Cour d’appel de Paris, 8 juin 2018
Cour d’appel de Paris, 8 juin 2018

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Partenaire officiel du Festival de Cannes

Résumé

La société DF France (Dessange International) a obtenu gain de cause contre Frank Provost Coiffure pour concurrence déloyale liée à une association fautive au Festival de Cannes. Bien que les deux entreprises soient partenaires de divers événements, Dessange détient un partenariat exclusif avec l’Association Française du Festival International du Film. La pratique d’ambush marketing de Provost, qui consiste à profiter de l’image d’un événement sans autorisation, a été sanctionnée. L’utilisation du slogan « coiffeur officiel des femmes » par Provost a été jugée trompeuse, créant une confusion sur son statut de partenaire officiel, ce qui a causé un préjudice à Dessange.

Dessange c/ Provost

La société DF France (Dessange International) a obtenu la condamnation pour concurrence déloyale et parasitisme de la société Frank Provost Coiffure au titre d’une association fautive au Festival de Cannes. Ces deux groupes de sociétés, qui fabriquent et commercialisent aussi des produits capillaires, sont partenaires officiels de nombreux festivals, salons et émissions de télévision. La société DF France est présente depuis de nombreuses années au Festival de Cannes, et a conclu en 2011, une convention de partenariat avec l’Association Française du Festival International du film (l’AFFIF), devenant son partenaire officiel et exclusif. La société Franck Provost Coiffure comme d’autres coiffeurs intervient également depuis de nombreuses années à l’occasion de ce festival pour coiffer des célébrités.

L’ambush marketing ou « marketing en embuscade »

L’AFFIF et les sociétés Dessange ont état avec succès de la pratique par la société Provost d’ambush marketing, qui consiste pour une entreprise en une stratégie publicitaire afin d’associer son image commerciale à celle d’un événement et donc de profiter de l’impact médiatique dudit événement sans s’acquitter des droits qui y sont relatifs et sans avoir obtenu au préalable l’autorisation de l’organisateur de l’événement. L’article L121-2 du Code de la consommation qui régit aussi les pratiques entre professionnels réprime comme déloyale toute pratique commerciale trompeuse notamment : i) lorsqu’elle crée une confusion avec un autre service d’un concurrent ou ii) lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel.

Ces dispositions ne limitent dès lors pas les actes de concurrence déloyale aux actes qui créent un risque de confusion mais visent les actes induisant en erreur et portant notamment sur les qualités des produits et services et qui sont de nature à altérer le comportement économique du consommateur moyen en le conduisant à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement.

Sont également contraires aux usages loyaux du commerce les agissements parasitaires qui consistent pour un agent économique à s’immiscer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de son savoir-faire et de ses investissements non protégés par un droit de propriété intellectuelle.

Il résulte de la liberté du commerce que la société Provost peut, comme d’autres coiffeurs, exercer son activité à l’occasion d’événements publics et en tirer profit ; elle est d’ailleurs partenaire de la chaîne Canal Plus ce qui lui ouvre une fenêtre médiatique sur ses activités dès lors qu’elle intervient comme coiffeur de certaines célébrités. Pour autant cette liberté ne pouvait l’autoriser à créer une confusion et à l’entretenir au détriment de la société Dessange, en ce que celle-ci a seule des liens de partenariat lui assurant à titre exclusif le titre de partenaire officiel, ni à tromper le consommateur sur sa qualité et à le détourner de son concurrent, profitant ainsi sans bourse déliée des investissements réalisés par celui-ci pour financer ce partenariat. Toutefois, l’usage du slogan « coiffeur officiel des femmes » a été sanctionné.

Usage fautif de la Notion « d’officiel »

L’usage publicitaire par la société Provost des termes tels que « montée des marches », « 7ème art » ou « Cannes » avec la date du festival ne faisaient pas partie des droits concédés à la société DF France par l’AFFIF et font partie du langage commun et de libre emploi ; de même il ne pouvait être reproché à la société Provost d’insister sur son activité à l’occasion de ce festival et de privilégier celui-ci dans ses documents commerciaux en faisant notamment état du nombre de ses années de présence, ni de consacrer dans son magazine semestriel plus de pages à ce festival qu’à tout autre événement.

Toutefois, la société Provost n’a pu revendiquer le droit à l’occasion du festival de Cannes d’utiliser le slogan « coiffeur officiel des femmes ». Un tel slogan utilisé de façon générale ne revêt aucune signification particulière ; en revanche, dès lors qu’il l’est dans le cadre d’un événement particulier qui est organisé et qui repose sur des participations financières d’entreprises qui souhaitent ainsi valoriser leur savoir-faire, le terme « officiel » acquiert une signification spécifique pour désigner ces participants; dès lors l’emploi par la société Provost des termes « coiffeur officiel des femmes » était dans le cadre du festival ambigu, prêtant à confusion.

De plus, la société Provost, a volontairement cultivé cette ambiguïté en associant sur toutes sortes de supports publicitaires les expressions « coiffeur officiel des femmes » et celles de « Cannes » et de « Festival de Cannes » et en se présentant comme « un des acteurs beauté majeur du Festival de Cannes » ou comme « l’un des acteurs fondamentaux », en écrivant notamment « A Cannes toutes ces femmes jurent par le même coiffeur ». De même sur les réseaux sociaux, la société a publié des messages entretenant l’idée d’un partenariat, évoquant « une fabuleuse histoire d’amour entre Franck Provost et le Festival de Cannes ». Il résultait également des pièces produites qu’à l’occasion des 66 et 67èmes éditions du festival de Cannes, la société Provost a utilisé l’affiche et la palme du festival sans autorisation à des fins promotionnelles.

Les juges ont relevé que la société Provost a ainsi volontairement mis en oeuvre une stratégie publicitaire et promotionnelle qui a conduit la presse et le consommateur d’attention moyenne à lui attribuer depuis plusieurs années, à tort, la qualité de partenaire officiel du Festival de Cannes, alors même qu’elle n’a pas réalisé d’investissement pour bénéficier de titre, ce qui caractérise un comportement commercial déloyal et fautif vis à vis de la société DF France, seul partenaire officiel. Ces actes de parasitisme ont contribué à brouiller l’image de la société DF France et à dévaloriser son partenariat (120 000 euros de préjudice).

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