Cour d’Appel de Paris, 4 décembre 2019
Cour d’Appel de Paris, 4 décembre 2019

Type de juridiction : Cour d’Appel

Juridiction : Cour d’Appel de Paris

Thématique : Image publicitaire des personnalités : obligation de conseil renforcée

Résumé

L’avocat, en charge de la gestion de l’image d’une personnalité publique, doit respecter une obligation de conseil renforcée. En cas de contrats multiples, il doit s’assurer que son client a vérifié les cessions antérieures de droits. Une actrice, ayant cédé ses droits par un contrat de licence exclusive, a subi des litiges dus à des accords antérieurs mal gérés. L’absence d’une clause de garantie d’éviction dans le contrat a rendu la situation précaire pour le cessionnaire, soulignant la nécessité pour l’avocat d’informer clairement les parties des risques encourus.

En présence de multiples contrats de gestion de l’image publicitaire d’une personnalité,  l’avocat est soumis à une obligation de conseil renforcé vis-à-vis des parties (cédant et cessionnaire). Du fait de l’insuffisance fautive de conseil et d’information de l’avocate, le cessionnaire a signé un contrat aux contours mal définis, ce qui a considérablement majoré le risque pour lui d’être entraîné dans des contentieux judiciaires difficiles, ce qui a été et reste le cas depuis plus de huit ans. Le préjudice moral du cessionnaire, réel, a été réparé par des dommages et intérêts à hauteur de 15 000 euros.

Obligation de vérification de l’avocat

L’avocat ne peut se
borner à ‘s’imaginer’ que son client a procédé à une vérification de telle ou
telle chose (cession antérieure de droits) mais doit vérifier, s’il ne s’en
charge lui-même, que le client a bien procédé à la vérification requise ou, à
tout le moins, lui donner un avertissement particulièrement solennel lui
rappelant les risques encourus si le client n’a pas été en mesure de procéder à
cette vérification, afin de le rendre parfaitement conscient des risques
encourus, afin de le mettre en mesure, en pleine connaissance de cause, de
conclure ou non un contrat de cession de droits.

Obligation de conseil de l’avocat

Une actrice et personnalité
publique est entrée en contact avec une avocate pour être conseillée afin de développer
et valoriser commercialement son nom et son image au travers de divers modes
d’exploitation. Les parties ont convenu de la mise en place d’un ensemble
contractuel relatif à l’exploitation de droits de la personnalité (nom, image,
voix, etc) et des droits de marque de la célébrité, notamment par des consultations
juridiques ; la rédaction de contrats de licence, sous-licences, contrats
d’exploitation, de cession, etc ; des recherches et démarches auprès des
organismes de gestion des marques et accomplissement de toutes diligences
utiles en accord avec le client, à savoir notamment, l’étude du dossier, des
objectifs du client, les réunions de négociation, l’ensemble des communications
sur support papier ou par voies de communication électronique (conversations et
conférences téléphoniques, courriers électroniques, télécopies), l’élaboration
de consultations juridiques, mémorandum et contrats, le suivi des négociations.

Contrat master licence exclusive

L’actrice a cédé, par
contrat master licence exclusive, à titre exclusif, l’ensemble des droits patrimoniaux
de la personnalité afférents à son image, son nom patronymique, associé ou non
à son prénom, ainsi qu’à sa voix, outre les droits relatifs à la dénomination
La Madrague, lui permettant d’utiliser et d’exploiter ces derniers, aux fins de
promotion et de commercialisation de produits et services. En contrepartie, le
concessionnaire devait verser à l’actrice une redevance annuelle correspondant
à 5 % du chiffre d’affaires HT réalisé annuellement au titre de l’exploitation
des attributs de la personnalité, le montant total de la redevance ne pouvant
être inférieur au minimum garanti de 500 000 euros HT, la première année
d’exécution du contrat.

Violation d’accords antérieurs

Plusieurs litiges étant
survenus en relation avec des accords donnés antérieurement au contrat de
master licence, l’actrice a poursuivi son avocate en responsabilité. Les juges
ont rappelé l’obligation absolue de conseil pesant sur l’avocat chargé de la
rédaction d’un acte, comprenant l’information de son client dans la limite de
la mission qui lui est confiée, afin d’assurer son efficacité, sans pour autant
qu’il ait à vérifier les informations communiquées par les parties, tenues à
une obligation de loyauté et de sincérité, s’il n’est pas établi qu’il
disposait d’informations de nature à les mettre en doute.

Le rédacteur d’acte est
tenu de veiller à assurer l’équilibre de l’ensemble des intérêts en présence et
de prendre l’initiative de conseiller les deux parties à la convention sur la
portée et les incidences, des engagements souscrits de part et d’autre, peu
important que son concours ait été sollicité par l’une d’elles, il doit
rapporter la preuve qu’il a rempli cette obligation à leur égard, quelles que
soient leurs compétences personnelles.

Ne pas renoncer à la garantie d’éviction

Le premier projet de l’avocate
stipulait bien une clause par laquelle l’actrice s’engageait à garantir le cessionnaire contre tout trouble
dans la jouissance des droits concédés au titre du contrat, en particulier
contre toute action d’un tiers revendiquant des droits, à titre exclusif ou non
exclusif, sur l’exploitation des attributs de la personnalité au titre de
contrats antérieurs qui ont pu être conclus par l’actrice. Toutefois, cette
clause avait par la suite été supprimée.

Or, cette clause étant supprimée, en l’absence de récapitulation des accords déjà données par l’actrice  sur ce qui faisait pourtant l’objet du contrat de master licence exclusif, celui-ci devenait dangereusement imprécis et l’avocate, en vertu de son obligation de conseil et d’information des parties sur les conséquences du contrat signé devait faire preuve d’une prudence particulière. La seule mention dans le préambule du contrat d’une réserve concernant les autorisations que l’actrice a pu consentir à des tiers pour l’exploitation des attributs de sa personnalité, était parfaitement inefficace à défendre les droits du cessionnaire, cette réserve étant susceptible, en raison de son absence de limitation, de priver le contrat signé de toute efficacité. Téléchargez la décision

 


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