Cour d’appel de Paris, 29 janvier 2025, RG n° 21/08900
Cour d’appel de Paris, 29 janvier 2025, RG n° 21/08900

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Rupture de contrat et contestation des conditions de travail : enjeux de la rémunération et du respect des droits des salariés.

Résumé

Engagement et Rémunération de Mme [O]

La société Balenciaga a embauché Mme [O] en tant que commerciale e-commerce par un contrat à durée indéterminée à partir du 29 avril 2013. À partir du 11 février 2015, elle a été rémunérée au forfait. Les relations de travail étaient régies par la convention collective régionale de la couture parisienne, et la société comptait au moins onze salariés au moment de la rupture du contrat.

Licenciement de Mme [O]

Après un entretien préalable le 2 août 2019, Mme [O] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement, avec une notification de licenciement datée du 6 août 2019. À ce moment, elle avait une ancienneté de 6 ans et 3 mois.

Actions en Justice de Mme [O]

Le 23 décembre 2019, Mme [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris, demandant la reconnaissance de son salaire mensuel moyen, l’annulation de la convention de forfait, la requalification de son licenciement, et le paiement de diverses sommes, y compris des rappels de salaire et des dommages-intérêts.

Jugement du Conseil de Prud’hommes

Le 30 septembre 2021, le conseil de prud’hommes a fixé le salaire moyen de Mme [O] à 5 000 euros, déclaré nulle la convention de forfait, requalifié le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et condamné Balenciaga à verser plusieurs sommes à Mme [O], y compris des dommages-intérêts.

Appel de la Société Balenciaga

La société Balenciaga a interjeté appel du jugement le 21 octobre 2021, contestant les décisions rendues contre elle et demandant une révision des montants alloués à Mme [O].

Prétentions de Balenciaga en Appel

Dans ses conclusions, Balenciaga a demandé l’infirmation du jugement, la réduction des montants des dommages-intérêts, et la condamnation de Mme [O] à lui verser une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Prétentions de Mme [O] en Appel

Mme [O] a demandé la confirmation du jugement, la révision à la hausse de son salaire moyen, et le paiement de sommes supplémentaires pour les heures supplémentaires, le travail dissimulé, et d’autres préjudices.

Arguments de l’Employeur

Balenciaga a soutenu que la salariée n’avait jamais signalé de problèmes de travail et a contesté les heures supplémentaires, affirmant que les demandes de Mme [O] étaient infondées et que les preuves fournies étaient insuffisantes.

Arguments de la Salariée

Mme [O] a fait valoir que la convention de forfait était illégale et que ses conditions de travail avaient conduit à son inaptitude. Elle a également souligné le non-respect des temps de repos et la surcharge de travail.

Décisions de la Cour d’Appel

La cour a confirmé plusieurs décisions du conseil de prud’hommes, notamment la nullité de la convention de forfait et la requalification du licenciement. Elle a également révisé les montants dus à Mme [O] pour les heures supplémentaires, les congés payés, et d’autres indemnités.

Conclusion et Condamnations

La cour a condamné Balenciaga à verser des sommes significatives à Mme [O] pour divers préjudices, ainsi qu’à remettre des documents de fin de contrat conformes. Les intérêts sur les créances ont été fixés à compter de dates spécifiques, et Balenciaga a été condamnée aux dépens de l’instance d’appel.

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 3

ARRET DU 29 JANVIER 2025

(n° , 13 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/08900 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CERYI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Septembre 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 19/11403

APPELANTE – INTIMEE A TITRE INCIDENT

S.A.S. BALENCIAGA, prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 775 668 122

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Laurent LIGIER, avocat au barreau de LYON, toque : 1983

INTIMEE – APPELANTE INCIDENT

Madame [Z] [O]

Née le 01 Février 1989 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Christophe PACHALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : K148

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 10 Décembre 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Lisette SAUTRON, Présidente

Mme Véronique MARMORAT, Présidente

M. Christophe BACONNIER, Président

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Marie-Lisette SAUTRON dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Laetitia PRADIGNAC

ARRET :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Lisette SAUTRON, Présidente de chambre et par Laetitia PRADIGNAC, Greffière, présent lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS ET PROCEDURE

La société Balenciaga a engagé Mme [O] par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 29 avril 2013, laquelle exerçait au final les fonctions de commerciale e-commerce, chargée d’études.

Depuis le 11 février 2015, elle était rémunérée au forfait.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective régionale de la couture parisienne.

La société Balenciaga occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Après convocation le 24 juillet 2019 à un entretien préalable qui s’est tenue le 2 août 2019, Mme [O] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre notifiée le 6 août 2019.

A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, Mme [O] avait une ancienneté de 6 ans et 3 mois.

Le 23 décembre 2019, Mme [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris de demandes tendant, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, à :

– faire dire que son salaire mensuel moyen s’élevait à la somme de 5 164,18 euros bruts ;

– faire juger nulle ou privée d’effet la convention de forfait en jours ;

– faire juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– faire condamner l’employeur à lui payer les sommes suivantes :

. 47 403, 80 euros à titre de rappel de salaire correspondant aux heures travaillées au-delà de la durée légale de travail,

. 4 740, 03 euros à titre de congés payés afférents,

. 30 985, 08 euros au titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis du fait du non-respect des garanties relatives au forfait en jours,

. 30 985, 08 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

. 500 euros à titre de contrepartie pour le temps de trajet supplémentaire induit par les déplacements à l’étranger,

. 2 063,06 euros à titre d’indemnité légale complémentaire de licenciement,

.15 492,54 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

. 1 549,25 euros à titre de congés payés afférents,

. 36 149,26 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 1 467,74 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 25 juillet au 7 aout 2019,

. 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– faire ordonner sous astreinte la remise des bulletins de paie du certificat de travail et de l’attestation Pôle Emploi rectifiés ;

– faire dire que les sommes dues au titre de l’indemnité de licenciement, de l’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et des rappels de salaires porteront intérêts judiciaires au taux légal à compter de la demande ;

– faire dire que les sommes dues au titre des dommages et intérêts pour défaut de respect des garanties relatives au forfait-jours, de l’indemnité de travail dissimulé, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l’indemnité pour frais irrépétibles porteront intérêts judiciaires à compter du jugement à intervenir ;

– faire dire que les intérêts dûs sur plus d’une année se capitaliseront pour produire eux-mêmes des intérêts ;

– faire condamner l’employeur au paiement des frais et dépens.

Par jugement contradictoire rendu le 30 septembre 2021 et notifié le 14 octobre 2021, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud’hommes de Paris a :

– fixé le salaire moyen de Mme [O] [C] à la somme de 5 000 euros ;

– déclaré nulle la convention forfait-jours ;

– requalifié le licenciement pour inaptitude en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– condamné la société Balenciaga avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation à verser à Mme [O] [C] les sommes suivantes :

. 30 000 euros au titre des heures supplémentaires,

. 3 000 euros au titre des congés payés afférents,

. 2 000 euros à titre d’indemnité légale de licenciement complémentaire,

.15 000 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

. 1 500 euros à titre de congés payés afférents,

. 1 467,74 euros à titre de rappel de salaire (période 25 juillet au 7 aout 2019),

– condamné la société Balenciaga avec intérêts au taux légal à compter du jugement à verser à Mme [O] [C] les sommes suivantes :

. 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudices subis du fait du non-respect des garanties relatives au forfait-jours,

. 30 000 euros euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

. 25 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement abusif,

– condamné la société Balenciaga avec intérêts au taux légal à compter du jugement à verser à Mme [O] [C] la somme de 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamne la société Balenciaga à verser à Pole emploi un mois de salaire, en application des dispositions de l’article L 1235-4 du Code du travail ;

– ordonné la remise des documents sociaux conformes (bulletin de paie, certificat de travail, attestation pôle emploi rectifiée), sans astreinte ;

– ordonné l’exécution provisoire de droit ;

– ordonné le dépôt des sommes restantes à la caisse des dépôts et consignations jusqu’à la décision définitive ;

– débouté Mme [O] [C] du surplus de ses demandes ;

– débouté la société Balenciaga de ses demandes reconventionnelles et l’a condamnée au paiement des entiers dépens.

La société Balenciaga a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 21 octobre 2021 en ce qu’il l’a déboutée de l’intégralité de ses demandes et l’a condamnée à payer diverses sommes à Mme [O].

L’ordonnance de clôture a été rendue à la date du 1er octobre 2024.

L’affaire a été appelée à l’audience du 10 décembre 2024.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 7 juillet 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour l’exposé des moyens, la société Balenciaga demande à la cour :

A titre principal,

– d’infirmer le jugement sauf en ce qu’il a débouté la salariée du surplus de ses demandes,

– de débouter la salariée de ses demandes ;

– de fixer la moyenne de sa rémunération à la somme de 4 085 euros bruts ;

A titre subsidiaire,

-de limiter le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 3 mois de salaires bruts, soit 12 255 euros bruts,

-de limiter à 4 085 euros le montant des dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du non-respect des garanties légales et conventionnelles liées au forfait jours ;

En tout état de cause,

De condamner la salariée à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 30 aout 2024, auxquelles la cour se réfère expressément pour l’exposé des moyens, Mme [O] demande à la cour :

-de déclarer recevable mais mal fondé l’appel principal interjeté par la société Balenciaga ;

-de la débouter ;

-de déclarer recevable et fondé son appel incident ;

-de réformer le jugement en ce qu’il a fixé son salaire mensuel moyen à la somme de 5 000 euros bruts, en ce qu’il a sous-estimé le quantum des heures supplémentaires, de l’indemnité de travail dissimulé, des dommages et intérêts pour non-respect des garanties conventionnelles et légales liées au forfait jours, du complément de l’indemnité légale de licenciement, de l’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, de dommages et intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de contrepartie pour le trajet supplémentaire induit par les déplacements professionnels ;

-de fixer à 5 164,18 euros bruts le montant de son salaire mensuel moyen brut ;

-de condamner la société Balenciaga à lui payer, avec intérêts au taux légal, à capitaliser pour les créances salariales, les sommes suivantes :

. 47 403,80 euros à titre de rappel de salaire correspondant aux heures travaillées au-delà de la durée légale de travail età la contrepartie obligatoire en repos,

. 4 740,38 euros au titre des congés payés y afférents,

. 30 985,08 euros à titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis du fait du non-respect des garanties relatives au forfait en jours,

. 30 985,08 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

. 500 euros à titre de contrepartie pour le temps de trajet supplémentaire induit par les déplacements à l’étranger,

.2 063,06 euros à titre de complément d’indemnité légale de licenciement,

.15 492,54 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

.1 549,25 euros à titre de congés payés afférents ;

. 36 149,26 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile en cause d’appel,

-d’ordonner sous astreinte la remise des bulletins de paie, du certificat de travail et de l’attestation Pôle emploi rectifiés,

-de condamner la société employeur en tous les dépens, tant en première instance qu’en appel, avec application des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi

Confirme le jugement rendu le 30 septembre 2021 par le conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il :

– a déclaré nulle la convention de forfait,

– a requalifié le licenciement pour inaptitude en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– a condamné l’employeur à payer à la salariée la somme de 1 467,74 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 25 juillet au 7 août 2019, 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– a débouté l’employeur de sa demande reconventionnelle et l’a condamné aux dépens ;

Infirme le surplus du jugement ;

Statuant à nouveau, dans la limite des chefs d’infirmation,

Fixe à 5 053, 48 euros la moyenne mensuelle des salaires ;

Condamne la SA Balenciaga à payer à Mme [C] [O], avec intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2020 les sommes suivantes :

-27 824,62 euros au titre des heures supplémentaires,

-2 782,46 euros à titre de congés payés afférents,

-500 euros en indemnisation des temps de trajet,

-2 063,06 euros à titre d’indemnité légale de licenciement complémentaire,

-14 293,05 euros d’indemnité compensatrice de préavis,

-1 429,30 euros à titre de congés payés afférents,

Condamne la SA Balenciaga à payer à Mme [C] [O], avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 30 septembre 2021, les sommes suivantes :

-8 000 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait du non-respect des garanties relatives au forfait jours,

-15 785 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos incluant les congés payés,

-30 320,88 euros d’indemnité forfaitaire de travail dissimulé,

-30 000 euros de dommages-intérêts en réparation des préjudices nés du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dit que les intérêts échus sur les créances d’heures supplémentaires et congés payés afférents, d’indemnisation des temps de trajet, d’indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, dus au moins pour une année entière, produiront intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;

Rappelle que ces condamnations sont prononcées sous réserve de déduire le cas échéant les cotisations sociales éventuellement applicables ;

Condamne la SA Balenciaga à payer à Mme [C] [O] la somme de 5 000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles d’appel ;

Condamne sans astreinte la SA Balenciaga à remettre à Mme [C] [O] un bulletin de salaire, une attestation France travail et un certificat de travail conformes au présent arrêt ;

Condamne la SA Balenciaga aux dépens de l’instance d’appel.

Le greffier La présidente

 


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