Cour d’appel de Paris, 30 mars 2022
Cour d’appel de Paris, 30 mars 2022
Type de juridiction : Cour d’appel Juridiction : Cour d’appel de Paris Thématique :

Résumé

Le contrat de travail des délégués régionaux de sociétés de gestion collective inclut une part variable liée à des objectifs commerciaux. En mars 2016, l’employeur a modifié ces objectifs, précisant que les avances sur rémunération variable déjà versées restaient acquises. Bien que la rémunération variable soit contractualisée, la fixation des objectifs relève du pouvoir de l’employeur, qui peut les modifier tant qu’ils sont réalisables et communiqués au salarié. Les nouveaux objectifs, notifiés lors de l’entretien annuel, incluent des critères liés aux perceptions et aux délais, mais leur précision a été remise en question par le salarié.

Le contrat de travail des délégués régionaux de sociétés de gestion collective stipule bien une part variable avec des objectifs commerciaux. Il s’agit d’un objectif lié aux perceptions, pesant pour 50% et d’un objectif lié aux délais de perception, pesant pour 25%.

Principe de la rémunération variable

En l’espèce, le contrat de travail d’un cadre stipule que : « La partie variable de la rémunération, pourra s’élever à 6667€ (six-mille-six-cent-soixante-sept) maximum en cas d’atteinte des objectifs. Les objectifs, qualitatifs et quantitatifs sont signifiés annuellement par le responsable. »

En mars 2016, l’employeur a modifié les objectifs de l’année en cours et les modalités de versement de la rémunération variable tout en précisant que les avances sur rémunération variable déjà versées pendant les trois premiers mois de l’exercice restaient acquises au salarié.

Si le principe d’une rémunération variable était contractualisé, la fixation des objectifs relevait du pouvoir de l’employeur.

Lorsque les objectifs sont définis unilatéralement par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, celui-ci peut les modifier dès lors qu’ils sont réalisables et qu’ils ont été portés à la connaissance du salarié en début d’exercice ou en cours d’exercice si l’entreprise a été confrontée à des difficultés en raison d’une réorganisation.

Objectifs fixés lors de l’entretien annuel

Les objectifs pour l’année 2016 notifiés lors de l’entretien annuel d’évaluation le 24 novembre 2015 étaient exclusivement qualitatifs en ce qu’ils consistaient notamment dans une nouvelle organisation liée au redéploiement du réseau et la transformation digitale de la société.

Les nouveaux objectifs, fixés en mars 2016, étaient définis comme suit :

« Trois objectifs vous sont fixés au titre de l’exercice 2016, pour un poids total de 100% :

– Un objectif lié aux perceptions, pesant pour 50%,

– Un objectif lié aux délais de perception, pesant pour 25%,

– Un objectif lié à la tenue de votre poste, pesant pour 25%.

Prime pondérée de chaque objectif

Chaque objectif est subdivisé en 4 paliers, libérant chacun 25% du montant de la prime pondérée de chaque objectif.’

 
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 6
ARRET DU 30 MARS 2022
 
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/11899 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CBBUX
 
Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Septembre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 17/01000
 
APPELANT
 
Monsieur Y X
 
[…]
 
[…]
 
 
Représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
 
INTIMÉE
 
SOCIÉTÉ CIVILE DES AUTEURS ET DES COMPOSITEURS DRAMATIQUES (S.A.C.D)
 
[…]
 
[…]
 
 
Représentée par Me Denis DELCOURT POUDENX, avocat au barreau de PARIS, toque : R167
 
COMPOSITION DE LA COUR :
 
 
L’affaire a été débattue le 15 février 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
 
Madame Anne BERARD, Présidente de chambre
 
Madame Nadège BOSSARD, Conseillère
 
Monsieur Stéphane THERME, Conseiller
 
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Nadège BOSSARD, Conseillère, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
 
Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats
 
ARRÊT :
– contradictoire,
 
 
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
 
 
– signé par Madame Anne BERARD, Présidente de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
 
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
 
M. Y X a été recruté le 3 septembre 2012, par la Société des Auteurs et des Compositeurs Dramatiques (SACD) selon contrat à durée indéterminée, en qualité de Responsable Régional avec un salaire annuel brut de 60 000,00 euros sur 13 mois et une rémunération variable sur objectifs d’un montant maximal égal à 6.667,00 euros par an.
 
 
La mission du salarié consistait à encadrer les délégations régionales, notamment chargées de détecter et percevoir localement les droits d’auteurs.
 
 
A la suite de la dénonciation en 2014 d’un accord de délégation avec la SACEM pour la perception des droits, la SACD a procédé à une réorganisation consistant en premier lieu dans la centralisation, au siège de la société de l’ensemble des activités de perception des droits dus sur la France entière, la suppression de l’ensemble des postes des délégués régionaux « mixtes », la création d’une vingtaine d’emplois d’agents de détection et de perception, dédiés aux régions, situés au siège de la société.
 
 
Cette réorganisation a fait l’objet d’un plan de sauvegarde de l’emploi.
 
 
Une réimplantation dans un second temps en régions avait été prévue mais la SACD y a renoncé.
 
 
Elle a alors décidé de muter à Paris les deux responsables régionaux.
 
 
Le 27 avril 2016, le comité d’entreprise a été informé et consulté sur la modification des contrats de travail des titulaires des postes de responsables régionaux.
 
 
Le 2 mai 2016, la SACD a proposé aux deux responsables régionaux dont M. X une mutation définitive au siège de Paris et leur a indiqué qu’en application de l’article L1222-6 du code du travail, ils disposaient d’un mois pour refuser cette proposition et qu’à défaut de réponse
dans ce délai, la modification de leur contrat serait considérée comme acceptée.
 
Le 2 juin 2016, M. X a informé la société qu’il refusait cette mutation définitive au siège de Paris.
 
 
Le 15 juin 2016, M. X a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique fixé au 29 juin 2016 à 12h30.
 
 
Le contrat de sécurisation professionnelle a alors été remis au salarié.
 
 
Le 12 juillet 2016, la société a notifié à M. X son licenciement pour motif économique,
 
 
Le 9 février 2017, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Paris afin de voir juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
 
 
Par jugement du 5 septembre 2019, le conseil de prud’hommes a :
 
– condamné la Société des Auteurs Compositeurs Dramatiques à payer à M. Y X les sommes suivantes :
 
– 2 051,40€ au titre de rappel de salaires impayés, avec intérêt de droit à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et jusqu’au jour du paiement, avec exécution de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire,
 
 
– fixé cette moyenne à la somme de 5 462 euros,
 
 
– 900 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
 
 
– débouté M. X du surplus de ses demandes,
 
 
– débouté la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD) de sa demande relative à l’article 700 du code de procédure civile,
 
 
– condamné la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD) aux entiers dépens.
 
M. X a interjeté appel le 28 novembre 2019.
 
 
Selon ses dernières conclusions remises au greffe, notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 24 août 2020, auxquelles la cour se réfère expressément, M. X demande de :
 
 
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
 
 
– condamné la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD) à lui payer la somme de 2.051,40 euros au titre de rappel de salaires impayés avec intérêt de droit à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et jusqu’au jour du paiement
 
 
– rappelé qu’en vertu de l’article R.1454.28 du Code du Travail ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire.
 
 
– condamné la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD) à payer à M. Y X la somme de 900 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
 
 
Infirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions et, statuant à nouveau :
 
 
Condamner la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD) à verser à M. Y X les sommes suivantes :
 
 
– 43.697,60 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
 
 
– 10.924,40 € à titre d’indemnité de préavis ;
 
 
– 10.000,00 € à titre de dommages et intérêts relatifs aux conditions du licenciement ;
 
 
– 10.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
 
 
– 5.000,00 € au titre des changements de zone d’activité et du logement retiré ;
 
 
– 22.920,00 € au titre des frais de bouche non remboursés ;
– 5.000,00 € au titre de l’absence de mention de la convention collective ;
 
avec intérêts au taux légal sur toutes ces sommes,
 
 
Et, y ajoutant : 3.000,00 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
 
 
Débouter la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques (SACD) de son appel incident et de toutes ses demandes, fins et conclusions,
 
 
Condamner la société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) aux entiers frais et dépens dont distraction au profit de la SCP Grappotte Benetreau en application de l’article 699 du code de procédure civile.
 
 
Selon ses conclusions remises au greffe, notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 26 mai 2020, auxquelles la cour se réfère expressément, la société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) demande de :
 
 
Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
 
‘ condamné la SACD à payer à M. X la somme de 2 051,40 euros au titre de rappel de salaires impayés avec intérêts de droit à compter de la date de réception par la partie intimée de la convocation devant le bureau de conciliation et jusqu’au jour du paiement,
 
‘ condamné la SACD à payer à M. X la somme de 900 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
 
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions,
 
Condamner M. X à verser à la SACD la somme de 5.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
 
 
Condamner M. X aux entiers frais et dépens.
 
 
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 14 décembre 2021.
 
 
Lors de l’audience du 15 février 2022, la cour a écarté des débats les conclusions remises au greffe le 16 décembre 2021 et notifiées à l’appelant la veille de l’ordonnance de clôture au motif que si l’intimé met en avant l’existence d’une panne du réseau privé virtuel des avocats pour justifier qu’il n’a pas remis ses conclusions avant l’ordonnance de clôture, force est de constater qu’il n’a notifié ses écritures que la veille de l’ordonnance et ne justifie pas de son intention de notifier des conclusions dans un délai satisfaisant au regard du principe du contradictoire.
 
MOTIFS :
 
 
Sur la rémunération variable au titre de l’année 2016 :
 
 
Le contrat de travail stipule que : « La partie variable de la rémunération, pourra s’élever à 6667€ (six-mille-six-cent-soixante-sept) maximum en cas d’atteinte des objectifs.
 
Les objectifs, qualitatifs et quantitatifs sont signifiés annuellement par le responsable. »
 
En mars 2016, l’employeur a modifié les objectifs de l’année en cours et les modalités de versement de la rémunération variable tout en précisant que les avances sur rémunération variable déjà versées pendant les trois premiers mois de l’exercice restaient acquises au salarié.
 
Si le principe d’une rémunération variable était contractualisé, la fixation des objectifs relevait du pouvoir de l’employeur.
 
Lorsque les objectifs sont définis unilatéralement par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, celui-ci peut les modifier dès lors qu’ils sont réalisables et qu’ils ont été portés à la connaissance du salarié en début d’exercice ou en cours d’exercice si l’entreprise a été confrontée à des difficultés en raison d’une réorganisation.
 
Les objectifs pour l’année 2016 notifiés lors de l’entretien annuel d’évaluation le 24 novembre 2015 étaient exclusivement qualitatifs en ce qu’ils consistaient notamment dans une nouvelle organisation liée au redéploiement du réseau et la transformation digitale de la société.
 
 
Ce projet a été abandonné au début de l’exercice 2016, de sorte que ces objectifs n’étaient plus adaptés.
 
 
Les nouveaux objectifs, fixés en mars 2016, étaient définis comme suit :
 
« Trois objectifs vous sont fixés au titre de l’exercice 2016, pour un poids total de 100% :
 
– Un objectif lié aux perceptions, pesant pour 50%,
 
– Un objectif lié aux délais de perception, pesant pour 25%,
 
– Un objectif lié à la tenue de votre poste, pesant pour 25%.
 
Chaque objectif est subdivisé en 4 paliers, libérant chacun 25% du montant de la prime pondérée de chaque objectif.’
 
Dans le cadre d’échanges entre le salarié et l’employeur à la réception de ces nouveaux objectifs, l’employeur a précisé à M. X que les objectifs initialement notifiés au moment de l’entretien annuel d’évaluation ‘ correspondent aux orientations données dans le cadre de la stratégie de l’entreprise et sont par essence des objectifs qualitatifs qui permettent notamment d’apprécier la tenue de (s)on poste qui pèse pour 25% de (s)on variable général’ nouvellement notifié.
 
 
Si l’employeur expose dans un courriel que les nouveaux objectifs de perception des droits ont été fixés en fonction des résultats des années précédentes, que les produits attendus ont été réduits de 8% et les délais de perception sont inférieurs de 11% à ceux de l’année précédente de sorte qu’ils seraient réalistes, les chiffres à atteindre ne sont pas mentionnés dans les pièces produites aux débats de sorte que la preuve n’est pas rapportée que des objectifs précisément chiffrés aient été notifiés à M. X.
 
 
En l’absence de notification d’objectifs précis, le salarié est bien fondé à réclamer le versement de la totalité de sa rémunération variable pour la période sollicitée soit pour les mois d’avril, mai, juin et juillet 2016 la somme de 2.051,40 euros.
 
 
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
 
 
Sur le harcèlement moral :
 
 
Selon l’article L1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En vertu de l’article L1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement ou à compter du 8 août 2016 présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.
 
 
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
 
 
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
 
 
Si M. X soutient qu’à compter de mars 2016 sa hiérarchie l’a, petit à petit, destitué de ses fonctions dans le seul but de le ‘pousser vers la sortie’ et qu’il a été mis à l’écart et n’a plus été convié aux réunions, aucune des pièces produites ne l’établit.
 
 
Il justifie, en revanche, avoir sollicité le service des notes de frais au sujet de notes de décembre 2015 et janvier 2016 adressées en février 2016 et dont il n’avait pas été remboursé.
 
 
La société lui a notifié de nouveaux objectifs pour l’année 2015 lesquels bien que quantitatifs ne précisaient pas l’objectif chiffré à atteindre. Alors que M. X sollicitait des précisions, l’employeur a nié toute imprécision et a mis en cause la motivation du salarié.
 
 
De nouveaux objectifs quantitatifs mais imprécis ont également été notifiés aux membres de l’équipe de M. X sans qu’ils soient portés à sa connaissance de sorte qu’il n’a pas été en mesure de répondre aux demandes de précision de ses équipes ce qui a pu le
décrédibiliser et alors que M. X se faisait le relai de cette difficulté, son supérieur lui a reproché de ne pas assurer son rôle de manager et a nié toute difficulté alors même
qu’aucun objectif chiffré précis n’avait été notifié ni à M. X ni aux membres de son équipe.
 
 
C’est dans ce contexte qu’il a été placé en arrêt-maladie à compter du 20 mai 2016, lequel a été prolongé à deux reprises jusqu’au 17 juillet 2016.
 
 
Pris dans leur ensemble, ces éléments font présumer une situation de harcèlement moral.
 
 
L’employeur se limite à contester la matérialité des faits invoqués par le salarié sans apporter à ses propres agissements de justification étrangère à tout harcèlement moral.
 
 
Il en résulte que M. X a subi une situation de harcèlement moral. Le préjudice par lui subi de ce chef sera réparé par l’allocation de la somme de 5000 euros. Le jugement sera infirmé de ce chef.
 
 
Sur la cause économique du licenciement :
 
 
Selon l’article L1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ou nécessaires à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise.
 
 
La lettre de licenciement invoque la sauvegarde de la compétitivité de la société comme motif économique de la modification du contrat de travail de M. X, refusée par celui-ci, et de son licenciement consécutif.
 
 
La dénonciation le 29 mai 2013 par la SACEM de l’accord ayant créé des délégations régionales mixtes entre elle-même et la SACD a contraint la SACD à se réorganiser afin de continuer à percevoir les droits d’auteurs liés aux activités culturelles du spectacle vivant et de l’audiovisuel sur l’entier territoire hexagonal.
 
 
Le chiffre d’affaires réalisé par les délégations régionales relatif au spectacle vivant représentant 54% du chiffre d’affaires du spectacle vivant total de la société, comme établi par les documents d’information du comité d’entreprise, une telle réorganisation était nécessaire pour sauvegarder le niveau d’activité de la société et réduire ses coûts afin d’améliorer sa compétitivité. La première phase de cette réorganisation ayant consisté en une centralisation de la perception des droits a permis des synergies et un bon niveau de perception des droits sauvegardant ainsi la compétitivité de la société au regard de celle des sociétés concurrentes, dont la SACEM, qui perçoivent également des droits pour les auteurs du répertoire humoristique, d’oeuvres musicales, d’oeuvres écrites ou d’oeuvres audiovisuelles.
 
 
Au regard, d’une part, des réductions des coûts permise par la première phase de la réorganisation, d’autre part, de l’inadéquation entre les profils des candidats et les postes envisagés en régions et du coût d’un redéploiement en régions, la société a décidé de renoncer à la deuxième phase de réorganisation qui devait consister en la création de délégations régionales qui lui soient propres en sus de celles existant à Nantes, Nice et Lyon.
 
 
Cette décision impliquait de rendre pérenne l’organisation centralisée et rendait nécessaire une modification du lieu de travail et donc du contrat de travail des deux responsables régionaux affectés temporairement au siège pendant la première phase.
 
 
Dans la mesure où le poste initial de M. X était transformé et où M. X a refusé la modification de son contrat de travail, la sauvegarde de la compétitivité de la société justifiait son licenciement.
 
 
Le motif économique du licenciement est ainsi caractérisé.
 
 
Sur l’obligation de reclassement :
 
 
En vertu de l’article L1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie.
 
 
Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.
 
 
Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.
 
 
L’article L1233-4-1 prévoit que lorsque l’entreprise ou le groupe dont l’entreprise fait partie comporte des établissements en dehors du territoire national, le salarié dont le licenciement est envisagé peut demander à l’employeur de recevoir des offres de reclassement dans ces établissements. Dans sa demande, il précise les restrictions éventuelles quant aux caractéristiques des emplois offerts, notamment en matière de rémunération et de localisation. L’employeur transmet les offres correspondantes au salarié ayant manifesté son intérêt. Ces offres sont écrites et précises.
 
En l’espèce, M. X avait répondu au questionnaire de mobilité relatif à un reclassement à l’étranger qu’il accepterait un reclassement à l’étranger dans chacun des deux pays dans lesquels la société était implantée à savoir la Belgique et le Canada.
 
 
Or, l’employeur ne justifie d’aucune recherche de reclassement au sein de ses établissements en Belgique ou au Canada.
 
 
La SACD n’a dès lors pas procédé à une recherche sérieuse de reclassement ce qui rend le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.
 
 
Sur l’indemnité compensatrice de préavis :
 
 
En vertu de l’article L1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit s’il justifie chez le même employeur d’une ancienneté de services continus d’au moins deux ans, à un préavis de deux mois.
 
 
Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l’accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d’ancienneté de services plus favorable pour le salarié.
 
M. X ayant une ancienneté de trois ans et dix mois et percevant un salaire mensuel brut de 5462 euros, la société SACD est condamnée à lui payer la somme de 10924 euros au titre l’indemnité compensatrice de préavis. M. X ne sollicite pas de congés payés y afférents.
 
 
Le jugement sera infirmé de ce chef.
 
 
Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
 
 
En vertu de l’article L1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l’employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L. 1234-9.
 
 
Compte tenu de l’ancienneté de M. X de trois ans et dix mois au jour du licenciement, de son salaire mensuel brut de 5462 euros, de son âge de 39 ans au jour du licenciement et de sa capacité à retrouver un emploi, le préjudice subi du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse sera réparé par l’allocation d’une indemnité de 43 000 euros.
 
 
Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.
 
 
Sur la demande de dommages-intérêts relatives aux conditions du licenciement :
 
M. X ne caractérise pas de circonstances brutales ou vexatoires de licenciement. Sa demande de dommages-intérêts est en conséquence rejetée. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
 
 
Sur les demandes de dommages-intérêts pour perte du logement et frais de bouche :
 
 
La société s’était engagée unilatéralement à prendre en charge les frais de location d’un meublé à Paris et des frais de nourriture et de déplacements, à compter de l’affectation de M. X à Paris et ce pour la durée de la première phase de réorganisation. Elle était tenue de respecter cet engagement jusqu’à la date du licenciement.
 
 
Il n’est pas démontré qu’elle n’aurait pas respecté cet engagement.
Le refus par M. X de la modification de son contrat de travail pour motif économique et son licenciement subséquent justifiaient qu’il soit mis fin à ces avantages sans qu’il puisse prétendre à des dommages-intérêts spécifiques de ce chef.
 
 
En outre, s’agissant des frais de bouche, M. X ne produit pas de justificatifs de frais ni de bulletins de paie autres que celui de décembre 2013 qui n’en fait pas état, de sorte que la cour n’est pas en mesure d’apprécier la réalité du préjudice allégué.
 
 
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté ces demandes.
 
 
Sur la demande de dommages-intérêts pour défaut de mention de la convention collective sur son contrat de travail et ses bulletins de paie :
 
 
Selon l’article R.3243-1 du code du travail, le bulletin de paie comporte ‘s’il y a lieu, l’intitulé de la convention collective de branche applicable au salarié ou, à défaut, la référence au code du travail pour les dispositions relatives à la durée des congés payés du salarié et à la durée des délais de préavis en cas de cessation de la relation de travail’.
 
 
Si le bulletin de paie de M. X mentionne uniquement ‘accord collectif’ dans la rubrique convention collective, M. X ne démontre pas avoir été mis dans l’impossibilité de connaître l’accord collectif applicable ni avoir subi un préjudice de ce chef.
 
 
Sa demande de dommages-intérêts est en conséquence rejetée. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
 
 
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
 
 
La société est condamnée aux dépens et au paiement de la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
 
PAR CES MOTIFS :
 
La cour,
 
CONFIRME le jugement entrepris sauf sur le harcèlement moral, le licenciement et les indemnités subséquentes,
 
L’INFIRME de ces chefs,
 
 
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
 
JUGE que le licenciement de M. Y X est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
 
CONDAMNE la Société des Auteurs et des Compositeurs Dramatiques à payer à M. Y X les sommes de :
 
 
– 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
 
 
– 10 924 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
 
 
– 43 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
 
DIT que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du 14 février 2017 et les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt, CONDAMNE la Société des Auteurs et des Compositeurs Dramatiques à payer à M. Y X la somme de 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
 
CONDAMNE la Société des Auteurs et des Compositeurs Dramatiques aux dépens.
 
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
 
 
   

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