Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Validation de l’appel à cotisations de l’Urssaf et conformité aux normes de protection des données personnelles.
→ RésuméFAITSL’Urssaf Centre-Val-de-Loire a adressé à Mme [D] un appel à cotisations le 26 novembre 2018, lui demandant de régler 75 681 euros pour la cotisation subsidiaire maladie (CSM) de l’année 2017, à payer avant le 28 décembre 2018. En réponse, Mme [D] a contesté cet appel par courrier du 22 janvier 2019 auprès de la commission de recours amiable. Après un rejet implicite de sa demande, elle a saisi le tribunal judiciaire de Paris le 30 avril 2019. La commission a finalement rejeté son recours le 25 juillet 2019. PROCÉDURELe tribunal a rouvert les débats le 9 juillet 2020 pour permettre à l’Urssaf de répondre à des arguments de Mme [D] concernant la violation de la loi sur l’informatique et la liberté, et pour que Mme [D] prouve le paiement de la somme due. Par jugement du 9 février 2021, le tribunal a débouté Mme [D] de toutes ses demandes, validé l’appel à cotisations et condamné Mme [D] à payer la somme due, tout en la déboutant de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et en la condamnant aux dépens. PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIESL’Urssaf Centre-Val-de-Loire a demandé à la cour de confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris, de valider l’appel à cotisations et de rejeter les demandes de Mme [D]. Elle a soutenu sa compétence pour délivrer l’appel à cotisation, malgré le domicile de Mme [D], en raison d’une convention de mutualisation avec l’Urssaf Île-de-France. L’Urssaf a également affirmé que le tribunal avait correctement rejeté les arguments relatifs à la violation de la loi sur l’informatique, précisant que le transfert de données fiscales était autorisé par des décrets et que la CNIL avait donné un avis favorable. RÉGULARITÉ DE L’APPEL À COTISATIONLa cour a examiné la régularité de l’appel à cotisation au regard de la compétence territoriale de l’Urssaf Centre-Val-de-Loire, concluant que celle-ci était compétente pour le recouvrement de la CSM. La convention de délégation signée le 1er décembre 2017 a été jugée valide, permettant à l’Urssaf Centre-Val-de-Loire d’exercer ses missions de recouvrement. L’appel à cotisation a donc été jugé régulier. CONFORMITÉ À LA LOI « INFORMATIQUE ET LIBERTÉ »La cour a également statué que l’appel à cotisation respectait les dispositions de la loi « Informatique et Liberté ». La CNIL avait autorisé le traitement des données personnelles nécessaires au calcul de la CSM, et l’Urssaf avait respecté son obligation d’information. L’absence d’information personnalisée préalable n’a pas été considérée comme une cause de nullité de l’appel à cotisation. PRINCIPE D’ÉGALITÉ DEVANT LA LOIConcernant le principe d’égalité, la cour a confirmé que l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale ne créait pas de rupture d’égalité. Les différences de traitement entre les assurés sociaux étaient justifiées par des critères objectifs et rationnels. Le Conseil constitutionnel avait validé ces dispositions, et la cour a conclu que l’appel à cotisation de Mme [D] était conforme à la Constitution. DÉCISION FINALELa cour a déclaré recevable l’appel de Mme [D], a écarté son dossier de plaidoirie reçu après la clôture des débats, et a confirmé le jugement du tribunal judiciaire de Paris en toutes ses dispositions. Mme [D] a été condamnée aux dépens d’appel. |
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 13
ARRÊT DU 31 Janvier 2025
(n° , 12 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 21/03017 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDNUI
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Février 2021 par le Pole social du TJ de PARIS RG n° 19/09737
APPELANTE
Madame [E] [B] [D]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 4]
non comparante, non représentée, ayant pour conseil Me Arnaud TAILFER, avocat au barreau de Paris (P445)
INTIMEE
URSSAF CENTRE VAL DE LOIRE
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par M. [I] [U] en vertu d’un pouvoir spécial
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Décembre 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Sophie COUPET, conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre
Monsieur Gilles REVELLES, conseiller
Madame Sophie COUPET, conseillère
Greffier : Madame Agnès ALLARDI, lors des débats
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Monsieur Raoul CARBONARO, président de chambre et par Madame Agnès ALLARDI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l’appel interjeté par Madame [E] [D] à l’égard d’un jugement rendu par le tribunal judiciaire de paris le 9 février 2021 dans le litige l’opposant à l’union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales du Centre-Val-de-Loire (l’Urssaf Centre-Val-de-Loire).
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de préciser que l’Urssaf Centre ‘ Val-de-Loire a adressé à Mme [D] un appel à cotisations le 26 novembre 2018, l’invitant à régler la somme de 75 681 euros au titre de la cotisation subsidiaire maladie (CSM) de l’année 2017, et ce, avant le
28 décembre 2018.
Mme [D] a saisi la commission de recours amiable par courrier du 22 janvier 2019, afin de contester cet appel à cotisations.
A la suite de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable, par courrier recommandé expédié le 30 avril 2019, Mme [D] a saisi le pôle social du tribunal grande instance de Paris, devenu par la suite tribunal judiciaire de Paris.
En cours de procédure, par décision du 25 juillet 2019, la commission de recours amiable a rejeté le recours de Mme [D].
Après un examen à l’audience, par jugement du 9 juillet 2020, le tribunal a ordonné la réouverture des débats, afin de permettre, d’une part, à l’Urssaf Centre – Val-de-Loire de répondre à l’argument relatif à la violation de la loi du 6 janvier 1978 « Informatique et liberté» et, d’autre part, à Mme [D] de rapporter la preuve du paiement de la somme de 75 681 euros.
Par jugement du 9 février 2021, le tribunal a :
– Débouté Mme [D] de l’intégralité de ses demandes ;
– Validé l’appel de cotisations du 26 novembre 2018 et condamné Mme [D] à payer à l’Urssaf Centre – Val-de-Loire la somme de 75 681 euros ‘en deniers ou quittances’ pour tenir compte des versements déjà intervenus ;
– Débouté Mme [D] de sa demande formulée au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamné Mme [D] aux dépens.
Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu que l’appel de cotisations était parvenu à
Mme [D] dans les délais prescrits par les textes réglementaires, que la violation de la loi informatique et liberté du 6 janvier 1978 n’était pas caractérisée, que le contrôle de constitutionalité de la loi ne pouvait s’effectuer que dans le cadre d’une ‘question prioritaire de constitutionalité’ et que le recours en inconstitutionnalité ou en illégalité du décret devait être adressé au Conseil d’Etat.
Le jugement a été notifié le 15 février 2021 à Mme [D], qui a interjeté appel par courrier recommandé expédié le 5 mars 2021.
L’affaire a été examinée à l’audience de la cour d’appel du 3 décembre 2024.
A cette audience, Mme [D] ne s’est pas présentée et ne s’est pas fait représenter. Elle a fait parvenir un dossier de plaidoirie réceptionné au greffe après la clôture des débats, sans demande de dispense de comparution.
Aux termes de ses conclusions préalablement communiquées à Mme [D], visées par le greffe et reprises oralement, l’Urssaf Centre-Val-de-Loire, représentée par son mandataire, a sollicité un jugement au fond et a demandé à la cour de :
Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 9 février 2021 ;
Valider l’appel de cotisations du 26 novembre 2018 au titre de la cotisation subsidiaire maladie de l’année 2017 pour son montant de 75 681 euros ;
Rejeter les demandes de Mme [D] ;
Condamner Mme [D] aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, l’Urssaf Centre-Val-de-Loire expose qu’elle était bien compétente pour délivrer l’appel à cotisation de la CSM, malgré le domicile de
Mme [D] situé à [Localité 5], puisque l’Urssaf Ile de France a conclu avec l’Urssaf
Centre-Val-de-Loire une convention de mutualisation, la première transférant à la seconde l’ensemble des droits et obligations afférents à l’exercice des missions de recouvrement résultant des article R. 380-3 et suivants du code de la sécurité sociale.
L’Urssaf Centre-Val-de-Loire expose que le tribunal a, à juste titre, rejeté le moyen relatif à la violation de la loi du 6 janvier 1978, dans la mesure où l’article L. 380-2 du code de la sécurité sociale permet le transfert des données fiscales entre la direction générale des finances publiques et l’Urssaf. Elle rappelle que, conformément à
l’article 27 de la loi du 06 janvier 1978, le transfert des données personnelles destinées au calcul de la CSM a été autorisé par les décrets n° 2007-1530 du 03 novembre 2017 et n° 2018-392 du 24 mai 2018 et que ce transfert des données est expressément prévu désormais par les articles L. 380-2, R. 380-3 et D. 380-5 I du code de la sécurité sociale. Elle précise également que la CNIL, dans un avis 2017-279 du 26 octobre 2017, a donné un avis favorable au transfert des données à caractère personnel. Elle rappelle que la cour d’appel de Paris a, dans un arrêt du 22 septembre 2023, confirmé que le transfert des données entre la DGFIP et l’ACCOSS, puis le traitement de ces données par l’ACCOSS et l’URSSAF, sont conformes à l’article 27 de la loi du 6 janvier 1978.
L’Urssaf Centre-Val-de-Loire fait valoir qu’elle a respecté son obligation générale d’information concernant le traitement des données à caractère personnel, lors du transfert, puisqu’elle a assuré une campagne d’information auprès des personnes concernées en novembre 2018 et qu’elle a présenté cette information sur son site internet. Elle rappelle que, par application de l’article 32 III de la loi informatiques et libertés, l’information de la personne concernée doit intervenir au plus tard lors de la première communication de données entre l’Urssaf et le tiers. Elle souligne que la jurisprudence de la Cour de cassation, comme de la cour d’appel de Paris, a, à plusieurs reprises, confirmé que l’obligation d’information était respectée envers les cotisants. En tout état de cause, elle estime que la sanction du non-respect de l’obligation d’information n’est pas la nullité de l’appel à cotisation.
L’Urssaf Centre-Val-de-Loire expose que l’appel à cotisation de la CSM n’est pas contraire au principe d’égalité devant la loi reconnu par l’article 6 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, ni contraire au principe d’égalité devant les charges publiques reconnu par l’article 13 de cette même déclaration. En effet, les deux effets de seuil, induits par le seuil minimal de 10% du PASS et le seuil maximal de 25% du PASS n’engendrent aucune rupture d’égalité, ainsi qu’il a été jugé par le conseil constitutionnel dans sa décision QPC 2018-735 du 27 septembre 2018 et ce, même en l’absence de plafonnement prévu par la loi. De même, l’Urssaf
Centre-Val-de-Loire indique également que la différence de traitement induite par la CSM entre les assurés sociaux en fonction de la nature de leurs revenus est assortie de justifications objectives et raisonnables. Elle rappelle que, dans sa décision du
10 juillet 2019, le Conseil d’Etat a jugé que les dispositions de l’article L.380-2 du code de la sécurité sociale engendrent une différence de traitement entre les assurés sociaux, qui est justifiée par des critères subjectifs et rationnels en rapport avec le but recherché par le législateur.
A l’issue de l’audience, les parties ont été informées que la décision serait mise à disposition le 31 janvier 2025.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
DÉCLARE recevable l’appel formé par Mme [D] ;
ECARTE des débats le dossier de plaidoirie de Mme [D], parvenu à la cour après la clôture des débats ;
CONFIRME, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 9 février 2021 par le tribunal judiciaire de Paris ;
Y ajoutant,
CONDAMNE Mme [D] aux dépens d’appel.
La greffière Le président
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