Cour d’appel de Paris, 30 mars 2016
Cour d’appel de Paris, 30 mars 2016

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Editorial cinglant : la question de l’injure

Résumé

L’affaire du directeur de publication condamné pour injure envers Philippe Manœuvre souligne les limites de la liberté d’expression dans la presse. Bien que l’éditorialiste ait tenté de défendre son style satirique, les juges ont estimé que ses propos, qualifiant Manœuvre de « petit corps malingre » et « bas du front », constituaient des attaques personnelles inacceptables. La loi définit l’injure comme une expression outrageante sans imputation de faits, et dans ce cas, l’identification de la victime était évidente pour les lecteurs. Cette décision rappelle que l’humour a ses limites, surtout lorsqu’il porte atteinte à la dignité humaine.

Editorial injurieux

Le directeur de la publication d’un magazine de musique a été condamné pour injure envers le   journaliste musical Philippe Manœuvre. L’exception de caricature / satire n’a pas été retenue, l’attaque personnelle était constituée. Cette affaire précise les contours de l’injure au titre des éditoriaux de presse cinglants dirigés exclusivement vers une personne physique.

Définition de l’injure

L’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 définit l’injure comme toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait. La caricature et la satire, même délibérément provocante et grossière, participe de la liberté d’expression et de communication des pensées et des opinions. Toutefois, le droit à l’humour connaît des limites, tels que les atteintes au respect de la dignité de la personne humaine, l’intention de nuire et les attaques personnelles.

Identification de la personne visée

Pour que le délit d’injure publique envers un particulier soit constitué, il n’est pas nécessaire que la personne visée soit nommée ou expressément désignée ; il faut néanmoins que son identification soit rendue possible par les termes du discours ou de l’écrit ou par des circonstances extrinsèques qui éclairent et confirment cette désignation de manière à la rendre évidente.

En l’occurrence, plusieurs lecteurs de la revue ont reconnu le journaliste animateur de télévision et de radio Philippe Manœuvre. Les précisions données par l’éditorialiste ne pouvaient laisser aucun doute sur l’identification du journaliste, au moins pour son entourage et les connaisseurs du sujet.

Exception de caricature

Pour contester le caractère injurieux de ses propos, l’éditorialiste a fait valoir sans succès que son style humoristique et satirique est reconnu dans la profession, qu’il est, en effet, réputé pour ses éditoriaux cinglants. Les juges ont considéré qu’il résulte de la lecture des propos poursuivis que le directeur de publication s’est servi de l’éditorial d’un magazine d’information musicale, non pas pour critiquer, éventuellement avec causticité, une production musicale ou littéraire, mais pour prendre comme cible Philippe Manœuvre avec une litanie d’adjectifs outrageants tels que « petit corps malingre » « bas du front » « grand malade » etc. manifestant clairement son souci exclusif de le rabaisser par des attaques personnelles portant atteinte à sa dignité et dépassant ainsi les limites de la liberté d’expression.

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