Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Reconnaissance de la maladie professionnelle : enjeux de délai et de preuve
→ RésuméFAITSL’assurée, ambulancière née le 24 août 1990, a déclaré une maladie professionnelle le 9 juin 2021, concernant un syndrome du canal carpien bilatéral, sur la base d’un certificat médical daté du 27 mai 2021. La caisse a ouvert deux dossiers de demande de maladie professionnelle, dont l’un pour le syndrome du canal carpien gauche, et a mené une enquête. Le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) a rendu un avis défavorable le 24 janvier 2022, en raison du délai de prise en charge non respecté. PROCÉDURELe 31 janvier 2022, la caisse a refusé la prise en charge de la pathologie. L’assurée a saisi la commission de recours amiable le 23 mai 2022, mais n’a pas reçu de réponse. Elle a ensuite contesté la décision devant le tribunal judiciaire de Bobigny par lettre recommandée le 12 juillet 2022. Le tribunal a saisi le CRRMP de la région Grand-Est pour un nouvel avis, qui a été rendu le 7 août 2023, confirmant l’absence de lien direct entre la maladie et le travail. Le jugement du 19 janvier 2024 a rejeté la demande de prise en charge et a mis les dépens à la charge de l’assurée. PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIESL’assurée a interjeté appel le 13 février 2024, demandant la reconnaissance de la maladie comme professionnelle et l’infirmation du jugement du 19 janvier 2024. Elle soutient que le seul critère non rempli est le délai de prise en charge et présente des documents médicaux antérieurs à la déclaration. En défense, la caisse a demandé la confirmation du jugement, arguant que le délai de prise en charge était largement dépassé et que les avis du CRRMP étaient concordants et défavorables à la prise en charge. CONCLUSIONS DE LA COURLa cour a déclaré recevable l’appel de l’assurée, mais a confirmé le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny, déboutant l’assurée de ses demandes. Elle a également condamné l’assurée aux dépens d’appel, conformément aux dispositions relatives à l’aide juridictionnelle. |
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 13
ARRÊT DU 31 Janvier 2025
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 24/00983 – N° Portalis 35L7-V-B7I-CI6Q5
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Janvier 2024 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 24/00109
APPELANTE
Madame [O] [S]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Vincent DESRIAUX, avocat au barreau de PARIS, toque : P0503
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro C75056-2024-006934 du 18/03/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMEE
CPAM DE SEINE SAINT DENIS
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Décembre 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Sophie COUPET, conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre
Monsieur Gilles REVELLES, conseiller
Madame Sophie COUPET, conseillère
Greffier : Madame Agnès ALLARDI, lors des débats
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre et par Madame Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l’appel interjeté par Mme [O] [S] (l’assurée) à l’égard d’un jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny le 19 janvier 2024 dans le litige l’opposant à la caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis (la caisse).
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de préciser que l’assurée, ambulancière née le 24 août 1990, a établi une déclaration de maladie professionnelle le 9 juin 2021, pour un syndrome de canal carpien droit et gauche, sur la base d’un certificat médical initial établi le 27 mai 2021 mentionnant ‘syndrome du canal carpien droit et gauche (opéré)’.
La caisse a ouvert deux dossiers de demande de maladie professionnelle, dont l’un, numéroté 210228753 pour syndrome du canal carpien gauche et a diligenté une instruction. Après enquête, estimant que le délai de prise en charge prévu au tableau 57 des maladies professionnelles n’était pas respecté, la caisse a saisi le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) de la région Île-de-France. Par avis du 24 janvier 2022, le CRRMP a émis un avis défavorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie, l’importance du délai entre la fin de l’exposition et la déclaration de la maladie ne permettant pas de retenir un lien direct entre le travail habituel et la maladie.
Par décision du 31 janvier 2022, la caisse a refusé de prendre en charge la pathologie déclarée par l’assurée au titre du risque professionnel.
L’assurée a, par courrier daté du 23 mai 2022, saisi la commission de recours amiable, qui n’a pas accusé réception du recours et qui n’a pas rendu de décision.
Par lettre recommandée expédiée le 12 juillet 2022, l’assurée a porté sa contestation devant le pôle social du tribunal judiciaire de Bobigny.
Par jugement du 16 février 2023, le tribunal judiciaire de Bobigny a, avant dire droit, saisi le CRRMP de la région Grand-Est afin de recueillir son avis sur la demande de reconnaissance de la maladie professionnelle et a sursis à statuer sur les autres demandes.
L’avis du comité a été rendu le 7 août 2023 et a été notifié aux parties. La conclusion est la suivante : « si le métier d’ambulancière comporte des manutentions significatives, intéressant la main droite et le poignet, le dépassement important du délai de prise en charge ne permet pas aux membres du CRRMP d’établir un lien direct entre la pathologie déclarée et la fonction d’ambulancière ».
Par jugement RG 23/0280 du 19 janvier 2024, le tribunal judiciaire de Bobigny a :
– Rejeté la demande de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie du syndrome du canal carpien gauche présentée par l’assurée ;
– Mis les dépens à la charge de l’assurée ;
– Ordonné l’exécution provisoire de la décision.
Pour statuer ainsi, le tribunal, après avoir relevé que le délai de prise en charge était largement dépassé, a estimé que le certificat du docteur [B] était insuffisant pour remettre en cause les deux avis concordants du CRRMP. Il note que ce n’est pas parce que, dans le cadre de son emploi d’ambulancière, l’assurée a fait des gestes de la liste limitative des travaux, que la maladie est directement en lien avec le travail.
La notification du jugement à l’assurée est revenue « n’habite pas à l’adresse indiquée ». L’assurée en a interjeté appel par déclaration RPVA en date du 13 février 2024.
L’affaire a été examinée à l’audience de la cour d’appel du 03 décembre 2024.
A cette audience, par conclusions visées par le greffe et reprises oralement, l’assurée demande à la cour de :
Dire recevables et bien fondées ses écritures et pièces ;
Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 19 janvier 2024 par le tribunal judiciaire de Bobigny ;
Statuant à nouveau,
Reconnaître le caractère professionnel de la maladie du canal carpien gauche déclarée le 9 novembre 2021 ;
Condamner la caisse aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, l’assurée expose que la seule condition du tableau 57 non-remplie est celle relative au délai de prise en charge. Elle explique qu’après recherche, elle a pu retrouver des documents médicaux, notamment deux électromyogrammes (EMG) des 11 mars 2016 et 23 novembre 2020, qui font état des symptômes du canal carpien, à droite comme à gauche, dès 2016. Elle précise qu’elle a été opérée du canal carpien droit en 2017 et du canal carpien gauche en avril 2021. Elle explique qu’elle a été exposée au risque au cours de ses différents emplois, à savoir : ambulancière du 4 février 2015 au 22 février 2016, vente-location et installation de matériel médical du 21 octobre 2016 au 29 juillet 2019 et de nouveau ambulancière du 1er août 2019 au 11 mars 2020. Elle en conclut que la dernière exposition au risque, que ce soit en considération de l’EMG du 11 mars 2016 ou de l’EMG du 23 novembre 2020, remonte à moins de 30 jours, comme requis par le tableau 57C.
En défense, la caisse, par conclusions visées par le greffe et reprises oralement, demande à la cour de :
Confirmer le jugement du 19 janvier 2024 en toutes ses dispositions ;
Débouter l’assurée de l’ensemble de ses demandes ;
Condamner l’assurée aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, la caisse rappelle que le délai de prise en charge est de 30 jours en ce qui concerne la maladie du canal carpien et que la date de première constatation médicale est fixée par le médecin-conseil. Elle indique qu’en l’espèce, l’assurée a cessé d’être exposée au risque le 11 mars 2020, date de son arrêt de maladie, alors que la date de première constatation médicale a été fixée par le médecin-conseil le 28 février 2021, soit plus de 11 mois après la cessation de l’exposition au risque. La caisse rappelle que les deux CRRMP ont émis un avis concordant et défavorable à la prise en charge, compte tenu du dépassement du délai.
La caisse expose que même en retenant une date de première constatation médicale au 23 novembre 2020, date de l’EMG concernant le canal carpien gauche, le délai de prise en charge est dépassé depuis le dernier jour travaillé du 11 mars 2020. Elle estime que si le compte rendu du 23 novembre 2020 relève des paresthésies de la main gauche depuis plusieurs années, cette mention est insuffisante pour établir que la pathologie existait depuis toutes ces années. Elle précise également que l’EMG du 11 mars 2016 conclut à un examen normal à gauche et ne peut donc servir à fixer la date de première constatation médicale pour la pathologie en cause.
A l’issue de l’audience, les parties ont été informées que la décision serait mise à disposition le 31 janvier 2025.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
DÉCLARE recevable l’appel formé par Mme [S], ;
CONFIRME, en toutes ses dispositions, le jugement RG 23/00280 rendu le 19 janvier 2024 par le tribunal judiciaire de Bobigny ;
Y AJOUTANT,
DÉBOUTE Mme [S] de ses demandes ;
CONDAMNE Mme [S] aux dépens d’appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à la loi sur l’aide juridictionnelle.
La greffière Le président
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