Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Blocage de sites contrefacteurs : qui doit payer ?
→ RésuméDans le cadre de la lutte contre la contrefaçon, la question du financement des mesures de blocage des sites litigieux se pose. Les décisions du Conseil constitutionnel et de la CJUE soulignent que les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) ne devraient pas supporter ces coûts, car ils ne sont pas responsables des atteintes aux droits de propriété intellectuelle. Cependant, le juge des référés a estimé que ces injonctions ne sont pas incompatibles avec le principe d’égalité devant les charges publiques, permettant ainsi aux FAI de prendre en charge les coûts sans possibilité de remboursement.
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Dans le cadre d’une injonction judiciaire, il n’est pas disproportionné que les FAI et le moteurs de recherche prennent en charge le coût des mesures propres à empêcher l’accès à des sites contrefacteurs.
Action des associations professionnelles
Dans le cadre de leur action en contrefaçon contre les sites « Libertyland », « Streamcomplet » et « Voirfilms », la Fédération Nationale des Distributeurs de Films (FNDF), le Syndicat de l’Edition Vidéo Numérique (SEVN), l’Association des Producteurs Indépendants et l’Union des Producteurs de Cinéma (UPC) avaient obtenu gain de cause. Restait en suspens la question du financement des mesures et injonctions ordonnées.
Position du Conseil constitutionnel
Par sa décision n°2000-441 DC du 28 décembre 2000, le Conseil constitutionnel a indiqué que, s’il est loisible au législateur, dans le respect des libertés constitutionnellement garanties, d’imposer aux opérateurs de réseaux de télécommunications, de mettre en place et de faire fonctionner les dispositifs techniques permettant les interceptions justifiées par les nécessités de la sécurité publique, le concours ainsi apporté à la sauvegarde de l’ordre public, dans l’intérêt général de la population, est étranger à l’exploitation des réseaux de télécommunications. Les dépenses en résultant ne sauraient dès lors, en raison de leur nature, incomber directement aux opérateurs.
Position identique de la CJUE
Aux termes de la décision Telekabel rendue le 27 mars 2014, la CJUE a considéré que l’injonction faite au FAI de supporter la charge d’une mesure de blocage limite la liberté d’entreprendre de celui-ci en ce qu’elle l’oblige à prendre des mesures qui sont susceptibles de représenter pour celui-ci un coût important alors même qu’il n’est pas l’auteur de l’atteinte au droit fondamental de propriété intellectuelle ayant provoqué. En conséquence le coût des mesures ordonnées ne peut être mis à la charge des opérateurs même s’ils ont l’obligation de les mettre en œuvre.
Position divergente du juge des référés
Il a été jugé que l’injonction faite aux FAI de supporter la charge des mesures de blocage ordonnées sur le fondement de l’article L.336-2 du code de la propriété intellectuelle n’est incompatible, ni avec le principe d’égalité devant les charges publiques, en ce que ces mesures sont protectrices de droits de nature privée, ni avec le droit à la liberté d’entreprise de ces intermédiaires, dès lors qu’elles sont dépourvues de caractère disproportionné, ce qui est le cas en l’espèce puisqu’il n’est pas démontré que celles-ci, qui ont pour objectif la cessation de l’atteinte aux droits d’auteurs ou aux droits voisins imposeraient aux fournisseurs d’accès concernés des sacrifices insupportables ou que leur coût mettrait en péril leur viabilité économique.
En conséquence, les coûts exposés par les FAI au titre de la mise en oeuvre des mesures techniques prises en exécution d’une injonction ordonnée par un tribunal peuvent demeurer à leur charge sans que ceux-ci puissent en solliciter le remboursement auprès des organismes de défense professionnelle.
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