Cour d’Appel de Paris, 30 octobre 2019
Cour d’Appel de Paris, 30 octobre 2019

Type de juridiction : Cour d’Appel

Juridiction : Cour d’Appel de Paris

Thématique : Sitcoms et CDI : la boite de pandore est ouverte

Résumé

Vingt ans après la fin des CDD d’usage, les comédiens de sitcoms peuvent toujours demander la requalification de leur contrat en CDI. La série « Le Miel et les Abeilles », ainsi que d’autres productions comme « Les années fac » et « Premiers baisers », continuent d’être diffusées et commercialisées. Une actrice de « Le Miel et les Abeilles », ayant joué dans 108 épisodes, a réussi à faire requalifier son contrat. Les CDD d’usage, souvent utilisés dans l’audiovisuel, imposent des contraintes strictes aux comédiens, les maintenant dans une situation précaire tout en les rendant disponibles pour des productions régulières.

20 années après la conclusion de CDD d’usage, l’action en requalification en CDI est toujours ouverte aux comédiens de Sitcoms.

Affaire Le Miel et les Abeilles

Les séries « le Miel et les Abeilles », « Les années fac »
et « Premiers baisers » continuent à être exploitées principalement en
télévision sur des chaînes câblées et de la TNT. La série « Le Miel et les
Abeilles » a également fait l’objet d’exploitations sous forme de DVD. Une
actrice de la série le Miel et les Abeilles a obtenu la requalification de sa
collaboration en CDI. Cette dernière avait interprété le rôle d’Aristide dans
108 épisodes de la série « le Miel et les Abeilles » , 62 épisodes de la série
« Premiers baisers » , puis 124 épisodes de la série «Les années fac ».

Recours aux CDD d’usage

Aux termes des articles L1242-2 et D1242-1 du code du
travail en leur version applicable à l’espèce, l’audiovisuel et la production
cinématographique font partie des secteurs pour lesquels il est d’usage
constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en
raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire
de ces emplois. La convention collective applicable prévoit en son article 3.2
le recours à des contrats de travail à durée déterminée d’usage pour les
artistes-interprètes et en son article 3.3 la possibilité d’engager un
artiste-interprète pour une seule journée. La détermination par accord
collectif de la liste précise des emplois pour lesquels il peut être recouru au
contrat de travail à durée déterminée d’usage ne dispense pas le juge, en cas
de litige, de vérifier concrètement l’existence de raisons objectives
établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi concerné.

Personnage de fiction récurrent

L’emploi qu’occupait le comédien était lié à l’activité
normale de l’entreprise, les contrats journaliers signés avaient pour objet,
non pas« l’exécution d’une tâche précise et temporaire » visée à l’article L.
1242-2 du Code du travail, mais l’interprétation d’un rôle déterminé dans
plusieurs séries et s’était tenu à la disposition permanente du groupe AB.
L’actrice a incarné quatre ans durant un personnage notable au fil de trois
séries successives. S’agissant de production de sitcoms, l’imprévisibilité peut
être relativisée, l’employeur n’établissant pas qu’il n’avait pas la maîtrise du scénario, du
casting et de l’organisation du tournage des différents épisodes de ces séries.

Encadrement sévère des comédiens

Facteur important, les CDD d’usage stipulaient que tout
comédien amené à participer régulièrement aux tournages de la série, s’engageait
à informer le producteur des
propositions qui lui seraient faites par un tiers et à ‘obtenir l’accord écrit
du producteur avant d’accepter toute proposition, s’engageant par ailleurs à ne
pas interpréter de rôle similaire dans une oeuvre audiovisuelle concurrente et
à ne participer à aucune production ou publicité qui ne serait pas destinée à
tout public. Le comédien s’interdisait de participer à des activités comportant
des risques importants susceptibles de le rendre indisponible.

Enfin, il n’était pas autorisé à apporter des modifications
à son physique sans l’accord préalable et écrit du producteur. Ces obligations
particulièrement contraignantes maintenaient le comédien tout à la fois à la
disposition de son employeur et dans la précarité.

Question de la prescription

Concernant l’action en paiement de l’indemnité compensatrice
de préavis, qui a un caractère salarial, l’action quinquennale était prescrite.
Sur la prescription de l’action en paiement de la rémunération complémentaire,
dès lors que le contrat d’enregistrement conclu par un artiste prévoit une
cession de droits rémunérés par des redevances calculées sur les ventes des
enregistrements non liés à la présence de l’artiste et ne présentant pas le
caractère de salaire en application de l’article 7121-8 du code du travail,
l’action en paiement de cette rémunération complémentaire n’était pas soumise à
la prescription de l’article L3245-1 du code du travail, mais à celle de
l’article 2224 du code civil.

Si l’article 2224 du code civil précité prévoit une prescription quinquennale et non plus trentenaire, il résulte, tant de l’article 2222 du code civil que de l’article 26-II de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, que les dispositions qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de ladite loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. A quelques jours près, l’action en paiement de rémunérations complémentaires n’était donc pas prescrite au moment de l’introduction de l’instance.  Télécharger la décision

 


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