel, M. [F] [B] a demandé des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que pour discrimination raciale. La cour a infirmé le jugement initial, déclarant le licenciement sans cause réelle et sérieuse, annulant la mise à pied et condamnant l’employeur à verser plusieurs indemnités à M. [F] [B].

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

16 octobre 2024
Cour d’appel de Reims
RG n°
23/01029

Arrêt n° 586

du 16/10/2024

N° RG 23/01029 – N° Portalis DBVQ-V-B7H-FLF7

AP/ MLB/ACH

Formule exécutoire le :

16/10/2024

à :

MCMB

[D]

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 16 octobre 2024

APPELANT :

d’une décision rendue le 15 juin 2023 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de REIMS, section COMMERCE (n° F 22/00068)

Monsieur [F] [B]

[Adresse 2]

[Localité 3]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2023-002945 du 07/08/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de REIMS)

Représenté par la SELARL MCMB, avocats au barreau de REIMS

INTIMÉE :

S.A.S. MAZET MESSAGERIE

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par la SCP CABINET FORSTER, avocats au barreau de VALENCE

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 septembre 2024, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseillère, chargée du rapport, qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 16 octobre 2024.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Monsieur François MÉLIN, président

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseillère

Madame Isabelle FALEUR, conseillère

GREFFIER lors des débats :

Madame Allison CORNU-HARROIS, greffière

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur François MÉLIN, président, et Madame Allison CORNU-HARROIS, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Exposé du litige

M. [F] [B] a été embauché par la SAS Mazet Messagerie à compter du 25 juillet 2019, dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de conducteur livreur.

Par sms du 27 janvier 2021, la SAS Mazet Messagerie lui a notifié une mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 janvier 2021, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 8 février 2021 et la mise à pied conservatoire a été confirmée.

Le 22 février 2021, il a été licencié pour faute lourde.

Contestant notamment le bien-fondé de son licenciement, M. [F] [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Reims le 17 février 2022 de demandes en paiement de sommes à caractère indemnitaire et salarial.

Par jugement du 15 juin 2023, le conseil de prud’hommes a :

– dit que le licenciement de M. [F] [B] est pourvu de cause réelle et sérieuse ;

– débouté M. [F] [B] de l’ensemble de ses demandes ;

– débouté la SAS Mazet Messagerie de sa demande reconventionnelle ;

– dit que les dépens seront respectivement à la charge de chacune des parties.

Le 26 juin 2023, M. [F] [B] a interjeté appel du jugement sauf en ce qu’il a débouté la SAS Mazet Messagerie de sa demande reconventionnelle.

Exposé des prétentions et moyens des parties

Dans ses écritures remises au greffe le 28 février 2024, M. [F] [B] demande à la cour :

– d’infirmer le jugement ;

– de dire et juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

À titre principal,

– d’écarter le barème de l’article L.1235-3 du code du travail et de condamner la SAS Mazet Messagerie à lui payer la somme de 9 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

À titre subsidiaire,

– de condamner la SAS Mazet Messagerie à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application du barème ;

En tout état de cause,

– de condamner la SAS Mazet Messagerie à lui payer les sommes suivantes :

680,61 euros à titre d’indemnité de licenciement ;

1 554,62 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

155,46 euros à titre de congés payés afférents ;

5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination raciale ;

– d’annuler la mise à pied conservatoire dont il a fait l’objet sur la période du 27 janvier 2021 au 22 février 2021 ;

– de condamner la SAS Mazet Messagerie à lui payer les sommes suivantes :

1 469,08 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire,

146,91 euros bruts à titre de congés payés afférents ;

– de débouter la SAS Mazet Messagerie de l’ensemble de ses demandes ;

– de condamner la SAS Mazet Messagerie à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– d’ordonner la remise des documents de fin de contrat rectifiés conformes au ‘jugement’ à intervenir, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, passé le 15ème jour de la notification du ‘jugement’ à intervenir, la cour se réservant la faculté de liquider l’astreinte.

Dans ses écritures remises au greffe le 12 décembre 2023, la SAS Mazet Messagerie demande à la cour :

A titre principal,

– de réformer le jugement en ce qu’il a jugé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse ;

– de juger que le licenciement repose sur une faute lourde ;

A titre subsidiaire,

– de réformer le jugement en ce qu’il a jugé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse ;

– de juger que le licenciement repose sur une faute grave ;

En tout état de cause,

– de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [F] [B] de l’intégralité de ses demandes ;

– d’infirmer le jugement en ce qu’il a partagé les dépens de première instance entre les parties ;

– de condamner M. [F] [B] aux entiers dépens de première instance ;

– d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– de condamner M. [F] [B] à lui payer la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance ;

– de débouter M. [F] [B] de l’intégralité de ses demandes ;

– de condamner M. [F] [B] aux entiers dépens d’appel ;

– de condamner M. [F] [B] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d’appel.

Motifs

Sur l’allégation de discrimination raciale

M. [F] [B] soutient avoir été victime d’une discrimination raciale, faisant valoir qu’il a été affecté, d’octobre 2019 à octobre 2020, avec son unique autre collègue de couleur de l’entreprise, à la seconde partie de l’entrepôt, le privant de toute communication avec ses collègues et qu’il se voyait quasi systématiquement attribuer des véhicules de livraison défectueux, éprouvant les plus grandes difficultés pour en obtenir le remplacement, alors même que cette modification était facilitée pour les autres salariés.

L’employeur réplique que les allégations de M. [F] [B] sont mensongères. Il affirme que d’autres salariés travaillaient également dans la seconde partie de l’entrepôt et qu’en outre, compte tenu de son poste de conducteur-livreur, M. [F] [B] ne passait que très peu de temps sur le site de l’agence, soit en moyenne une quarantaine de minutes par jour. S’agissant des véhicules défectueux, il assure que M. [F] [B] conduisait les mêmes véhicules que ses collègues, lesquels conduisaient le sien en son absence.

Sur ce,

Il résulte de l’article L.1132-1 du code du travail qu’aucun salarié ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire en raison notamment de son origine, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille.

En application de l’article L.1134-1 du code du travail, il appartient au salarié qui s’estime victime d’une discrimination directe ou indirecte de présenter des éléments de fait laissant supposer son existence. II appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent présumer l’existence d’une telle discrimination et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, étant rappelé que l’existence d’une discrimination n’implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d’autres salariés.

En l’espèce, M. [F] [B] affirme tout au plus qu’il était isolé dans la seconde partie de l’entrepôt, et il ne produit aucune pièce à ce titre, alors même que l’employeur le conteste. Un tel fait n’est donc pas établi.

Il n’est pas davantage établi que le salarié se voyait de façon quasi-systématique attribuer les véhicules défectueux, alors qu’il ressort de la seule pièce visée à ce titre dans ses écritures -la pièce n°17- qu’un de ses collègues conduisait le même véhicule au siège défectueux que lui.

M. [F] [B] échoue donc à présenter des faits laissant supposer l’existence d’une discrimination, de sorte qu’il doit être débouté de sa demande en paiement de dommages-intérêts à ce titre.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur la contestation du licenciement:

M. [F] [B] affirme qu’aucune faute lourde n’est caractérisée et que l’employeur n’apporte pas la preuve des faits qu’il lui reproche au vu des pièces qu’il produit. Il fait également valoir que la plainte, qui a été déposée à son encontre pour les faits reprochés à l’appui du licenciement, a été classée sans suite.

L’employeur réplique que les pièces qu’il produit établissent la réalité des vols de colis au titre desquels une plainte a été déposée à son encontre et du comportement déloyal imputé à M. [F] [B], griefs que ce dernier ne conteste pas réellement au demeurant, et que dès lors son licenciement pour faute lourde est justifié.

Sur ce,

La faute lourde suppose, outre les éléments de la faute grave, l’intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise, intention qui doit être appréciée strictement et résulter d’éléments objectifs.

La preuve des faits constitutifs de faute lourde incombe à l’employeur.

Il appartient au juge d’apprécier si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, d’une gravité suffisante pour justifier l’éviction immédiate de ce dernier de l’entreprise et s’ils procèdent de sa part d’une intention de nuire, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise.

Au vu de ces éléments, M. [F] [B] reproche à raison aux premiers juges d’avoir procédé à une inversion de la charge de la preuve, en retenant notamment que ce dernier n’apportait pas d’explication probante à la disparition des marchandises dont il devait assurer la livraison.

En l’espèce, la lettre de licenciement est ainsi libellée:

‘ nous vous informons que nous vous notifions votre licenciement pour faute lourde,

Cette décision est prise pour les motifs suivants :

– Vol, et complicité de vols de marchandises appartenant à des clients de l’entreprise,

– Comportement déloyal dans l’exécution de votre contrat de travail.

En effet, en date du 06 janvier 2021, vous avez pris en charge 11 colis à destination d’Intersport [Localité 5] (récépissé 16547109).

À cette même date, vous avez également pris les produits correspondants à l’expédition 15549986 pour Novalles Bike sur [Localité 8].

Enfin, en date du 7 janvier 2021, vous avez chargé dans votre véhicule l’expédition 650968, un appareil électro-ménager ayant pour destinataire un particulier sur [Localité 7].

Ces expéditions n’étaient pas inscrites sur vos bordereaux de tournée des 6 ou 7 janvier 2021 -vous n’aviez donc pas à charger ces colis !

Par ailleurs, alors que vous avez chargé les marchandises dans votre véhicule d’affectation, celles-ci ne sont jamais parvenu aux destinataires ! Celles-ci ne sont jamais revenues avec vous à la fin des journées désignées !

Par ailleurs, sur l’expédition 16547109, votre action était visiblement préméditée. Il s’avère qu’après notre enquête, que cette la livraison était à votre charge et avait été refusée par le client le 5 janvier 2021.

De fait les marchandises auraient dû être positionnées en zone « refus » sur l’agence lors de votre retour le 5 janvier 2021.

Cependant, vous avez positionné ces marchandises sur une autre zone de quai pour les recharger ce 6 janvier 2021 ! Vous saviez sciemment ce qu’étaient ces marchandises (trottinettes électriques) et vous les avaient placés volontairement à un endroit déterminé pour les récupérer.’

En premier, il convient de préciser, s’agissant de la plainte pénale pour vol déposée par la SAS Mazet Messagerie, qu’un classement sans suite ne constitue pas une décision pénale revêtue de l’autorité de la chose jugée et ne s’impose pas à l’égard du juge prud’homal dans l’appréciation de la réalité et de la gravité de la faute fondant le licenciement. En conséquence, M. [F] [B] ne peut valablement se prévaloir de ce classement sans suite, au demeurant non produit aux débats, pour contester son licenciement.

Il est reproché à M. [F] [B] le vol de colis correspondant à trois livraisons, que ce dernier conteste, contrairement à ce qu’écrit l’intimée.

S’agissant de la livraison 16547109 à destination d’Intersport [Localité 5], celle-ci figure sur la liste des chargements de colis confiés à M. [F] [B] uniquement le 5 janvier 2021. Une ‘lettre de voiture’ en date du 5 janvier 2021 atteste du refus de cette livraison et une facture adressée à la SAS Mazet Messagerie par l’expéditeur des colis pour ‘indemnisation perte de marchandises’ établit l’absence de remise de cette livraison. L’employeur ne produit aux débats aucune pièce de nature à justifier que les colis ont été déposés, le 5 janvier 2021, sur une zone autre que la ‘zone refus’ de l’agence ni qu’ils ont été pris en charge par M. [F] [B] le 6 janvier 2021. Le vol par ce dernier de ces colis n’est donc pas établi.

S’agissant de la livraison 15549986 pour Novalles Bike sur [Localité 8], la liste de chargement des colis confiés à M. [F] [B] pour la journée du 6 janvier 2021 ne comporte aucune livraison n°15549986 et la SAS Mazet Messagerie ne produit aucune pièce établissant que cette livraison a été prise en charge par M. [F] [B] à cette date. Ce fait n’est donc pas établi.

S’agissant de la livraison 650968 en date du 7 janvier 2021 pour un particulier sur [Localité 7], la liste des chargement des colis confiés à M. [F] [B] ne mentionne aucunement cette livraison et la SAS Mazet Messagerie ne produit aucune pièce établissant que cette livraison a été prise en charge par M. [F] [B] à cette date. Ce fait n’est donc pas non plus établi.

Aucun fait de vol ni par conséquent de comportement déloyal n’est ainsi caractérisé.

En conséquence, dès lors que l’employeur ne rapporte par la preuve des faits qu’il reproche à M. [F] [B], le licenciement pour faute lourde est sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse:

rappel de salaire au titre de mise à pied conservatoire:

Dès lors que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, c’est à bon droit que M. [F] [B] demande à la cour d’annuler sa mise à pied à titre conservatoire injustifiée. En conséquence, à la lecture des bulletins de paie de janvier et février 2021, la SAS Mazet Messagerie doit être condamnée à lui payer la somme de 1 469,08 euros outre les congés payés.

indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents:

M. [F] [B] est en droit de percevoir une indemnité compensatrice de préavis correspondant à la rémunération qu’il aurait perçue s’il avait exécuté son préavis, soit la somme non contestée de 1 554,62 euros, outre la somme de 155,46 euros à titre de congés payés afférents.

indemnité de licenciement:

M. [F] [B] est également fondé à solliciter le paiement d’une indemnité de licenciement.

La SAS Mazet Messagerie conteste toutefois le montant réclamé en faisant valoir que le salaire de référence retenu pour le calcul de l’indemnité est incorrect, même à supposer que la moyenne de salaire soit de 1690,74 euros.

Selon l’article R1234-4 du code du travail, ‘Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l’indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :

1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l’ensemble des mois précédant le licenciement;

2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion.’

En l’espèce, le salaire de référence retenu sera de 1 752,23 euros correspondant à la moyenne des douze derniers mois qui est plus favorable que celle des trois derniers mois qui est de 1649,31 euros.

Ainsi, sur la base d’une ancienneté de 1 an et 6 mois, la SAS Mazet Messagerie sera condamnée à payer à M. [F] [B] la somme de 657,09 euros en application des dispositions de l’article R.1234-2 du code du travail.

dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [F] [B] est également en droit de percevoir le paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En revanche, c’est à tort qu’il demande que le barème de l’article L.1235-3 du code du travail soit écarté au regard des dispositions de l’article 24 de la charte sociale européenne et des articles 4 et 10 de la convention numéro 158 de l’organisation internationale du travail et du droit au procès équitable. En effet, le moyen tendant à écarter le barème légal d’indemnisation, fondé sur une appréciation de la proportionnalité des dispositions de l’article 24 de la charte européenne des droits sociaux, ne peut aboutir en l’absence d’applicabilité directe du texte invoqué. Le moyen tiré de la violation de la convention n°158 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) ne peut davantage aboutir dès lors qu’il appartient seulement au juge d’apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l’indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l’article L. 1235-3 du code du travail. Enfin, l’article L. 1235-3 du code du travail n’empêche pas un salarié d’agir en justice pour faire reconnaître le caractère injustifié du licenciement et faire condamner l’employeur. Loin d’interdire ou de compromettre le recours au juge, l’article L. 1235-3 du code du travail en fait un préalable nécessaire. Le salarié conserve ainsi la faculté de saisir effectivement un juge impartial pour défendre ses droits selon des modalités qui, tout en réduisant l’office de ce dernier, laisse intact la nature de son pouvoir. Ce pouvoir reste souverain et s’exerce entre les plancher et plafond variables et afférents à l’ancienneté du salarié, ce qui ôte au procès tout caractère inéquitable, peu important l’impact de l’article L. 1235-3 du code du travail sur le montant de l’indemnisation.

Par conséquent, il appartient à la cour d’apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l’indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l’article L.1235-3 du code du travail.

En l’espèce, sur la base d’une ancienneté d’une année complète et compte tenu de l’effectif de la SAS Mazet Messagerie dont il n’est pas démontré qu’il est inférieur à 11 salariés, le barème fixe une indemnité comprise entre un et deux mois de salaire brut.

M. [F] [B] était âgé de 31 ans lors de son licenciement.

A la suite de celui-ci, il a conclu un contrat de travail à durée indéterminée intérimaire apprenant avec période de formation à compter du 12 avril 2021 et bénéficié, dans ce cadre, d’une formation professionnelle de 140 heures de conducteur routier du 12 avril 2021 au 7 mai 2021. Il justifie également avoir perçu l’allocation de retour à l’emploi du 20 avril 2021 au 1er février 2022 et avoir retrouvé un emploi de conducteur à compter du 5 décembre 2022. Il est tout au plus justifié de la fermeture administrative pour une durée de 4 mois en 2018 de la société ‘Délice de la nuit’ située à [Localité 6] dont le salarié était le gérant.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, et sur la base d’un salaire moyen de 1752,23 euros, la SAS Mazet Messagerie sera condamnée au paiement de la somme de 2500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement doit être infirmé en ce sens.

Sur la demande de remise des documents de fin de contrat sous astreinte:

Il y a lieu d’enjoindre à la SAS Mazet Messagerie de remettre à M. [F] [B] les documents de fin de contrat conformes à la présente décision, sans qu’il soit toutefois nécessaire d’ordonner une astreinte.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens:

Partie succombante, la SAS Mazet Messagerie doit être condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a débouté la SAS Mazet Messagerie de sa demande d’indemnité de procédure, dont elle doit aussi être déboutée à hauteur d’appel.

Il y a lieu en équité de condamner la SAS Mazet Messagerie à payer à M. [F] [B] la somme de 2 500 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel.

Par ces motifs :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Confirme le jugement déféré en qu’il a débouté M. [F] [B] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour discrimination raciale et du chef de l’astreinte et en ce qu’il a débouté la SAS Mazet Messagerie de sa demande d’indemnité de procédure ;

L’infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau dans les limites des chefs d’infirmation et y ajoutant :

Juge le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Annule la mise à pied conservatoire dont M. [F] [B] a fait l’objet sur la période du 27 janvier 2021 au 22 février 2021 ;

Condamne la SAS Mazet Messagerie à payer à M. [F] [B] les sommes suivantes :

1 469,08 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

146,91 euros à titre de congés payés afférents,

1 554,62 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

155,46 euros à titre de congés payés afférents,

657,09 euros à titre d’indemnité de licenciement,

2 500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dit que les condamnations sont prononcées sous déduction des éventuelles cotisations sociales salariales applicables ;

Enjoint à la SAS Mazet Messagerie de remettre à M. [F] [B] les documents de fin de contrat rectifiés conformément à la présente décision ;

Déboute la SAS Mazet Messagerie de sa demande d’indemnité de procédure ;

Condamne la SAS Mazet Messagerie à payer à M. [F] [B] la somme de 2 500 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel ;

Condamne la SAS Mazet Messagerie aux dépens de première instance et d’appel.

La Greffière Le Président


 


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