Cour d’Appel de Paris, 30 janvier 2014
Cour d’Appel de Paris, 30 janvier 2014

Type de juridiction : Cour d’Appel

Juridiction : Cour d’Appel de Paris

Thématique : Requalification des CDD d’usage en CDI dans l’audiovisuel

Résumé

Les contrats à durée déterminée (CDD) d’usage, selon le Code du travail, ne peuvent être conclus que pour des tâches précises et temporaires, comme le remplacement ou l’accroissement temporaire d’activité. Ils doivent être écrits et mentionner un motif légal. Dans le cas d’un chef monteur chez France Télévisions, la succession de 313 CDD a été requalifiée en contrat à durée indéterminée (CDI) en raison de l’absence de raisons objectives justifiant ces contrats temporaires. Cette requalification entraîne une indemnité pour le salarié, représentant au minimum un mois de salaire, à la charge de l’employeur.

Recours aux CDD d’usage

En vertu des dispositions de l’article L 1221-1 et L 1242-1 et suivants du Code du travail, le contrat de travail est à durée indéterminée et ne peut être à durée déterminée, quel qu’en soit son motif que s’il n’a pas pour objet ou effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. En vertu des dispositions de l’article L 1242-2 du même code, il ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement pour des motifs énumérés : remplacement, accroissement temporaire d’activité, emplois à caractère saisonnier ou, dans certains secteurs d’activité, s’il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ( contrat de travail à durée déterminée dits ‘d’usage’ ).

Mentions des CDD d’usage

Les contrats de travail à durée déterminée doivent être écrits et comporter des mentions obligatoires, parmi lesquelles l’un des motifs prévus par le Code du travail. Les contrats de travail à durée déterminée dits ‘d’usage’, s’ils ne comportent pas de terme précis, peuvent être reconduits sans limite de temps, n’imposent pas de délai de carence, ni d’indemnité de précarité, mais doivent, pour autant, être écrits et mentionner un motif précis, comme tous les autres contrats de travail à durée déterminée, leur succession devant répondre à des ‘raisons objectives’, au sens de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne ; que cette notion de ‘raisons objectives’ au sens de la Directive 1999 CE du 28 juin 1999, doit être entendue comme visant des circonstances précises et concrètes caractérisant une activité déterminée et ainsi de nature à justifier dans un contexte particulier le recours à des contrats de travail à durée déterminée.

Permanence des CDD d’usage

Un emploi occupé par un salarié, même avec des périodes d’alternance de périodes travaillées et non travaillées, ne peut faire l’objet de contrats à durée déterminée, s’il répond à un besoin permanent de l’entreprise. Les contrats ne répondant pas aux exigences précitées doivent être requalifiés en contrats de travail à durée indéterminée.

Exemple de CDD d’usage : l’emploi de chef monteur

La convention collective de la production audiovisuelle précise qu’il peut être fait appel à des salariés engagés par contrat de travail à durée déterminée et que, pour certains métiers, dont celui de chef-monteur, est reconnue la possibilité de recourir à des contrat de travail à durée déterminée en adaptant au cas particulier de ces contrats les règles prévues par le Code du travail, chaque contrat devant mentionner l’objet pour lequel il était conclu, soit de date à date, soit jusqu’à la réalisation de cet objet, la succession de contrats ayant des objets différents ne pouvant dépasser une durée globale de collaboration dans une même entreprise de 140 jours travaillés sur une période de 52 semaines consécutives et que, sous ces réserves, il n’est fait application pour ces contrats, ni d’un délai de prévenance, ni d’un délai de carence entre deux contrats à l’intérieur de ladite période, l’inobservation de ce qui précède entraînant la requalification en contrat de travail à durée indéterminée.

Dans cette affaire, un salarié chef monteur a obtenu la requalification de ses CDD d’usage en un CDI. Le salarié avait été embauché par la société NATIONALE DE TELEVISION FRANCE 3, devenue FRANCE TELEVISIONS, entre le 11 mai 1998 et le 1er mai 2007, en vertu de plus de 313 contrats de travail successifs à durée déterminée, toujours en qualité de ‘chef-monteur’. Tous les contrats produits ont été conclus pour un motif énoncé mais parmi ces contrats, un très grand nombre d’entre eux, pour l’ensemble de la période considéré, a été conclu au motif d’un ‘renfort intermittent’, d’autres, moins nombreux, pour ‘renfort sur émission’ ou ‘collaboration liée à l’émission….’, ces motifs de recours au contrat de travail à durée déterminée n’étaient pas prévus légalement (d’autres l’ont été pour remplacement, ‘en tout ou partie’ de personnes ‘en congé payé ou récup’ ou ‘congés perso.’). L’approximation de ces motifs a été dénoncée par les juges.

L’existence de raisons objectives ayant conduit à la succession de ces contrats n’est pas démontrée et l’activité du salarié, à savoir la participation, en tant que chef monteur, à la production de magazines d’information et de journaux télévisés, a répondu, manifestement, à un besoin structurel et pérenne de l’entreprise France TELEVISIONS.

Conséquence de la requalification du CDD d’usage

En vertu des dispositions de l’article L 1245-2 du Code du travail, lorsqu’il est fait droit à une demande de requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, la juridiction accorde au salarié une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.

En vertu des dispositions de l’article L3123- 14 du Code du travail, un contrat de travail à temps partiel doit être écrit, contenir la qualification, les éléments de rémunération, la durée du travail, sa répartition entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, les conditions de la modification de cette répartition, les modalités selon lesquelles les horaires de travail, pour chaque journée travaillée, son communiquées par écrit au salarié ainsi que les limites dans lesquelles peuvent être effectuées les heures complémentaires. Un tel contrat peut être à durée indéterminée ou déterminée mais à défaut d’écrit ou s’il ne comporte pas les mentions relatives à la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, il est présumé être un contrat de travail à temps complet, présomption simple que l’employeur peut combattre en apportant la preuve contraire , qu’il doit, dans ce cas, apporter la preuve de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue et, d’autre part, établir que le salarié peut prévoir son rythme de travail et qu’il n’a pas à se tenir constamment à sa disposition, cette double preuve devant être apportée même si le contrat permet au salarié de refuser des missions.

Cette présomption est renversée si l’employeur établit, d’une part, que le salarié à une durée de travail stable et, d’autre part, par exemple, qu’il a des horaires réguliers, jouit d’une autonomie totale dans l’organisation de son temps de travail ou que son planning de travail lui est communiqué suffisamment à l’avance pour qu’il puisse prévoir à quel rythme il doit travailler; que lorsque le contrat à temps partiel est requalifié en contrat à temps complet, l’employeur est tenu au paiement d’un rappel de salaire et de congés payés sur la base d’un temps complet même si le salarié avait d’autres activités professionnelles.

En l’espèce, aucun des contrats de travail du salarié n’a été conclu à temps partiel et aucun d’entre eux ne mentionnait la répartition de la durée du travail de référence ou du volume d’heures complémentaires. Ces contrats ont donc été requalifiés en un contrat de travail à durée indéterminée, ledit contrat est présumé être un contrat de travail à temps complet.

Mots clés : CDD d’usage – Audiovisuel

Thème : CDD d’usage – Audiovisuel

A propos de cette jurisprudence : juridiction :  Cour d’appel de Paris | Date. : 30 janvier 2014 | Pays : France

 


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