Cour d’appel de Paris, 28 mars 2024
Cour d’appel de Paris, 28 mars 2024

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Partenariat avec une Start up : stipulez une clause de qualité de services

Résumé

Dans le cadre du partenariat entre la société Oui Reward et la Société d’Indemnisations Régionales du Crédit Agricole (Sirca), un Service Level Agreement (SLA) devait garantir la qualité des services. Cependant, des manquements ont été signalés, notamment l’indisponibilité récurrente de la plateforme de Oui Reward et le refus de prise en charge de certains dossiers. Malgré les mises en demeure, Sirca a résilié le contrat, invoquant des manquements graves. Toutefois, la cour a jugé que Sirca n’avait pas prouvé la gravité des manquements, concluant que la résiliation était aux torts de Sirca.

Dans le cadre d’un contrat de partenariat avec une Start Up, la disponibilité de la plateforme doit être encadrée contractuellement par un Service Level Agreement.

L’affaire Oui Reward

La société Oui Reward, start-up créée en 2017, exploite un site internet proposant aux victimes de retard ou d’annulation d’un vol aérien un service de recouvrement de l’indemnité si leur vol est éligible au règlement européen 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004.

La Société d’Indemnisations Régionales du Crédit Agricole (ci-après « Sirca ») a notamment pour mission, au sein du pôle Crédit Agricole Assurances auquel elle appartient, de gérer les sinistres des « contrats d’assurance protection juridique » distribués par la société Pacifica, société d’assurance dommage du groupe Crédit Agricole, dont elle est une filiale.

Ces contrats d’assurance s’appliquent dans les cas où un assuré, après avoir subi un retard ou une annulation de vol, confie à la société Pacifica la conduite d’actions en vue de l’obtention de l’indemnité forfaitaire prévue par le règlement européen.

La société Sirca a confié le traitement de ces litiges à la société Oui Reward, aux termes d’un contrat de partenariat signé le 19 décembre 2018, avec pour échéance le 31 décembre 2020.

Le 10 mars 2020, la société Sirca a adressé à la société Oui Reward une mise en demeure d’avoir à remédier à différentes carences dans l’exécution de ses obligations contractuelles sous 30 jours.

Par courrier du 21 avril 2020, elle notifiait à la société Oui Reward la rupture du contrat à ses torts exclusifs.

Résolution du contrat

Selon l’article 1224 du code civil, la résolution du contrat résulte soit de l’application d’une clause résolutoire, soit, en cas d’une inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.

En l’espèce, après avoir adressée le 10 mars 2020 à la société Oui Reward une sommation lui impartissant de se conformer à ses obligations contractuelles dans un délai de 30 jours, la société Sirca a résilié le contrat liant les parties par lettre du 21 avril 2020, en se fondant sur l’article 8.1 d) du contrat, qui stipulait :

« d) Résiliation pour manquement

En cas d’inexécution de ses obligations par l’une des parties, qui n’aurait pas été corrigée dans un délai de trente (30) jours à compter de la date de réception d’une lettre recommandée avec avis de réception l’avisant de l’existence et de la nature du manquement constaté, la Partie non fautive disposera de la faculté de résilier le Contrat par l’envoi d’une seconde lettre recommandée avec avis de réception confirmant la résiliation et au plus tard à l’expiration d’un délai de trente jours. »

Il appartient à celui qui se prévaut d’une rupture prématurée du contrat, de démontrer la gravité des manquements reprochés au cocontractant.

Le contrat stipule dans son préambule que la société Oui Reward « propose aux particuliers ayant leurs vols annulés ou retardés, d’intervenir, pour leur compte, auprès de la compagnie aérienne concernée afin d’obtenir le versement d’une indemnité forfaitaire sur le fondement du règlement européen numéro 261/2004 du parlement européen et du conseil du 11/02/2004. »

Il est constant que la société Oui Reward n’avait vocation à intervenir que pour les vols éligibles au règlement européen numéro 261/2004.

Aux termes du contrat, après avoir vérifié l’éligibilité du vol annulé ou retardé au règlement européen et obtenu un mandat du client, la société Oui Reward « tente de récupérer les fonds auxquels le client a droit « . Plus précisément, il est stipulé dans l’annexe 1 du contrat que : « Ouireward tentera de récupérer l’indemnisation via une phase amiable sous délai de 3 mois. En cas d’échec de cette phase, les avocats de Ouireward mettront en demeure la compagnie aérienne d’indemniser nos clients sous un nouveau délai d’un mois. A défaut de réponse, une phase judiciaire sera engagée devant les juridictions compétentes avec les avocats partenaires de Ouireward ».

Dans son courrier de mise en demeure du 10 mars 2020, la société Sirca formule à l’encontre de la société Oui Reward les griefs suivants :

– Le refus de prise en charge de dossiers soumis au règlement européen lorsque la juridiction compétente n’est pas nationale ;

– L’absence d’informations données par la société Oui Reward sur la stratégie mise en place après la réforme de la procédure civile obligeant avant tout procès pour les litiges inférieurs à 5 000 euros de recourir à une procédure de conciliation, médiation ou procédure participative ;

– Des défauts de mise à jour et imprécisions de l’interface utilisée par la société Oui Reward, obligeant à des rectifications ;

– D’un dysfonctionnement dans le processus de facturation ;

– D’un problème récurrent de disponibilité des services de la société Oui Reward.

Des manquements non établis

Dans son courrier de résiliation du 21 avril 2020, la société Sirca détaille les manquements suivants :

– « Indisponibilité de la plateforme de la société Oui Reward à de nombreuses reprises :

« En contradiction avec les termes du contrat, lequel précise que  » dans le cas où Ouireward serait injoignable par téléphone pour une durée prolongée, Ouireward dispose des capacités de changer, dans les plus brefs délais, son prestataire de téléphonie afin de rétablir le contact au plus tôt ».

* A ce titre, voir également les courriels de Ouireward datés du 6 mars et du 9 mars 2020, par exemple, qui indiquent une indisponibilité d’une semaine, en raison de l’absence d’une salariée (annexe 4 et 5) sans proposer de continuité d’activité.

* Indisponibilité de Ouireward confirmée par mail depuis le 16 mars 2020 (annexe 6) avec une nouvelle fois aucune solution de continuité d’activité.

– Non-respect des obligations contractuelles (voir mise en demeure Sirca) :

* Refus de prise en charge des dossiers pour lesquels le règlement européen s’applique pourtant,

* Absence de stratégie quant à la mise en place de conciliation ou de médiation depuis la réforme de la justice du 1er janvier 2020, et le report d’audiences sans visibilité pour les clients Sirca ;

* Défaut de mise à jour des données via l’interface Ouireward et de nombreuses imprécisions ;

* Indisponibilité de Ouireward : déménagement des locaux sans information préalable, fermeture de la société pendant les congés de noël, ligne téléphonique dysfonctionnelle. »

S’agissant de l’indisponibilité de la société Oui Reward, la société Sirca verse aux débats un mail adressé par son responsable technique le vendredi 6 mars 2020 à 10h40, informant la société Oui Reward de l’inaccessibilité de sa plateforme téléphonique depuis une semaine, auquel la société Oui Reward répond le 9 mars 2020 à 10h36 que la ligne est indisponible en raison de l’absence de son opératrice, dont l’enfant est hospitalisé. Par courriel du 16 mars, la société Sirca reproche à la société Oui Reward d’avoir été indisponible le jour même « à plusieurs moments de la journée », sans pouvoir laisser de messages vocaux.

Cependant, il n’est pas démontré que la société Oui Reward aurait été, de façon récurrente, « indisponible », alors qu’au vu des pièces versées aux débats, le dysfonctionnement de la plateforme téléphonique de la société Oui Reward a été circonscrit dans le temps et il n’est pas établi que, durant cette période, la société Oui Reward n’ait pas été joignable par messagerie électronique.

S’agissant du refus de prise en charge des dossiers pour lesquels une juridiction étrangère est compétente, la société Sirca cite quatre sinistres (C5249539907/SJ5/CMR, C4918502908/SJ2/BCE, 4883964908/SJ1/OAL et C5126277908/SJ3/ARL), mais elle ne rapporte par aucune pièce la preuve de la carence de la société Oui Reward dans le traitement de ces procédures.

S’agissant du reproche lié à l’absence de « stratégie » de la société Oui Reward quant à la mise en place de conciliation ou de médiation par le décret n°2019-933 du 11 décembre 2019 (applicable au 1er janvier 2020), la société Sirca ne démontre pas davantage que la société Oui Reward n’ait pas respecté le « process de gestion des dossiers » tel que prévu au contrat de partenariat, ni qu’elle ne se soit pas conformée aux évolutions procédurales concernant le traitement des litiges en cours.

S’agissant du reproche lié à l’absence de mises à jour des dossiers sur l’interface informatique de la société Oui Reward, la société Sirca affirme que, malgré ses relances multiples, elle n’a disposé d’aucune information concernant :

– la suite donnée aux mises en demeure adressées entre février et décembre 2019 pour 91 dossiers,

– la suite donnée aux mises en demeure adressées entre janvier et juin 2020 pour 58 dossiers,

– l’évolution du dossier suite à la saisine du tribunal entre mai et août 2019 pour 44 dossiers.

A l’appui de ses allégations, la société Sirca verse aux débats un courriel de relance du 24 avril 2020 concernant le dossier d’un assuré (M. [S]) et onze captures d’écran faites le 24 avril 2020 pour l’une et le 16 septembre 2020 pour les autres, où elle détecte des incohérences entre les mentions renseignées par la société Oui Reward, et celles des reporting. Toutefois, ces seuls documents, produits postérieurement à la résiliation du contrat, n’établissent pas que l’interface proposée par la société Oui Reward ait présenté de « nombreuses imprécisions » ainsi qu’elle le prétend, alors que les pièces produites ne concernent qu’une dizaine de dossiers sur les 737 confiés à la société Oui Reward depuis le 8 janvier 2019.

S’agissant de l’allégation selon laquelle ses assurés présentaient un mécontentement croissant suite à l’opacité de la société Oui Reward dans le traitement des dossiers, la société Sirca verse aux débats trois messages électroniques :

– Un message du 23 juillet 2020 dans lequel elle indique à la société Oui Reward qu’un assuré, M. [M] souhaite que la société Pacifica « reprenne en main » le dossier,

– Un message du 1er avril 2020 de M. et Mme [U] indiquant que le dossier n’avait pas été géré correctement par la société Oui Reward, et qu’il en résulte une perte de chance d’être indemnisés,

– Un message du 6 avril 2020 de M. [W] qui demande à vérifier si la société Oui Reward est bien l’auteur du message l’informant de l’obtention d’une indemnisation (dans lequel il est écrit que l’équipe de Oui Reward qui « ne rime pas avec régime » accepte « les boîtes de chocolat »).

La société Sirca verse également aux débats une pièce informatique de comptes rendus téléphonique dans lesquels dix clients, identifiés par des numéros de dossiers (dossiers n°5054716908, n° 4980582908, n° 4269088908, n° 5383679907, n°5290127907, n° 4268753908, n° 4923452908, n° 4913473908, n° 0929107904, n° 5258263907), l’interrogent sur l’indemnisation à laquelle ils peuvent prétendre, ou sur l’état d’avancement de leur dossier, parfois pour déplorer la lenteur de la procédure. Toutefois, outre le fait que les nombreuses abréviations rendent difficile l’exploitation du document, en l’absence d’éléments plus précis sur le contenu des dossiers, ces correspondances, dont l’objet est avant tout d’obtenir des informations sur l’avancement des dossiers, ne démontrent pas que d’éventuels retard soient imputables à la société Oui Reward.

Enfin, la société Sirca reproche à la société Oui Reward une différence d’interprétation concernant la facturation. Toutefois, une divergence de vue entre les parties sur l’application des conditions financières du contrat sujette à interprétation ne peut en justifier la résiliation.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, la société Sirca ne démontre pas que la société Oui Reward ait gravement manqué à ses obligations contractuelles. En conséquence, le jugement doit être réformé et il convient de dire que la résiliation du contrat de partenariat, formalisée le 21 avril 2020, est intervenue aux torts de la société Sirca.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRET DU 28 MARS 2024

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 21/04963 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDJMK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Février 2021 – Tribunal de Commerce de Paris,4ème chambre – RG n° 2020046501

APPELANTE

S.A.S. OUI REWARD agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de Strasbourg sous le numéro 830 787 420

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Anne Grappotte-Benetreau de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de Paris, toque : K0111

assistée de Me Sylvie Gabry, avocat au barreau de Strasbourg

INTIMEE

S.N.C. SOCIÉTÉ D’INDEMNISATION REGIONALE DU CREDIT AGRICO LE DITE « SIRCA » prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 388 156 499

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée et assistée de Me Didier Nakache, avocat au barreau de Paris, toque : D1087

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 21 Décembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Nathalie Renard, présidente de la chambre 5.5

Madame Marilyn Ranoux-Julien, conseillère

Madame Marie-Annick Prigent, magistrate à titre honoraire excerçant des fonctions juridictionnelles

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame [Z] [E] dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Monsieur Maxime Martinez

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Nathalie Renard, présidente de la chambre 5.5, et par Monsieur Maxime Martinez, greffier, auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La société Oui Reward, start-up créée en 2017, exploite un site internet proposant aux victimes de retard ou d’annulation d’un vol aérien un service de recouvrement de l’indemnité si leur vol est éligible au règlement européen 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004.

La Société d’Indemnisations Régionales du Crédit Agricole (ci-après « Sirca ») a notamment pour mission, au sein du pôle Crédit Agricole Assurances auquel elle appartient, de gérer les sinistres des « contrats d’assurance protection juridique » distribués par la société Pacifica, société d’assurance dommage du groupe Crédit Agricole, dont elle est une filiale.

Ces contrats d’assurance s’appliquent dans les cas où un assuré, après avoir subi un retard ou une annulation de vol, confie à la société Pacifica la conduite d’actions en vue de l’obtention de l’indemnité forfaitaire prévue par le règlement européen.

La société Sirca a confié le traitement de ces litiges à la société Oui Reward, aux termes d’un contrat de partenariat signé le 19 décembre 2018, avec pour échéance le 31 décembre 2020.

Le 10 mars 2020, la société Sirca a adressé à la société Oui Reward une mise en demeure d’avoir à remédier à différentes carences dans l’exécution de ses obligations contractuelles sous 30 jours.

Par courrier du 21 avril 2020, elle notifiait à la société Oui Reward la rupture du contrat à ses torts exclusifs.

Le 31 juillet 2020, la société Sirca enjoignait la société Oui Reward de lui restituer l’ensemble des dossiers en cours restés en sa possession.

Par acte d’huissier en date du 26 octobre 2020, signifié en application des dispositions des articles 655 et 658 du code de procédure civile, la société Sirca assignait la société Oui Reward en vue de voir constater la résiliation aux torts de la société Oui Reward, d’ordonner la restitution des dossiers et d’être indemnisée.

Par jugement du 4 février 2021, le tribunal de commerce de Paris a :

– Constaté la résiliation du contrat liant les parties à la date du 11 juillet 2020, aux torts exclusifs de la société Oui Reward ;

* Ordonné à la société Oui Reward de restituer sous forme dématérialisée par l’envoi d’un email pour chaque dossier à [Courriel 5], sous astreinte de 500 euros par jour de retard commençant à courir après un délai de 8 jours

* L’intégralité des dossiers listés en pièce n°4 comprenant :

° La complétude du tableau Excel joint à la lettre du 31 juillet 2020 (également adressé par mail), précisant les références de dossier Pacifica ;

° Un état des actions menées dans chaque dossier ;

° La copie de l’ensemble des actes de procédure réalisés par la société Oui reward et ses avocats, y compris la phase légale obligatoire de MARD, ainsi que les documents transmis par les clients. Pour les dossiers catégorisés comme « gagnés », tous les actes de procédure dont le(s) justificatif(s) que la compagnie aérienne s’est engagée à régler, ainsi que les relances réalisées par la société Oui Reward ;

° Les coordonnées téléphoniques et postales des avocats intervenus dans chaque dossier.

* La suppression des données RGPD des assurés Sirca listés en pièce n°4.

– Condamné la société d’Indemnisations Régionales du Crédit Agricole dite « Sirca » à payer à la société Oui Reward la somme 2 700 euros ;

– Débouté la société d’Indemnisations Régionales du Crédit Agricole dite « Sirca » de sa demande de dommages et intérêts ;

– Ordonné l’exécution provisoire de la présente décision ;

– Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif ;

– Dit qu’il n’y a lieu à l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamné la société Oui Reward aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 euros dont 12,20 euros de TVA.

Par déclaration du 16 mars 2021, la société Oui Reward a interjeté appel du jugement en ce qu’il a :

– Constaté la résiliation du contrat liant les parties à la date du 11 juillet 2020, aux torts exclusifs de la société Oui Reward ;

– Ordonné à la société Oui Reward de restituer sous forme dématérialisée par l’envoi d’un email pour chaque dossier à [Courriel 5], sous astreinte de 500 euros par jour de retard commençant à courir après un délai de 8 jours:

* l’intégralité des dossiers listés en pièce n°4 comprenant :

° la complétude du tableau Excel joint à la lettre du 31 juillet 2020 (également adressé par mail), précisant les références de dossier Pacifica,

° un état des actions menées dans chaque dossier,

° la copie de l’ensemble des actes de procédure réalisés par la société Oui Reward et ses avocats, y compris la phase légale obligatoire de MARD, ainsi que les documents transmis par les clients. Pour les dossiers catégorisés comme « gagnés », tous les actes de procédure dont le(s) justificatif(s) que la compagnie aérienne s’est engagée à régler, ainsi que les relances réalisées par la société Oui Reward,

° les coordonnées téléphoniques et postales des avocats intervenus dans chaque dossier.

* la suppression des données RGPD des assurés Sirca listés en pièce n°4.

– Ordonné l’exécution provisoire de la présente décision ;

– Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraire au présent dispositif ;

– Dit qu’il n’y a lieu à article 700 du code de procédure civile ;

– Condamné la société Oui Reward aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 euros dont 12,20 euros de TVA.

Ainsi le tribunal n’a pas fait droit aux demandes de la société Oui Reward tendant à :

– sur la demande principale :

* déclarer la demande de la société Sirca irrecevable, en tout cas mal fondée en toutes ses fins et prétentions,

* l’en débouter.

– sur la demande reconventionnelle :

* donner acte à la société Oui Reward de ce qu’elle est disposée à se prêter à une conciliation et à une médiation sur l’indemnisation du travail accompli, la rupture anticipée du contrat et les modalités de facturation des dossiers dans lesquels une indemnité n’a pas pu être recouvrée en raison de l’invocation de circonstances exonératoire prévues par le règlement 261/2004.

– à titre subsidiaire :

* condamner la société Sirca à payer à la société Oui Reward la somme de 19 080 euros en paiement de 106 factures majorées des intérêts de droit à compter du jugement à intervenir,

* réserver à la société Oui Reward tous ses droits à demander réparation des conséquences préjudiciables de la rupture anticipée du contrat.

– en tout état de cause :

* condamner la société Sirca aux entiers frais et dépens ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions notifiées le 4 novembre 2021, la société Oui Reward demande de :

– Déclarer l’appel de la société Oui Reward recevable et bien fondé,

En conséquence :

– Infirmer le jugement du 4 février 2021

Statuant à nouveau :

– Dire et juger que la résiliation anticipée du contrat opérée par la société Sirca est irrégulière et engage sa responsabilité ;

– Condamner la société Sirca au paiement d’une somme de 65 500 euros en réparation du préjudice causé à la société Oui Reward ;

– Condamner la société Sirca à payer à la société Oui Reward la somme de 19 080 euros en paiement des 106 factures, majorée des intérêts de droit à compter de l’arrêt à intervenir ;

– Condamner la société Sirca aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de la société Grappotte Benetreau, ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 6 500,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Confirmer le jugement pour le surplus.

Sur l’appel incident :

– Déclarer la société Sirca mal fondée en toutes ses fins et prétentions ;

– L’en débouter ;

– La condamner aux entiers frais.

Par ses dernières conclusions notifiées le 6 août 2021, la société d’Indemnisation Régionale du Crédit Agricole dite « Sirca » demande, au visa de l’article 858 du code de procédure civile et de l’article 1231-1 du code civil, de :

– Confirmer le jugement déféré sauf en ce qui concerne la demande sous astreinte des pièces visées dans le jugement auquel la société Oui Reward a déféré sur ce point, ainsi que les demandes de dommages et intérêts faites par l’intimée que le tribunal de commerce de Paris n’a pas retenues, ainsi que l’allocation d’un article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau

– Débouter la société Oui Reward de l’ensemble de ses demandes comme étant mal fondées ;

– Juger bien fondées les demandes de la société Sirca ;

– Juger notamment la résiliation régulière ;

En conséquence,

– Condamner la société Oui Reward à payer à la société Sirca la somme sauf à parfaire de 169 500 euros à titre de dommages-intérêts ;

– Condamner la société Oui Reward à payer à la société Sirca la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 23 novembre 2023.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE LA COUR

Sur la restitution sous astreinte des dossiers détenus par la société Oui Reward

La société Sirca reconnaît que la société Oui Reward a exécuté ce chef de dispositif. La société Oui Reward, aux termes de ses dernières écritures, ne demande pas de statuer à nouveau sur cette restitution. Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur ce chef de dispositif.

Sur la demande en paiement de la société Oui Reward de ses factures

En application de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Selon les articles 6 et 9 du code de procédure civile, les parties ont la charge d’alléguer les faits propres à fonder leurs prétentions et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires à leur succès.

L’article L.110-3 du code de commerce consacre le principe de la liberté de la preuve des actes de commerce à l’égard des commerçants.

La société Oui Reward sollicite le paiement de 106 factures restant dues pour un montant de 19 080 euros. Il s’agit de factures émises à raison du traitement de réclamations éligibles au règlement européen 261/2004, mais pour lesquelles aucune indemnité n’avait pu être recouvrée, les dossiers ayant été clôturés suite à des circonstances exonératoires au sens dudit règlement.

La société Sirca s’y oppose au motif qu’il est contractuellement prévu à l’article 6.2 (modalités et date de règlement) que « la facture sera établie au jour du versement, par la société Oui Reward, des fonds disponibles à l’assuré » ce qui supposerait que la rémunération n’est due que si la créance a été recouvrée.

D’après elle, la société Oui Reward aurait reconnu dans son courriel du 28 mai 2019 que la facturation ne doit être émise que lorsque le client a été indemnisé.

Cependant, l’indication par la société Oui Reward dans un courriel que sa rémunération par dossier s’élève à « 150€ HT à sa résolution » ne peut être considérée comme étant une acceptation non équivoque d’une limitation de sa rémunération aux seuls dossiers ayant donné lieu à l’indemnisation du client, puisque la « résolution » peut s’entendre de la clôture du dossier pour une autre cause.

Le fait que des modalités d’envoi de la facture en cas d’indemnisation du client soient précisées au contrat (« Oui Reward indemnise le client dans les 48h du paiement effectif par la compagnie aérienne puis envoie en parallèle à l’UGS concerné la facture correspondante » « la facture sera établie au jour du versement, par la société Oui Reward, des fonds disponibles à l’assuré ») n’exclut pas que des facturations puissent également être émises en l’absence d’indemnisation.

L’article 6-1 du contrat de partenariat relatif au prix indique en effet « en contrepartie de la réalisation de la prestation, Oui Reward percevra de Sirca les sommes forfaitaires stipulées en annexe 2. » La description de la prestation est décrite à l’article 3 du contrat : « dans le cadre du contrat, Oui Reward interviendra, sur demande de Sirca, et pour le compte des assurés concernés auprès des compagnies aériennes afin d’obtenir le règlement des indemnités dues en cas de retard ou annulation de vol, notamment en vertu du règlement européen n°261/2004 du Parlement Européen et du Conseil du 11 février 2004. »

L’annexe 2 du contrat sur les conditions tarifaires applicable précise que « Oui Reward percevra de Pacifica une somme forfaitaire de cent-cinquante (150) euros hors taxes (soit 180€ cent quatre vingt euros TTC) par dossier lui ayant été confié par Pacifica, ceci dès lors que les conditions d’applications du règlement européen susvisé seront applicables ».

Il en résulte que la rémunération de 150 euros HT est due à la société Oui Reward dès la réunion de deux conditions cumulatives :

– le dossier est confié par la société Sirca,

– le dossier relève du règlement européen.

La société Sirca n’est donc pas légitime à exiger à titre de condition supplémentaire l’indemnisation effective du client, ce qui conduirait à priver de toute rémunération la société Oui Reward dans l’hypothèse où, bien qu’éligible au règlement européen, le dossier ne donnerait pas lieu à indemnisation en raison de circonstances exonératoires.

La société Oui Reward verse aux débats l’ensemble des factures sur lesquelles elle fonde ses prétentions. Ces factures mentionnent la référence du dossier ainsi que les noms du client et de la compagnie aérienne. Sa créance est ainsi justifiée à hauteur de la somme de 19 080 euros TTC.

Le jugement sera infirmé et la société Sirca sera condamnée à payer à la société Oui Reward la somme de 19 080 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Sur la résiliation du contrat de partenariat :

Selon l’article 1224 du code civil, la résolution du contrat résulte soit de l’application d’une clause résolutoire, soit, en cas d’une inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.

En l’espèce, après avoir adressée le 10 mars 2020 à la société Oui Reward une sommation lui impartissant de se conformer à ses obligations contractuelles dans un délai de 30 jours, la société Sirca a résilié le contrat liant les parties par lettre du 21 avril 2020, en se fondant sur l’article 8.1 d) du contrat, qui stipulait :

« d) Résiliation pour manquement

En cas d’inexécution de ses obligations par l’une des parties, qui n’aurait pas été corrigée dans un délai de trente (30) jours à compter de la date de réception d’une lettre recommandée avec avis de réception l’avisant de l’existence et de la nature du manquement constaté, la Partie non fautive disposera de la faculté de résilier le Contrat par l’envoi d’une seconde lettre recommandée avec avis de réception confirmant la résiliation et au plus tard à l’expiration d’un délai de trente jours. »

Il appartient à celui qui se prévaut d’une rupture prématurée du contrat, de démontrer la gravité des manquements reprochés au cocontractant.

Le contrat stipule dans son préambule que la société Oui Reward « propose aux particuliers ayant leurs vols annulés ou retardés, d’intervenir, pour leur compte, auprès de la compagnie aérienne concernée afin d’obtenir le versement d’une indemnité forfaitaire sur le fondement du règlement européen numéro 261/2004 du parlement européen et du conseil du 11/02/2004. »

Il est constant que la société Oui Reward n’avait vocation à intervenir que pour les vols éligibles au règlement européen numéro 261/2004.

Aux termes du contrat, après avoir vérifié l’éligibilité du vol annulé ou retardé au règlement européen et obtenu un mandat du client, la société Oui Reward « tente de récupérer les fonds auxquels le client a droit « . Plus précisément, il est stipulé dans l’annexe 1 du contrat que : « Ouireward tentera de récupérer l’indemnisation via une phase amiable sous délai de 3 mois. En cas d’échec de cette phase, les avocats de Ouireward mettront en demeure la compagnie aérienne d’indemniser nos clients sous un nouveau délai d’un mois. A défaut de réponse, une phase judiciaire sera engagée devant les juridictions compétentes avec les avocats partenaires de Ouireward ».

Dans son courrier de mise en demeure du 10 mars 2020, la société Sirca formule à l’encontre de la société Oui Reward les griefs suivants :

– Le refus de prise en charge de dossiers soumis au règlement européen lorsque la juridiction compétente n’est pas nationale ;

– L’absence d’informations données par la société Oui Reward sur la stratégie mise en place après la réforme de la procédure civile obligeant avant tout procès pour les litiges inférieurs à 5 000 euros de recourir à une procédure de conciliation, médiation ou procédure participative ;

– Des défauts de mise à jour et imprécisions de l’interface utilisée par la société Oui Reward, obligeant à des rectifications ;

– D’un dysfonctionnement dans le processus de facturation ;

– D’un problème récurrent de disponibilité des services de la société Oui Reward.

Dans son courrier de résiliation du 21 avril 2020, la société Sirca détaille les manquements suivants :

– « Indisponibilité de la plateforme de la société Oui Reward à de nombreuses reprises :

« En contradiction avec les termes du contrat, lequel précise que  » dans le cas où Ouireward serait injoignable par téléphone pour une durée prolongée, Ouireward dispose des capacités de changer, dans les plus brefs délais, son prestataire de téléphonie afin de rétablir le contact au plus tôt ».

* A ce titre, voir également les courriels de Ouireward datés du 6 mars et du 9 mars 2020, par exemple, qui indiquent une indisponibilité d’une semaine, en raison de l’absence d’une salariée (annexe 4 et 5) sans proposer de continuité d’activité.

* Indisponibilité de Ouireward confirmée par mail depuis le 16 mars 2020 (annexe 6) avec une nouvelle fois aucune solution de continuité d’activité.

– Non-respect des obligations contractuelles (voir mise en demeure Sirca) :

* Refus de prise en charge des dossiers pour lesquels le règlement européen s’applique pourtant,

* Absence de stratégie quant à la mise en place de conciliation ou de médiation depuis la réforme de la justice du 1er janvier 2020, et le report d’audiences sans visibilité pour les clients Sirca ;

* Défaut de mise à jour des données via l’interface Ouireward et de nombreuses imprécisions ;

* Indisponibilité de Ouireward : déménagement des locaux sans information préalable, fermeture de la société pendant les congés de noël, ligne téléphonique dysfonctionnelle. »

S’agissant de l’indisponibilité de la société Oui Reward, la société Sirca verse aux débats un mail adressé par son responsable technique le vendredi 6 mars 2020 à 10h40, informant la société Oui Reward de l’inaccessibilité de sa plateforme téléphonique depuis une semaine, auquel la société Oui Reward répond le 9 mars 2020 à 10h36 que la ligne est indisponible en raison de l’absence de son opératrice, dont l’enfant est hospitalisé. Par courriel du 16 mars, la société Sirca reproche à la société Oui Reward d’avoir été indisponible le jour même « à plusieurs moments de la journée », sans pouvoir laisser de messages vocaux.

Cependant, il n’est pas démontré que la société Oui Reward aurait été, de façon récurrente, « indisponible », alors qu’au vu des pièces versées aux débats, le dysfonctionnement de la plateforme téléphonique de la société Oui Reward a été circonscrit dans le temps et il n’est pas établi que, durant cette période, la société Oui Reward n’ait pas été joignable par messagerie électronique.

S’agissant du refus de prise en charge des dossiers pour lesquels une juridiction étrangère est compétente, la société Sirca cite quatre sinistres (C5249539907/SJ5/CMR, C4918502908/SJ2/BCE, 4883964908/SJ1/OAL et C5126277908/SJ3/ARL), mais elle ne rapporte par aucune pièce la preuve de la carence de la société Oui Reward dans le traitement de ces procédures.

S’agissant du reproche lié à l’absence de « stratégie » de la société Oui Reward quant à la mise en place de conciliation ou de médiation par le décret n°2019-933 du 11 décembre 2019 (applicable au 1er janvier 2020), la société Sirca ne démontre pas davantage que la société Oui Reward n’ait pas respecté le « process de gestion des dossiers » tel que prévu au contrat de partenariat, ni qu’elle ne se soit pas conformée aux évolutions procédurales concernant le traitement des litiges en cours.

S’agissant du reproche lié à l’absence de mises à jour des dossiers sur l’interface informatique de la société Oui Reward, la société Sirca affirme que, malgré ses relances multiples, elle n’a disposé d’aucune information concernant :

– la suite donnée aux mises en demeure adressées entre février et décembre 2019 pour 91 dossiers,

– la suite donnée aux mises en demeure adressées entre janvier et juin 2020 pour 58 dossiers,

– l’évolution du dossier suite à la saisine du tribunal entre mai et août 2019 pour 44 dossiers.

A l’appui de ses allégations, la société Sirca verse aux débats un courriel de relance du 24 avril 2020 concernant le dossier d’un assuré (M. [S]) et onze captures d’écran faites le 24 avril 2020 pour l’une et le 16 septembre 2020 pour les autres, où elle détecte des incohérences entre les mentions renseignées par la société Oui Reward, et celles des reporting. Toutefois, ces seuls documents, produits postérieurement à la résiliation du contrat, n’établissent pas que l’interface proposée par la société Oui Reward ait présenté de « nombreuses imprécisions » ainsi qu’elle le prétend, alors que les pièces produites ne concernent qu’une dizaine de dossiers sur les 737 confiés à la société Oui Reward depuis le 8 janvier 2019.

S’agissant de l’allégation selon laquelle ses assurés présentaient un mécontentement croissant suite à l’opacité de la société Oui Reward dans le traitement des dossiers, la société Sirca verse aux débats trois messages électroniques :

– Un message du 23 juillet 2020 dans lequel elle indique à la société Oui Reward qu’un assuré, M. [M] souhaite que la société Pacifica « reprenne en main » le dossier,

– Un message du 1er avril 2020 de M. et Mme [U] indiquant que le dossier n’avait pas été géré correctement par la société Oui Reward, et qu’il en résulte une perte de chance d’être indemnisés,

– Un message du 6 avril 2020 de M. [W] qui demande à vérifier si la société Oui Reward est bien l’auteur du message l’informant de l’obtention d’une indemnisation (dans lequel il est écrit que l’équipe de Oui Reward qui « ne rime pas avec régime » accepte « les boîtes de chocolat »).

La société Sirca verse également aux débats une pièce informatique de comptes rendus téléphonique dans lesquels dix clients, identifiés par des numéros de dossiers (dossiers n°5054716908, n° 4980582908, n° 4269088908, n° 5383679907, n°5290127907, n° 4268753908, n° 4923452908, n° 4913473908, n° 0929107904, n° 5258263907), l’interrogent sur l’indemnisation à laquelle ils peuvent prétendre, ou sur l’état d’avancement de leur dossier, parfois pour déplorer la lenteur de la procédure. Toutefois, outre le fait que les nombreuses abréviations rendent difficile l’exploitation du document, en l’absence d’éléments plus précis sur le contenu des dossiers, ces correspondances, dont l’objet est avant tout d’obtenir des informations sur l’avancement des dossiers, ne démontrent pas que d’éventuels retard soient imputables à la société Oui Reward.

Enfin, la société Sirca reproche à la société Oui Reward une différence d’interprétation concernant la facturation. Toutefois, une divergence de vue entre les parties sur l’application des conditions financières du contrat sujette à interprétation ne peut en justifier la résiliation.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, la société Sirca ne démontre pas que la société Oui Reward ait gravement manqué à ses obligations contractuelles. En conséquence, le jugement doit être réformé et il convient de dire que la résiliation du contrat de partenariat, formalisée le 21 avril 2020, est intervenue aux torts de la société Sirca.

Sur les demandes indemnitaires de la société Oui Reward

Selon l’article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :

-refuser d’exécuter ou suspendre sa propre obligation,

-poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation,

-obtenir une réduction du prix,

-provoquer la résolution du contrat,

-demander réparation des conséquences de l’inexécution.

La société Oui Reward soutient qu’après avoir investi et mobilisé des moyens conséquents pour honorer le contrat de partenariat, sa résiliation lui a porté préjudice. Elle affirme que son préjudice est, d’une part, constitué de la privation de la rémunération qu’elle pouvait escompter des 200 dossiers en cours qu’elle a été contrainte de restituer en exécution du jugement, qu’elle évalue à 33 000 euros. D’autre part, elle demande le paiement d’une somme de 22 500 euros en raison du manque à gagner suite à la rupture du contrat, la société Sirca ayant cessé de lui transmettre de nouveaux dossiers. Elle évalue une perte de 150 dossiers pour l’année 2020. Enfin, elle estime avoir subi un préjudice de gestion à hauteur de 10 000 euros.

La société Sirca soutient que la société Oui Reward n’en rapporte pas la preuve.

La société Oui Reward expose en premier lieu avoir été privée de la rémunération qu’elle pouvait escompter des dossiers restitués en exécution du jugement du tribunal de commerce. Selon elle, plus de 200 dossiers ayant déjà été portés en justice ou faisaient l’objet d’un accord pour le paiement d’indemnités, l’essentiel de sa mission, à l’exception du versement de l’indemnité, avait été accompli. Elle verse à ce titre (pièce n°18) un document établi par ses soins intitulé « synthèse des dossiers Pacifica » où elle mentionne que sur 737 dossiers, 4 avaient un statut « incomplet », 6 un statut « amiable », 201 un statut « assignation », 25 un statut « accord reçu », 284 un statut « clôturés indemnité payée » et 215 un statut « clôturés autres ».

Toutefois, la société Oui Reward ne livre aucun détail sur les dossiers et calculs qui justifierait à hauteur de 33 000 euros son préjudice, alors que la société Sirca affirme lui avoir réglé, entre mai et juillet 2021, 60 factures pour un montant total de 10 800 euros ; des règlements seraient également intervenus après la restitution des dossiers pour environ 25 d’entre eux, soit 4 500 euros. Elle ne démontre pas davantage avoir accompli, ainsi qu’elle le prétend, « toutes ses prestations » concernant les dossiers restitués à la société Sirca.

La demande de la société Sirca à ce titre sera donc rejetée.

S’agissant de sa demande liée au « manque à gagner », la société Oui Reward expose que sur les 15 mois d’application du contrat, plus de 730 dossiers lui ont été confiés par la société Sirca, soit en moyenne 50 par mois. En tenant compte à une baisse de 70% du trafic aérien à cause de la crise sanitaire, elle estime avoir été privée du traitement d’environ 150 dossiers, soit un préjudice de 22 500 euros (150 dossiers x 150 euros = 22 500 euros).

D’après la société Sirca, la société Oui Reward ne démontre pas l’existence de son préjudice, dans la mesure où seule la marge brute pourrait être indemnisée et non pas le chiffre d’affaires et qu’aucune pièce comptable ni liasse fiscale n’est versée aux débats. La société Sirca ajoute qu’elle ne s’est pas engagée contractuellement sur un volume de dossier et que la demande de réparation de la perte de chance de recevoir paiement de futurs dossiers ne peut prospérer.

Cependant, il n’est pas contesté que la société Sirca a cessé de confier des nouveaux dossiers à sa cocontractante à compter de la résiliation anticipée du contrat. Si la société Oui Reward ne verse pas aux débats de pièces comptables, elle justifie avoir été saisie depuis le début de leur partenariat de 737 dossiers, soit sur 14 mois, une moyenne mensuelle de 50 dossiers.

L’ensemble de ces éléments démontrent suffisamment la perte de chance subie par cette dernière d’obtenir ces contrats supplémentaires jusqu’au terme du partenariat, le 31 décembre 2020, soit 8 mois restant à courir.

Sur les 8 mois restant à courir, si 50 dossiers avaient été attribués, elle aurait pu percevoir une somme de 8 x 50 x 150 euros. En tenant compte de la forte baisse de trafic aérien consécutif à la crise sanitaire, la perte de chance sera évaluée à 40 %, soit 10 000 euros.

En conséquence, la société Sirca sera condamnée au paiement de cette somme, et le jugement infirmé en ce qu’il a débouté la société Oui Reward de toute demande à ce titre.

En revanche, la société Oui Reward ne versant aucune pièce démontrant avoir subi une désorganisation résultant du comportement de la société Sirca, il convient de rejeter sa demande d’indemnisation d’un préjudice de gestion de 10 000 euros.

Sur l’usage abusif de droit de rétention

La société Sirca soutient que, malgré la notification de la résiliation du contrat, la société Oui Reward a conservé abusivement les 113 dossiers des assurés jusqu’à la décision du tribunal de commerce de Paris, ce qui a eu des effets négatifs sur son image commerciale, a entraîné une sur-mobilisation de ses collaborateurs. Elle considère que le coût de traitement des 113 dossiers récupérés s’est élevé en moyenne à 1 500 euros.

La société Sirca, qui ne verse aucune pièce au soutien de cette demande, ne démontre pas avoir subi le préjudice allégué. Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de la société Sirca de ce chef.

Sur les autres demandes :

Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens.

La société Sirca, succombant, sera condamnée aux dépens de la procédure d’instance et d’appel qui pourront être recouvrés par la société Grappotte Benetreau selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Il apparaît équitable de la condamner à payer à la société Oui Reward la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en instance et en appel.

La demande de la société Sirca en application de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement du 4 février 2021 du tribunal de commerce de Paris sauf en ce qu’il a débouté la société Sirca de sa demande de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

Dit que la résiliation anticipée du contrat de partenariat opérée le 21 avril 2020 est intervenue aux torts de la société Sirca ;

Condamne la société Sirca au paiement d’une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice causé à la société Oui Reward ;

Condamne la société Sirca à payer à la société Oui Reward la somme de 19 080 euros en paiement des 106 factures, majorée des intérêts légaux à compter du présent arrêt ;

Condamne la société Sirca aux entiers dépens d’instance et d’appel dont distraction au profit de la société Grappotte Benetreau, ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 6 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile à la société Oui Reward.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


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