Cour d’appel de Paris, 29 janvier 2025, RG n° 21/08892
Cour d’appel de Paris, 29 janvier 2025, RG n° 21/08892

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Licenciement contesté pour insuffisance professionnelle : évaluation des motifs et des indemnités.

Résumé

Engagement et évolution de la relation de travail

Madame [O] [R] a été engagée par la société Euroteknika en tant que conseillère commerciale à temps plein à partir du 16 février 2014, avec une rémunération initiale de 2 600 euros par mois. Son statut a été revalorisé en 2017, augmentant son salaire à 3 000 euros. Au moment de son licenciement, sa rémunération brute mensuelle était contestée, la société affirmant qu’elle était de 4 233,67 euros, tandis que Mme [R] soutenait qu’elle s’élevait à 4 559,69 euros.

Licenciement et contestation

Le 24 janvier 2019, Mme [R] a été licenciée pour insuffisance professionnelle, ce qu’elle a contesté par l’intermédiaire de son avocat le 6 février 2019. Elle a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 11 octobre 2019 pour contester son licenciement et réclamer des rappels d’indemnités et de salaires.

Jugement du conseil de prud’hommes

Le 27 septembre 2021, le conseil de prud’hommes a débouté Mme [R] de toutes ses demandes et a également débouté la société Euroteknika de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, condamnant Mme [R] aux dépens. Mme [R] a interjeté appel de ce jugement le 21 octobre 2021.

Prétentions des parties en appel

Dans ses conclusions, Mme [R] a demandé à la Cour d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes, arguant que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse et réclamant diverses indemnités. La société Euroteknika, quant à elle, a demandé la confirmation du jugement initial et a proposé des compensations en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Arguments sur l’insuffisance professionnelle

Mme [R] a soutenu qu’elle avait atteint plus de 90 % de ses objectifs, tandis que la société a affirmé qu’elle n’avait pas atteint ses objectifs de vente et avait des résultats inférieurs à ceux de ses collègues. La société a également mis en avant des erreurs dans les devis et une insuffisance de prospection de la part de Mme [R].

Décision de la Cour

La Cour a jugé que le licenciement de Mme [R] était sans cause réelle et sérieuse, en se basant sur des éléments de performance qui ne justifiaient pas les reproches formulés par la société. Elle a également retenu que les erreurs signalées étaient isolées et ne constituaient pas un motif valable de licenciement.

Indemnités et remboursements

La Cour a fixé le salaire de référence de Mme [R] à 4 559 euros et a condamné la société Euroteknika à lui verser plusieurs indemnités, y compris 25 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que des montants pour des primes non versées. La société a également été condamnée à rembourser les allocations de chômage versées à Mme [R] dans la limite de six mois.

Conclusion de la procédure

La Cour a ordonné à la société de remettre à Mme [R] un bulletin de salaire conforme à la décision et a condamné Euroteknika aux dépens de la procédure. Les demandes supplémentaires de Mme [R] ont été déboutées, tout comme celles de la société.

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 3

ARRET DU 29 JANVIER 2025

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/08892 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CERVH

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Septembre 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F19/09088

APPELANTE

Madame [O] [R]

Née le 2 janvier 1983 à [Localité 8]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Sophie TIDIER, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 483

INTIMEE

SA EUROTEKNIKA, prise en la personne de son représentant légal

N° RCS : 389 251 745

[Adresse 6]

[Localité 7]

Représentée par Me Sarra JOUGLA, avocat au barreau de PARIS, toque : C0431, avocat postulant et par Me Olivier AUDRAS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0009, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Novembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Didier MALINOSKY, magistrat honoraire exerçant des fonctions judiciaires, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Christophe BACONNIER, président

Marie Lisette SAUTRON, présidente

Didier MALINOSKY, magistrat honoraire exerçant des fonctions judiciaires

Greffier, lors des débats : Madame Laetitia PRADIGNAC

ARRET :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Christophe BACONNIER, Président et par Laetitia PRADIGNAC, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [O] [R] a été engagée par contrat à durée indéterminée à temps plein, à compter du 16 février 2014 par la société (SAS) Euroteknika (ci-après, la société), en qualité de conseillère commerciale, statut cadre, niveau 1, coefficient 80 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie. Sa rémunération mensuelle est fixée à 2 600 euros sur douze mois outre une part variable en fonction de son atteinte d’objectifs annuels selon une annexe au contrat de travail.

Par avenant du 16 août 2017, sa qualification est réévaluée en position II, coefficient 100 pour une rémunération fixe mensuelle de 3 000 euros.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, la rémunération mensuelle brute de Mme [R] s’élevait à 4 559,69 euros(12 derniers mois) selon elle, à 4 233,67 euros selon la société. L’entreprise compte plus de onze salariés.

Le 7 janvier 2019, Mme [R] est convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 17 janvier 2019.

Le 24 janvier 2019, Mme [R] est licenciée pour insuffisance professionnelle.

Par lettre du 6 février 2019, le conseil de Mme [R] conteste le motif d’insuffisance professionnelle et son licenciement.

Le 11 octobre 2019, Mme [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris en contestation de son licenciement, en rappels d’indemnité de préavis, de salaire pour la période du 1er août 2017 au 27 janvier 2019, de commissions et autres indemnités ou éléments de salaire.

Par un jugement du 27 septembre 2021, le conseil de prud’hommes de Paris a :

– Débouté Mme [R] de l’ensemble de ses demandes,

– Débouté la SAS Euroteknika de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamné Mme [R] aux dépens.

Le 21 octobre 2021. Mme [R] a interjeté appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions récapitulatives déposées par messagerie électronique le 13 janvier 2022 auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, Mme [R] demande à la Cour de :

– Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris le 27 septembre 2021 en ce qu’il a considéré que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, l’a déboutée de ses demandes et condamnée aux dépens,

– Infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté ses demandes au titre des primes ‘[W] et [Y] [T]’ non payées au mois de janvier 2019,

– Infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté ses demandes au titre des dommages et intérêts dus en réparation du préjudice subi sur fait du non versement des primes,

– Infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté ses demandes au titre de sa prime sur objectif correspondant à 1,5 % du chiffre d’affaires réalisés au mois de janvier 2019,

– Infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté ses demandes de remise des bulletins de salaire modifiés, ainsi que l’attestation Pôle emploi modifiée sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir,

– Infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté ses demandes de production d’un justificatif de son chiffre d’affaires réalisé au mois de janvier 2019 sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir,

– Infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté ses demandes fondées sur les articles 699 et 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau :

– Juger que le licenciement de Mme [R] est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,

– Condamner la société Euroteknika à lui verser les sommes suivantes avec intérêt au taux légal à compter du 14 octobre 2019 (saisine du conseil) :

‘ 27 358 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– Condamner la société Euroteknika à lui verser la somme de 2 140 euros outre 214 euros des congés afférents au titre des primes ‘[W] et [Y] [T]’ non payées au mois de janvier 2019,

– Condamner la société Euroteknika à lui verser la somme de 4 559 euros en réparation du préjudice subi sur fait du non versement des primes,

– Condamner la société Euroteknika à lui verser sa prime sur objectif correspondant à 1,5 % du chiffre d’affaires réalisés au mois de janvier 2019,

– Ordonner la remise des bulletins de salaire modifiés, ainsi que l’attestation Pôle Emploi modifiée sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir,

– Ordonner à la société Euroteknika de produire un justificatif du chiffre d’affaires réalisé par Mme [R] au mois de janvier 2019 sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir,

– Condamner la société Euroteknika à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,

– Condamner la société Euroteknika à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,

– Condamner la société Euroteknika aux dépens de première instance et d’appel.

Par conclusions récapitulatives déposées par messagerie électronique le 12 avril 2022 auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société Euroteknika demande à la Cour de :

A titre principal

– Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

– Débouter Mme [R] de l’ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire

Sur les demandes au titre du licenciement

– Constatant que Mme [R] ne communique aucun élément de nature à établir son préjudice, limiter le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 3 mois de salaire, soit 12 699 euros ;

Sur les demandes de rappel de commission

– Ordonner la compensation entre la somme demandée par Mme [R], et la somme de 1 233 euros qu’elle doit restituer ;

En toute hypothèse

– Condamner Mme [R] à verser à la société la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– La condamner aux dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 24 septembre 2024 et l’audience de plaidoiries a été fixée au 27 novembre 2024.

La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement du 27 septembre 2021 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que le licenciement de Mme [O] [R] est sans cause réelle et sérieuse ;

Fixe le salaire de référence de Mme [O] [R] à la somme de 4 559 euros ;

Condamne la société Euroteknika à payer à Mme [O] [R] les sommes suivantes :

– 2 140 euros au titre de la rémunération variable pour les contrats ‘[W]’ et ‘[Y] [T]’ ;

– 214 euros au titre des congés payés afférents ;

Avec intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2019.

– 1 300 euros à titre de dommages intérêts pour le non paiement de la rémunération variable du mois de janvier 2019 ;

– 25 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Avec intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2025.

– 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile toutes causes confondues.

Ordonne à la société Euroteknika de remettre à Mme [O] [R] un bulletin de salaire récapitulatif conforme à la présente décision dans un délai d’un mois à compter de sa notification, sans qu’il soit nécessaire de fixer une astreinte, étant rappelé que le présent arrêt est exécutoire de droit ;

Condamne la société Euroteknika au remboursement des allocations du Pôle Emploi, devenu France Travail, éventuellement versées à Mme [O] [R] dans la limite de six mois d’indemnité ;

Déboute Mme [O] [R] du surplus de ses demandes ;

Déboute la société Euroteknika de l’ensemble de ses demandes ;

Condamne la société Euroteknika aux dépens toutes causes confondues.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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