Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Imputabilité des soins et arrêts de travail suite à un accident professionnel : enjeux et expertises.
→ RésuméCirconstances de l’accidentLe 16 juin 2016, Mme [H] [S] a subi un accident du travail en se cognant le genou gauche contre un bac. Elle a immédiatement consulté un médecin, qui a établi un certificat médical faisant état d’un traumatisme, d’une tuméfaction et d’une douleur avec impotence fonctionnelle. La S.A.S. [5] a déclaré cet accident le 17 juin 2016. Prise en charge et recoursLe 7 septembre 2016, la caisse [6] a accepté la prise en charge de l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels. La S.A.S. [5] a contesté cette décision en formant un recours devant la commission de recours amiable, puis devant le tribunal des affaires de sécurité sociale. Le dossier a été transféré au tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire en 2020. Jugement du tribunal judiciaireLe 17 janvier 2020, le tribunal a déclaré opposable à la S.A.S. [5] la décision de prise en charge de l’accident. Il a débouté la S.A.S. de ses demandes visant à contester les arrêts de travail et a confirmé la décision de la commission de recours amiable. La S.A.S. a été condamnée à verser 1 000 euros à la caisse au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Appel et expertise judiciaireLa S.A.S. [5] a interjeté appel le 28 janvier 2020. L’affaire a été examinée par la cour d’appel le 16 janvier 2023, qui a ordonné une expertise judiciaire pour évaluer l’état de santé de Mme [H] [S] et déterminer si ses soins et arrêts de travail étaient imputables à l’accident. Rapport d’expertiseLe rapport d’expertise, déposé le 16 mai 2024, a révélé que Mme [S] avait un état pathologique préexistant, une fissuration du ménisque, qui n’était pas liée à l’accident. L’expert a conclu que les soins et arrêts de travail étaient justifiés uniquement jusqu’au 16 août 2016, après quoi ils étaient liés à cet état antérieur. Décision de la cour d’appelLors de l’audience du 17 décembre 2024, la cour a infirmé le jugement du tribunal judiciaire concernant les arrêts de travail pris en charge après le 16 août 2016, les déclarant inopposables à la S.A.S. [5]. La cour a également condamné la caisse à verser 1 500 euros à la S.A.S. au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a ordonné le remboursement des dépens. |
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 13
ARRÊT DU 07 Février 2025
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 20/00876 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBLFA
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Janvier 2020 par le Tribunal de Grande Instance d’AUXERRE RG n° 17/00159
APPELANTE
SAS [5]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me William IVERNEL, avocat au barreau de REIMS, toque : 1702 substitué par Me Rodolphe MENEUX, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : 1702
INTIMEE
[7]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substitué par Me Joana VIEGAS, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Décembre 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Sophie COUPET, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Fabienne ROUGE, présidente de chambre
Monsieur Gilles REVELLES, conseiller
Madame Sophie COUPET, conseillère
Greffier : Madame Agnès IKLOUFI, lors des débats
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Fabienne ROUGE, présidente de chambre, et par Madame Fatma DEVECI, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l’appel interjeté par la S.A.S. [5] (la société) d’un jugement rendu le 17 janvier 2020 par le tribunal judiciaire d’Auxerre dans un litige l’opposant à la [6] (la caisse).
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que la S.A.S. [5] a établi le 17 juin 2016 une déclaration d’accident du travail concernant Mme [H] [S] qui s’était plainte de s’être cognée le genou gauche contre un bac le 16 juin 2016, en joignant un certificat médical initial du 16 juin 2016 faisant état d’un traumatisme du genou gauche, d’une tuméfaction et d’une douleur avec impotence fonctionnelle.
Le 7 septembre 2016, la [6] a accepté la prise en charge de cet accident au titre de la législation sur les risques professionnels et en a informé l’employeur. La S.A.S. [5] a formé un recours devant la commission de recours amiable puis devant le tribunal des affaires de sécurité sociale.
Le dossier a été transféré au tribunal de grande instance le 1er janvier 2019, qui est devenu lui-même tribunal judiciaire au 1er janvier 2020.
Par jugement en date du 17 janvier 2020, le tribunal a :
déclaré opposable à la S.A.S. [5] la décision de prise en charge par la [6] de l’accident du travail du 16 juin 2016 dont Mme [H] [S] a été victime ;
débouté la S.A.S. [5] de ses demandes tendant à se voir déclarer inopposables l’ensemble des arrêts de travail pris en charge au titre de l’accident du travail du 16 juin 2016 de Mme [H] [S] et à voir ordonner des mesures d’instruction judiciaires et médicales sur pièces ;
confirmé la décision de la commission de recours amiable du 16 mai 2017 ;
condamné la S.A.S. [5] à payer à la [6] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamné la S.A.S. [5] aux dépens de l’instance.
Le tribunal a relevé que l’employeur a été avisé dans les 24 heures de l’accident et que la lésion a été diagnostiquée le jour même. Il a retenu que l’explication de l’absence de témoin se trouvait dans l’isolement du poste de travail, mais qu’une salariée avait été immédiatement avisée et avait bien vu les difficultés de sa collègue. S’agissant de la durée des soins et arrêts, le tribunal a relevé la présomption d’imputabilité et l’absence d’éléments probants pour démontrer une cause étrangère ou un état antérieur, les opérations du genou étant, selon le médecin-conseil de la caisse, en rapport direct avec l’accident, suite à la décompensation d’un état antérieur.
Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception remise le 20 janvier 2020 à la S.A.S. [5] qui en a interjeté appel par déclaration formée par voie électronique le 28 janvier 2020.
L’affaire a été examinée une première fois à l’audience de la cour d’appel du 16 janvier 2023.
Par arrêt mixte du 10 mars 2023, la cour a :
déclaré recevable l’appel de la S.A.S. [5] ;
confirmé le jugement rendu le 17 janvier 2020 par le tribunal judiciaire d’Auxerre en ce qu’il a déclaré opposable à la S.A.S. [5] la décision de prise en charge par la [6] de l’accident du travail du 16 juin 2016 dont Mme [H] [S] a été victime ;
AVANT DIRE-DROIT :
ordonné une expertise judiciaire sur pièces et désigné pour y procéder le docteur [U] [X], avec pour mission :
* d’entendre tout sachant et, en tant que de besoin, les médecins ayant suivi la situation médicale de Mme [H] [S] ;
* de convoquer les parties par lettre recommandée avec accusé de réception ;
* d’examiner les pièces du dossier médical de Mme [H] [S] détenu par la [6] ;
* d’entendre les parties ;
* dire si l’état de Mme [H] [S], victime d’un accident du travail le 16 juin 2016 pouvait être considéré comme consolidé le 30 juin 2017 ;
* dans la négative, dire si Mme [H] [S] était consolidée à la date du 12 septembre 2017, date de l’expertise technique ;
* dire s’il est démontré l’existence d’un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l’accident ou la maladie ou d’une cause extérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs à l’accident du travail ;
* dans ce cas, dire la date à partir de laquelle les soins et arrêts seraient exclusivement justifiés par l’existence d’un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l’accident ou la maladie ou d’une cause extérieure totalement étrangère ;
ordonné la consignation par la [6] auprès du régisseur de la cour, dans les 60 jours de la notification du présent arrêt, de la somme de 1 200 euros à valoir sur la rémunération de l’expert ;
sursis à statuer sur les demandes ;
ordonné le renvoi à une audience ultérieure ;
réservé les dépens.
L’expert a déposé son rapport le 16 mai 2024.
L’affaire a été rappelée à l’audience du 17 décembre 2024.
Par conclusions visées par le greffe à l’audience, la société demande à la cour de :
infirmer le jugement du tribunal judiciaire d’Auxerre en date du 17 janvier 2020 en ce qu’il a débouté la société de ses demandes tendant à se voir déclarer inopposables l’ensemble des arrêts de travail pris en charge au titre de l’accident du travail du 16 juin 2016 de Mme [S] et à voir ordonner des mesures d’instructions judiciaires et médicales sur pièces, confirmé la décision de la commission de recours amiable et condamné la société à verser à la caisse la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Dire non imputables à l’accident du 16 juin 2016 les arrêts de travail prescrits à Mme [S] à compter du 16 août 2016 ;
Condamner la caisse à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la caisse aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, la société reprend les conclusions de l’expert en ce qu’elles concluent que l’arrêt de travail et les périodes de soins ayant pour origine les lésions consécutives à l’accident du travail sont du 16 juin 2016 au 15 août 2016 et que l’arrêt de travail et les soins ne sont pas justifiés par l’accident du travail à compter du 16 août 2016.
Par conclusions visées par le greffe le jour de l’audience, la caisse s’en est rapportée à justice quant à l’appréciation des faits de la cause.
A l’issue de l’audience, les parties ont été informées que la décision serait mise à disposition le 7 février 2025.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
VU l’arrêt mixte rendu par la cour d’appel de Paris le 10 mars 2023 ;
Y AJOUTANT,
INFIRME le jugement rendu le 17 janvier 2020 par le tribunal judiciaire d’Auxerre en ce qu’il a :
débouté la S.A.S. [5] de ses demandes tendant à se voir déclarer inopposables l’ensemble des arrêts de travail pris en charge au titre de l’accident du travail du 16 juin 2016 de Mme [H] [S] et à voir ordonner des mesures d’instruction judiciaires et médicales sur pièces ;
confirmé la décision de la commission de recours amiable du 16 mai 2017 ;
condamné la S.A.S. [5] à payer à la [6] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamné la S.A.S. [5] aux dépens de l’instance ;
STATUANT À NOUVEAU,
DÉCLARE inopposables à la S.A.S [5], à compter du 17 août 2016, les soins et arrêts pris en charge au titre de l’accident du 16 juin 2016 au bénéfice de Mme [H] [S] ;
RAPPELLE que les soins et arrêts prescrits à Mme [H] [S] du 16 juin 2016 au 16 août 2016, pris en charge au titre de l’accident du 16 juin 2016, demeureront opposables à la S.A.S. [5] ;
CONDAMNE la [6] à verser à la S.A.S [5] la somme de mille-cinq-cents euros (1 500 euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la [6] aux entiers dépens de première instance et d’appel, qui comprendront les frais d’expertise du docteur [X].
La greffière La présidente
Laisser un commentaire