Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Indemnisation des préjudices liés à une détention provisoire injustifiée
→ RésuméContexte de la requêteMme [E] [J], née en 1989, a été mise en examen en février 2019 pour des infractions graves, notamment le vol en bande organisée et des infractions liées aux armes. Elle a été placée en détention provisoire jusqu’à sa remise en liberté en février 2020. En février 2022, un non-lieu a été prononcé à son égard, décision qui est devenue définitive. Demande d’indemnisationLe 12 avril 2022, Mme [J] a déposé une requête auprès de la cour d’appel de Paris pour obtenir réparation de sa détention provisoire, sollicitant des indemnités pour préjudice moral, préjudice matériel et frais d’avocat. Elle a demandé 120 000 euros pour le préjudice moral, 9 000 euros pour le préjudice matériel et 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Réponses des partiesL’agent judiciaire de l’État a contesté la recevabilité de la requête, demandant un sursis à statuer en attendant des documents supplémentaires. Le ministère public a également plaidé pour l’irrecevabilité, tout en reconnaissant le droit à réparation pour la détention de 364 jours. Recevabilité de la requêteLa cour a jugé la requête recevable, confirmant que Mme [J] avait respecté le délai de six mois pour demander réparation après la décision de non-lieu. La durée de sa détention a été établie à 364 jours. Indemnisation pour préjudice moralMme [J] a exprimé un profond sentiment d’injustice et a évoqué les conséquences de sa détention sur sa vie familiale et psychologique. Bien que l’agent judiciaire de l’État ait proposé une indemnité réduite, la cour a décidé d’allouer 30 000 euros pour le préjudice moral, tenant compte de la séparation d’avec ses enfants et du choc psychologique subi. Indemnisation pour préjudice matérielConcernant le préjudice matériel, Mme [J] a demandé une indemnisation pour la perte de salaire et les frais d’avocat. La cour a reconnu la validité de ses demandes et a accordé 9 000 euros pour les frais de défense, en lien direct avec sa détention. Frais d’avocatEn ce qui concerne les frais d’avocat, la cour a jugé qu’il était équitable d’allouer 1 500 euros à Mme [J] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, considérant que les frais irrépétibles ne devraient pas rester à sa charge. Décision finaleLa cour a déclaré la requête recevable, rejeté la demande de sursis à statuer, et a alloué à Mme [J] un total de 40 500 euros, tout en laissant les dépens à la charge de l’État. La décision a été rendue le 6 janvier 2025. |
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Chambre 1-5DP
RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES
DÉCISION DU 06 Janvier 2025
(n° , 6 pages)
N°de répertoire général : N° RG 22/07170 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFTVI
Décision contradictoire en premier ressort ;
Nous, Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, à la cour d’appel, agissant par délégation du premier président, assisté de Victoria RENARD, Greffière, lors des débats et de Michelle NOMO, Greffière stagiaire, lors de la mise à disposition avons rendu la décision suivante :
Statuant sur la requête déposée le 12 Avril 2022 par Mme [E] [J]
née le [Date naissance 1] 1989 à [Localité 3], demeurant [Adresse 2] ;
non comparante
Représentée par Me Ghislain FAY, avocat au barreau d’AMIENS,
Vu les pièces jointes à cette requête ;
Vu les conclusions de l’Agent Judiciaire de l’Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l’audience fixée au 04 Novembre 2024 ;
Entendu Me Ghislain FAY représentant Mme [E] [J],
Entendu Me Anne-laure ARCHAMBAULT, avocat au barreau de PARIS, avocat représentant l’Agent Judiciaire de l’Etat,
Entendue Madame Marie-Daphnée PERRIN, avocate générale,
Les débats ayant eu lieu en audience publique, le conseil de la requérante ayant eu la parole en dernier ;
Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du Code de Procédure Pénale ;
* * *
Mme [E] [J], née le [Date naissance 1] 1989, de nationalité française a été mise en examen le 164 février 2019 par le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Bobigny des chefs de vol en bande organisée, participation à une association de malfaiteur en vue de la préparation d’un crime et d’infractions à la législation sur les armes et les munitions. Par ordonnance de mise en détention provisoire du même jour, le juge des libertés et de la détention l’a placé en détention provisoire à la maison d’arrêt de [Localité 4].
Le 16 février 2020, le magistrat instructeur a rendu une ordonnance de remise en liberté et de placement sous contrôle judiciaire de Mme [J].
Par nouvelle ordonnance du 09 février 2022, le juge d’instruction a prononcé un non-lieu à l’égard de Mme [J] et cette décision est définitive à son égard comme en atteste le certificat de non-appel en date du 27 août 2024.
Par requête du 12 avril 2022, adressée au premier président de la cour d’appel de Paris, Mme [J] sollicite par l’intermédiaire de son avocat la réparation de la détention provisoire effectuée du 16 février 2019 au 16 février 2020, en application de l’article 149 du code de procédure pénale.
Le requérant sollicite dans celle-ci, reprise oralement à l’audience du 03 juin 2024 :
Déclarer sa requête recevable
Lui allouer les sommes suivantes :
120 000 euros au titre de son préjudice moral ;
9 000 euros au titre du préjudice matériel
3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
Condamner l’agent judiciaire de l’Etat au paiement des entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions, notifiées par RPVA, déposées le 02 août 2024 et développées oralement, l’agent judiciaire de l’Etat demande au premier président de la cour d’appel de Paris de :
A titre principal
Déclarer la requête de Mme [J] irrecevable
A titre subsidiaire
Sursoir à statuer dans l’attente de la communication de la fiche pénale complète
A titre infiniment subsidiaire
Réduire à de plus justes proportions qui ne sauraient excéder la somme de 28 100 euros l’indemnité qui sera allouée à Mme [J] en réparation de son préjudice moral
Faire droit à la demande d’indemnisation de Mme [J] au titre du préjudice matériel
Réduire à de plus justes proportions la demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le ministère public, dans ses dernières conclusions notifiées le 16 août 2024, reprises oralement à l’audience, conclut :
A titre principal
A l’irrecevabilité de la requête
A titre subsidiaire
A la recevabilité de la requête pour une détention d’une durée de 364 jours ;
A la réparation du préjudice moral dans les conditions indiquées
A la réparation du préjudice matériel dans les conditions indiquées.
PAR CES MOTIFS
Déclarons la requête recevable ;
Rejetons la demande de sursis à statuer ;
Allouons à Mme [E] [J] les sommes suivantes :
30 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
9 000 euros en réparation de son préjudice matériel ;
1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Rejetons le surplus des demandes de Mme [E] [J] ;
Laissons les dépens à la charge de l’Etat
Décision rendue le 06 Janvier 2025 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
LA GREFFI’RE LE MAGISTRAT DÉLÉGUÉ
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