Cour d’appel de Paris, 6 janvier 2025, RG n° 24/03651
Cour d’appel de Paris, 6 janvier 2025, RG n° 24/03651

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Indemnisation de la détention provisoire : enjeux de réparation du préjudice moral et matériel

Résumé

Contexte de l’affaire

M. [N] [D] [T] [I], né en 2003, a été mis en examen pour viol en réunion, séquestration et violences aggravées en octobre 2020. Il a été placé en détention provisoire à la maison d’arrêt de [Localité 3] puis transféré au centre pénitentiaire de [Localité 5] en novembre 2020. En juillet 2022, un non-lieu partiel a été prononcé, et il a été accusé devant la cour d’assises des mineurs de Seine-et-Marne.

Décisions judiciaires

Le 1er juin 2023, la chambre de l’instruction a remis M. [T] [I] en liberté sous contrôle judiciaire. Le 24 octobre 2023, il a été acquitté du chef de viol en réunion, mais condamné à un an d’emprisonnement pour violences en réunion. Cette décision est devenue définitive en juin 2024.

Demande d’indemnisation

Le 21 février 2024, M. [T] [I] a déposé une requête pour obtenir une indemnisation de sa détention provisoire, sollicitant 5 000 euros pour préjudice matériel et 150 000 euros pour préjudice moral. Il a également demandé des frais supplémentaires au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Réponses des parties

L’agent judiciaire de l’État a proposé une indemnisation de 28 000 euros pour le préjudice moral, tout en demandant le rejet des autres demandes. Le Ministère public a conclu à la recevabilité de la requête pour 379 jours de détention, tout en soutenant la réparation du préjudice moral et le rejet du préjudice matériel.

Analyse de la recevabilité

La requête de M. [T] [I] a été jugée recevable, car elle a été déposée dans le délai de six mois suivant la décision d’acquittement. La période indemnisable a été déterminée entre le 18 mai 2021 et le 1er juin 2023, totalisant 379 jours de détention injustifiée.

Évaluation du préjudice moral

M. [T] [I] a évoqué les effets psychologiques de sa détention, notamment l’angoisse liée à la gravité des accusations et l’isolement familial. L’agent judiciaire a contesté la nécessité d’une indemnisation élevée, tandis que le Ministère public a reconnu l’impact de la détention sur un mineur. Finalement, une somme de 30 000 euros a été allouée pour le préjudice moral.

Évaluation du préjudice matériel

Concernant la perte de chance d’obtenir un diplôme, M. [T] [I] a affirmé que sa détention l’avait empêché de poursuivre ses études. Cependant, il n’a pas pu prouver une perte de chance sérieuse, et sa demande a été rejetée. Une somme de 1 500 euros a été accordée pour couvrir les frais irrépétibles.

Conclusion de la décision

La requête de M. [N] [D] [T] [I] a été déclarée recevable, et il a été accordé 30 000 euros pour préjudice moral et 1 500 euros pour frais. Les autres demandes ont été rejetées, et les dépens ont été laissés à la charge de l’État. La décision a été rendue le 6 janvier 2025.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Chambre 1-5DP

RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES

DÉCISION DU 06 Janvier 2025

(n° , 6 pages)

N°de répertoire général : N° RG 24/03651 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CI65Q

Décision contradictoire en premier ressort ;

Nous, Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, à la cour d’appel, agissant par délégation du premier président, assisté de Victoria RENARD, Greffière, lors des débats et de [L] [G], Greffière stagiaire, lors de la mise à disposition avons rendu la décision suivante :

Statuant sur la requête déposée le 21 Février 2024 par M. [N] [D] [T] [I] né le [Date naissance 1] 2003 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2] ;

non comparant

Représenté par Me Camille HAMONET, avocat au barreau de PARIS,

Vu les pièces jointes à cette requête ;

Vu les conclusions de l’Agent Judiciaire de l’Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;

Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l’audience fixée au 04 Novembre 2024 ;

Entendu Me Camille HAMONET représentant M. [N] [D] [T] [I],

Entendu Me Claire LITAUDON, avocat au barreau de PARIS substituant Me Colin MAURICE, avocat au barreau de PARIS, avocat représentant l’Agent Judiciaire de l’Etat,

Entendue Madame Marie-Daphnée PERRIN, avocate générale,

Les débats ayant eu lieu en audience publique, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;

Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du Code de Procédure Pénale ;

* * *

M. [N] [D] [T] [I], né le [Date naissance 1] 2003, de nationalité française, a été mis en examen des chefs de viol en réunion, séquestration avec libération volontaire avant le 7e jour, et de violences aggravées suivies d’une ITT n’excédant pas 8 jours, le 01er octobre 2020 par un juge d’instruction du tribunal judiciaire de Melun. Par ordonnance du juge des libertés et de la détention de la même juridiction, il a été placé en détention provisoire à la maison d’arrêt de [Localité 3] le même jour, puis du centre pénitentiaire de [Localité 5]-Haut-de-Seine à compter du 05 novembre 2020.

Par nouvelle ordonnance du 05 juillet 2022, le juge d’instruction a prononcé un non-lieu partiel, une requalification et une mise en accusation du requérant devant la cour d’assises des mineurs de Seine-et-Marne des chefs de viol en réunion et de violences en réunion.

Par arrêt du 01er juin 2023, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a remis en liberté M. [T] [I] et l’a placé sous contrôle judiciaire.

Par arrêt du 24 octobre 2023, la cour d’assises des mineurs de Seine-et-Marne a acquitté M. [T] [I] du chef de viol en réunion et l’a condamné du chef de violences en en réunion ayant entraîné une ITT n’excédant pas 8 jours à la peine d’un an d’emprisonnement. Cette décision est devenue définitive à son égard comme en atteste le certificat de non appel du 21 juin 2024.

Le 21 février 2024, M. [T] [I] a adressé une requête au premier président de la cour d’appel de Paris en vue d’être indemnisé de sa détention provisoire en application de l’article 149 du code de procédure pénale.

Par requête rectificative du 16 avril 2024 et soutenue oralement lors de l’audience de plaidoiries du 04 novembre 2024, M. [T] [I] sollicite du premier président de :

– Déclarer recevable et bien fondée la demande d’indemnisation ;

– Dire que le préjudice matériel subi par M. [T] [I] du fait de sa détention s’élève à la somme de 5 000 euros ;

– Dire que le préjudice moral subi par M. [T] [I] du fait de cette détention s’élève à la somme de 150 000 euros ;

– Condamner l’Etat pris en la personne de l’agent judiciaire de l’Etat au paiement de cette somme au profit de M. [T] [I] ;

– Le condamner en outre au paiement d’une somme de 8 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner l’agent judiciaire de l’Etat, ès qualités, aux dépens de la présente procédure ;

– Donner acte à M. [T] [I] de ce qu’il entend user du droit de se présenter à l’audience où l’affaire sera appelée pour y être jugé, pour y être représenté par son avocat, lequel présentera toutes observations qu’il jugera utiles, dans l’intérêt du requérant ;

– Lui donner acte de ce que les notifications qui lui seront faites devront être effectuées à son domicile, situé [Adresse 2] à [Localité 4].

Dans ses dernières conclusions en défense, notifiées par RPVA et déposées le 13 août 2024, développées oralement, l’agent judiciaire de l’Etat demande au premier président de :

– Allouer à M. [T] [I] la somme de 28 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

– Rejeter le surplus de ses demandes ;

– Réduire à de plus justes proportions le montant de l’indemnité octroyée en application de l’article 700 du code de procédure civile qui ne saurait excéder la somme de 1 00 euros ;

Le Ministère Public, dans ses dernières conclusions notifiées le 22 août 2024 et reprises oralement à l’audience, conclut :

– A la recevabilité de la requête pour une détention provisoire de 379 jours ;

– A la réparation du préjudice moral dans les conditions indiquées ;

– Au rejet de la demande de réparation du préjudice matériel.

PAR CES MOTIFS

Déclarons la requête de M. [N] [D] [T] [I] recevable ;

Lui allons les sommes suivantes :

– 30 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

– 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboutons M. [N] [D] [T] [I] du surplus de ses demandes ;

Laissons les dépens à la charge de l’Etat ;

Décision rendue le 06 Janvier 2025 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

LA GREFFI’RE LE MAGISTRAT DÉLÉGUÉ

 


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