Cour d’appel de Paris, 31 janvier 2025, RG n° 21/03256
Cour d’appel de Paris, 31 janvier 2025, RG n° 21/03256

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Validité des mises en demeure et de la contrainte en matière de cotisations sociales

Résumé

Contexte de l’affaire

Le 10 octobre 2017, M. [F] [P] a formé opposition à une contrainte établie le 19 septembre 2017 par les directeurs de la caisse du régime social des indépendants et de l’URSSAF de l’Île-de-France. Cette contrainte concernait des cotisations et majorations de retard pour les troisième et quatrième trimestres de 2016, s’élevant à un montant total de 14 454 euros.

Jugement du tribunal

Le tribunal a rendu son jugement le 22 février 2021, validant la contrainte à hauteur de 14 260,59 euros. M. [F] [P] a été condamné à payer cette somme à l’URSSAF, ainsi qu’à supporter les frais de notification de la contrainte et les dépens. Sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile a été rejetée, et la décision a été déclarée exécutoire de droit à titre provisoire.

Arguments du tribunal

Le tribunal a jugé que les mises en demeure préalables étaient valides, permettant à M. [F] [P] de connaître ses obligations. Il a également confirmé la régularité de l’acte de signification de la contrainte, soulignant que la délégation de pouvoir des directeurs n’affectait pas la validité de la contrainte. De plus, il a noté que l’accord entre M. [F] [P] et la société dont il était gérant n’était pas opposable à l’organisme de sécurité sociale.

Appel de M. [F] [P]

M. [F] [P] a interjeté appel le 25 mars 2021, demandant l’infirmation du jugement. Il a contesté la validité des mises en demeure et de la contrainte, arguant qu’elles manquaient de motivation et de précisions. Il a également soutenu qu’il n’avait pas perçu de rémunération en tant que co-gérant de la société depuis décembre 2015, ce qui aurait dû le dispenser de cotisations.

Réponse de l’URSSAF

L’URSSAF a demandé à la cour de confirmer le jugement de première instance, déclarant irrecevable la demande de remise des majorations de retard et condamnant M. [F] [P] à payer 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Analyse des mises en demeure

M. [F] [P] a soutenu que les mises en demeure ne précisaient pas les périodes de cotisations concernées, ce qui aurait entravé sa compréhension de ses obligations. L’URSSAF a répliqué que les mises en demeure fournissaient suffisamment d’informations pour permettre au cotisant de connaître la nature et le montant des sommes réclamées.

Nullité de la contrainte

M. [F] [P] a également contesté la contrainte, affirmant qu’elle manquait de détails sur les cotisations demandées. L’URSSAF a fait valoir que la contrainte était conforme aux exigences légales, mentionnant les mises en demeure et les montants dus.

Signification de la contrainte

Concernant la signification de la contrainte, M. [F] [P] a argué que l’acte avait été signifié au nom de plusieurs organismes, ce qui ne respectait pas les exigences légales. La cour a répondu que la mention conjointe des organismes était conforme aux dispositions légales en vigueur.

Sommes dues et majorations

M. [F] [P] a contesté les sommes dues, affirmant que le RSI devait savoir que sa société prenait en charge ses cotisations. L’URSSAF a rétorqué que les cotisations étaient personnelles et que tout accord entre M. [F] [P] et sa société n’était pas opposable. La cour a confirmé que M. [F] [P] devait prouver le caractère infondé de la créance.

Décision finale de la cour

La cour a déclaré recevable l’appel de M. [F] [P], mais a confirmé le jugement du tribunal de première instance. Elle a également déclaré irrecevable la demande de remise des majorations de retard et a condamné M. [F] [P] à payer 3 000 euros à l’URSSAF au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 13

ARRÊT DU 31 Janvier 2025

(n° , 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 21/03256 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDPIR

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Février 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MEAUX RG n° 17/00616

APPELANT

Monsieur [F] [P]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Abdelnour BOUADDI, avocat au barreau de PARIS, toque : E1171

INTIMEE

URSSAF

[Adresse 7]

[Localité 4]

représentée par M. [L] [Z] en vertu d’un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Décembre 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. Raoul CARBONARO, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M Raoul CARBONARO, président de chambre

M Gilles REVELLES, conseiller

Mme Sophie COUPET, conseillère

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par M. Raoul CARBONARO, président de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l’appel interjeté par M. [F] [P] (le cotisant) d’un jugement rendu le 22 février 2021 par le tribunal judiciaire de Meaux dans un litige l’opposant à l’URSSAF de l’Île-de-France (l’URSSAF).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de préciser que le 10 octobre 2017, M. [F] [P] a formé opposition devant une juridiction en charge du contentieux de la sécurité sociale à une contrainte établie le 19 septembre 2017 et signifiée le 27 septembre 2017 par les directeurs de la caisse du régime social des indépendants et de l’URSSAF de l’Île-de-France au titre des cotisations et majorations de retard pour les troisième et quatrième trimestres 2016 pour un montant total de 14 454 euros.

Par jugement en date du 22 février 2021, le tribunal :

valide la contrainte n° 11700000155113640900838620481678 établie par le régime social des indépendants et l’URSSAF le 19 septembre 2017, à hauteur de la somme de 14 260,59 euros au titre des cotisations et majorations de retard pour la période des troisième et quatrième trimestres 2016 ;

condamne M. [F] [P] à payer à l’URSSAF de l’Île-de-France la somme totale de 14 260,50 euros au titre de la contrainte du 19 septembre 2017 ;

dit que les frais de notification de la contrainte, ainsi que tous les actes de procédure nécessaires à son exécution, restent à la charge de M. [F] [P] ;

condamne M. [F] [P] aux dépens ;

déboute M. [F] [P] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

rappelle que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

Le tribunal a retenu que les mises en demeure préalables à la délivrance de la contrainte étaient valides pour permettre au cotisant de connaître la nature, la cause et l’étendue de son obligation, dès lors que ce dernier ne pouvait légitimement ignorer que le montant des régularisations correspondait à l’année N – 1 en application des dispositions de l’article L. 133-6 du code de la sécurité sociale. Il a retenu que l’acte de signification était régulier dès lors que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017, complétée par le décret n° 2017-864 du 9 mai 2017, confiait à l’URSSAF le recouvrement des cotisations et contributions sociales dues à titre personnel par les travailleurs indépendants. L’article L. 133-1-1 du code de la sécurité sociale désigne en outre les directeurs des deux organismes pour désigner conjointement un directeur pour la réalisation de la mission de recouvrement. Cette délégation ne saurait, selon le tribunal priver les directeurs de leur propre pouvoir. Dès lors, la contrainte ayant été signée par les deux directeurs et notifiée à la demande de la caisse du régime social des indépendants et de l’URSSAF, tant la contrainte que l’acte de signification étaient valables. Le tribunal a rappelé que l’accord ayant lié le cotisant à la société dont il était le gérant pour la prise en charge des cotisations n’était pas opposable à son organisme de sécurité sociale. Il a retenu en outre qu’il n’avait pas quitté la gérance de la société à partir de l’année 2016, sa rémunération ayant été simplement suspendue de telle sorte qu’il ne peut invoquer le fait qu’il ait été empêché d’exercer ses fonctions. Le tribunal a donc validé la contrainte pour son montant ramené à une somme légèrement inférieure au regard des versements produits.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception non remise à son destinataire qui en a interjeté appel par déclaration formée par voie électronique le 25 mars 2021.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l’audience par son avocat, M. [F] [P] demande à la cour de :

infirmer le jugement rendu le 22 février 2021 notifiée le 5 mars 2021 du tribunal judiciaire pôle social de Meaux en ce qu’il a écarté les moyens de nullités pris de mises en demeure et de la contrainte irrégulières pour manque de motivations et de précisions ;

infirmer le jugement en ce qu’il a écarté le moyen pris de la nullité de la signification de la contrainte pour violation de l’article 648 du code de procédure civile ;

infirmer le jugement en ce qu’il a écarté le moyen de nullité pris du défaut de qualité ;

infirmer le jugement en ce qu’il a validé la contrainte de l’URSSAF en date du 19 septembre 2017 ;

infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté l’opposition de M. [F] [P] et l’a condamné au paiement de la somme de 14 260,59 euros au titre de la contrainte ;

infirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [F] [P] de sa demande d’article 700 ;

en conséquence,

à titre principal,

juger que les mises en demeure sont intervenues en violation des dispositions impératives de l’article R. 244-1 du code de sécurité sociale, faute de préciser les périodes de cotisations concernées ;

juger que les mises en demeure sont intervenues en violation des dispositions impératives de l’article R. 244-1 du code de sécurité sociale, faute de préciser la nature et le quantum des sommes réclamées ;

juger nulle la contrainte faute de motivation ;

juger que l’acte de signification de la contrainte par huissier de justice est intervenu en violation de l’article 648 du code de procédure civile ;

juger que l’URSSAF ne justifie pas de la qualité de Mme [D] à établir une contrainte au nom de la caisse RSI et de l’URSSAF ;

en conséquence,

juger nulles et non avenues les mises en demeure des 10 octobre et 16 décembre 2016 et tous les actes subséquents ;

juger nulle et non avenue la contrainte 110 11700000155113640900838620481678 du 19 septembre 2017 de la caisse RSI et de l’URSSAF signifiée par huissier de justice le 28 septembre 2017 ;

les inviter à mieux se pourvoir ;

à titre subsidiaire,

juger que M. [F] [P] n’a perçu aucune rémunération en sa qualité de co-gérant de la société [6] depuis le 18 décembre 2015 jusqu’au 17 mai 216, date de sa démission ;

juger que M. [F] [P] a été dans l’impossibilité d’exercer son mandat en sa qualité de cogérant de la société [6] depuis le 18 décembre 2015 jusqu’au 17 mai 216, date de sa démission ;

juger que le RSI devait savoir ou ne pouvait ignorer que la société [6] s’était engagée à prendre en charge les cotisations RSI de M. [F] [P] ;

juger que M. [F] [P] a démissionné de ses fonctions de cogérant le 17 mai 2016 de la société [6] ;

juger que les formalités de modifications y afférents au RCS sont bien intervenues ;

juger que le contrat de travail de M. [F] [P] au sein de la filiale [5] a fait l’objet d’une rupture conventionnelle en date du 27 mai 2016 ;

en conséquence,

débouter l’URSSAF de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

ordonner la remise des majorations et pénalités ;

les inviter à mieux se pourvoir ;

en toute état de cause,

dire n’y avoir lieu à l’application d’une majoration de 1 625 euros ;

condamner l’URSSAF à payer à M. [F] [P] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

les condamner aux entiers dépens.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l’audience par son représentant, l’URSSAF de l’Île-de-France demande à la cour de :

confirmer la décision de première instance du 22 février 2021 ;

déclarer irrecevable la demande de remise des majorations de retard ;

condamner M. [F] [P] à payer 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l’audience du 2 décembre 2024 qu’elles ont respectivement soutenues oralement.

PAR CES MOTIFS:

LA COUR,

DÉCLARE recevable l’appel de M. [F] [P] ;

CONFIRME le jugement rendu le 22 février 2021 par le tribunal judiciaire de Meaux ;

Y AJOUTANT,

DÉCLARE irrecevable la demande de remise des majorations de retard ;

CONDAMNE M. [F] [P] à payer à l’URSSAF de l’Île-de-France la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [F] [P] aux dépens.

La greffière Le président

 


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