Cour d’Appel de Paris, 8 juin 2018
Cour d’Appel de Paris, 8 juin 2018

Type de juridiction : Cour d’Appel

Juridiction : Cour d’Appel de Paris

Thématique : Réalisateur de DVD : distinguo salaires et droits d’auteur

Résumé

Un réalisateur, en tant que salarié affilié à la sécurité sociale, bénéficie d’une présomption de travail et de coauteur. Selon l’ARCEPicle L.7121-3 du code du travail, tout contrat rémunéré avec un réalisateur est présumé être un contrat de travail, l’obligeant à s’affilier à la sécurité sociale. De plus, l’ARCEPicle L.113-7 du code de la propriété intellectuelle lui confère la qualité d’auteur d’une œuvre audiovisuelle. Sa rémunération se compose d’un salaire pour la partie technique et de droits d’auteur, nécessitant une distinction claire dans le contrat avec le producteur pour éviter un redressement par l’URSSAF.

Un salarié affilié à la sécurité sociale

C’est acquis, le réalisateur bénéficie d’une double  présomption de travail et de coauteur. L’article L.7121-3 du code du travail pose que tout contrat par lequel une personne physique ou morale s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un réalisateur est présumé être un contrat de travail. A ce titre, il doit être affilié à la sécurité sociale. En effet, en application de l’article L.382-1 du code de la sécurité sociale, les artistes auteurs d’oeuvres littéraires et dramatiques, musicales et chorégraphiques, audiovisuelles et cinématographiques, graphiques et plastiques, ainsi que photographiques, sont affiliés obligatoirement au régime général de sécurité sociale pour les assurances sociales et bénéficient des prestations familiales dans les mêmes conditions que les salariés. Pour bénéficier du régime de sécurité sociale des artistes auteurs, le réalisateur doit être à l’origine d’oeuvres, c’est-à-dire de créations intellectuelles originales (le critère n’est pas la protection des œuvres).

Un salarié auteur

Le réalisateur bénéficie également de la présomption de l’article L.113-7 du code de la propriété intellectuelle : ont la qualité d’auteur d’une oeuvre audiovisuelle (quel que soit son  mode de production et de diffusion) la ou les personnes physiques qui réalisent la création intellectuelle de cette oeuvre. Sont présumés, sauf preuve contraire, coauteurs d’une oeuvre audiovisuelle réalisée en collaboration : l’auteur du scénario, l’auteur de l’adaptation, l’auteur du texte parlé, l’auteur des compositions musicales avec ou sans paroles spécialement réalisées pour l’oeuvre, le réalisateur.

Cession des droits du réalisateur

La rémunération du réalisateur se compose d’une part, d’un salaire pour la partie technique de l’activité, et d’autre part, de droits d’auteur.  Les cotisations sociales du régime des artistes auteurs (AGESSA) ne s’appliquent qu’à la fraction de rémunération juridiquement qualifiée de droits d’auteur et il est d’usage de verser au réalisateur 60 % de sa rémunération sous la forme de salaire. Le contrat qui lie le réalisateur et le producteur doit distinguer ces deux rémunérations. Si cette distinction n’est pas faite, la rémunération, dans sa totalité, peut être requalifiée en salaires par l’URSSAF. Ces dispositions ne s’appliquent pas aux personnes dont l’activité est de réaliser des vidéos pour leur propre compte ou pour des sociétés autres que des sociétés de production. La « présomption de salariat » n’existe que dans le cadre d’un contrat liant un réalisateur et une société de production audiovisuelle.

Sur le volet des droits d’auteur, la cession par le réalisateur de ses droits peut être totale ou partielle. Elle doit comporter à son profit une participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l’exploitation (article L.131-4 du CPI). Y compris pour le réalisateur, sa rémunération peut être évaluée forfaitairement dans les cas suivants : i)  La base de calcul de la participation proportionnelle ne peut être pratiquement déterminée ; ii) Les moyens de contrôler l’application de la participation font défaut ; iii) Les frais des opérations de calcul et de contrôle seraient hors de proportion avec les résultats à atteindre; iv) La nature ou les conditions de l’exploitation rendent impossible l’application de la règle de la rémunération proportionnelle, soit que la contribution de l’auteur ne constitue pas l’un des éléments essentiels de la création intellectuelle de l’oeuvre, soit que l’utilisation de l’oeuvre ne présente qu’un caractère accessoire par rapport à l’objet exploité  (possible application pour les bonus de DVD).

Le risque de redressement URSSAF

Le risque de redressement par l’URSSAF est maximal lorsque les critères suivants sont réunis : i) aucun des contrats du réalisateurs n’a fait l’objet de déclaration au titre des droits d’auteur à l’AGESSA ; ii) dans l’ensemble des contrats, aucun salaire n’a été prévu pour la partie technique de la réalisation, de sorte qu’il est impossible au niveau financier de faire la part entre la rémunération de la partie technique et de celle relative à la partie intellectuelle ; iii) les contrats donnent lieu à versement de sommes forfaitaires pour les droits d’auteur sans que l’employeur n’invoque d’exception au principe des droits proportionnels aux recettes ; iv) les droits d’auteur rémunèrent des opérations mixtes ou ambiguës : des travaux de mise en page, de correction, de construction technique d’un DVD, de chapitrâge, le suivi de  communiqués de presse, la réalisation de jaquettes … ces opérations sont techniques et exclusives de création d’oeuvres de l’esprit originales ; v) la réalisation de séries documentaires à partir de fonds documentaires : il s’agit là d’un travail de compilation.

Lorsque ces critères sont remplis, les juridictions ont tendance à considérer que la présomption selon laquelle le réalisateur agit comme salarié, n’est pas renversée et il en résultera donc (article L.242-1 du code de la sécurité sociale) que pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, seront considérées comme rémunérations toutes les sommes versées en contrepartie ou à l’occasion du travail.

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