Cour d’appel de Pau, 4 juillet 2017
Cour d’appel de Pau, 4 juillet 2017

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Pau

Thématique : Dignité d’un défunt : un SMS à 5 000 euros 

Résumé

Un gérant de pompes funèbres a été condamné à 5 000 euros de dommages et intérêts après avoir envoyé par erreur un SMS inapproprié à la veuve d’un défunt durant les rites funéraires. Ce message, qui portait atteinte à la dignité du défunt et à l’intimité de la veuve, a été jugé comme une faute grave. La famille a fondé sa demande sur la responsabilité délictuelle, soulignant que l’envoi du SMS constituait une atteinte à la dignité, sans lien avec le contrat d’organisation des obsèques. Cette affaire soulève également des questions sur le secret des correspondances.

Atteinte à la dignité du défunt

Furieux d’avoir perdu son client au profit d’un concurrent, le gérant d’une société de pompes funèbres a envoyé par erreur un SMS à la veuve du défunt durant les rites funéraires précédant et accompagnant la mise en bière : « Salut Stéphane, pas d’obsèques, le frère a foutu la merde et c’est PDG qui récupère le bébé, qu’ils aillent se faire enculer à Bethleem ».

L’article 1242 du code civil, dispose que chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.  En envoyant ce SMS, à la suite d’une maladresse de manipulation de son téléphone, à la veuve du défunt durant les rites funéraires, l’expéditeur a porté atteinte à la dignité du défunt mais aussi à l’intimité de du deuil de la veuve ainsi qu’à son identité confessionnelle (par le texte dégradant du message « se faire enculer à Bethleem»).

5 000 euros de dommages et intérêts

L’expéditeur indélicat a été condamné à 5 000 euros de dommages et intérêts pour atteinte grave à la dignité du défunt et de celle de sa veuve. A  noter que ces derniers ont  fondé leur demande de réparation sur le terrain de la responsabilité délictuelle de l’article 1383 du code civil, étant observé que celui de la responsabilité contractuelle n’aurait pu être mis en jeu dès lors que la faute reprochée au gérant de la société se situait postérieurement à la révocation du mandat d’organiser les obsèques qui lui avait été confié, sa prestation ayant été limitée au transport du défunt au funérarium.

Régime juridique du SMS

Le régime du droit de la presse n’a pas non plus été appliqué.  La famille du défunt ne visait  pas des injures non publiques, lesquelles auraient été soumises au régime de la loi du 29 juillet 1881 et réprimées par l’article R. 621-2 du code pénal, mais s’est appuyée sur la faute ayant consisté dans l’envoi d’un écrit, sous la forme de SMS, destiné à un tiers et de nature à porter atteinte à la dignité. La réparation du dommage résultant de la faute involontaire reprochée au gérant a donc été examinée dans le cadre de l’article 1241 du code civil.

Violation du secret des correspondances

Dans cette affaire, s’est également posée la question du secret des correspondances. L’article L. 241-1 du code de la sécurité publique dispose que « le secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques est garanti par la loi. Il ne peut être porté atteinte à ce secret que par l’autorité publique, dans les seuls cas de nécessité d’intérêt public prévus par la loi et dans les limites fixées par celle-ci ». L’article 226-15 alinéa 2 du code pénal sanctionne le fait, de mauvaise foi, d’intercepter, de détourner, d’utiliser ou de divulguer des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie électronique ou de procéder à l’installation d’appareils conçus pour réaliser de telles interceptions.

Ces textes visent à garantir le secret des correspondances échangées entre un émetteur et un destinataire de toute intrusion de l’autorité publique, hors les cas prévus par la loi, et de tiers ; Or, en l’espèce, la veuve ayant été rendue personnellement destinataire du message litigieux expédié par son auteur sur sa messagerie SMS a pu régulièrement prendre connaissance de son contenu et, n’étant tenue par aucune obligation de confidentialité, en divulguer librement la teneur à sa famille.

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