Cour d’appel de Paris, 27 septembre 2017
Cour d’appel de Paris, 27 septembre 2017

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Diffamation : la base factuelle suffisante

Résumé

Un syndicaliste blogueur a été condamné pour diffamation après avoir insinué que l’ancienne Directrice des relations presse de France Télévisions était sous enquête de la Cour des Comptes pour des frais de taxi et de restaurant jugés « exorbitants ». Bien que le sujet des dépenses publiques soit d’intérêt général, l’auteur n’avait aucune preuve fiable pour soutenir ses accusations. La cour a noté que, même dans un contexte syndical, la liberté d’expression ne dispense pas de la prudence. Les propos, formulés de manière péremptoire, ont porté atteinte à l’honneur de la personne visée, caractérisant ainsi la diffamation.

Condamnation d’un syndicaliste Blogueur

Un syndicaliste, éditeur d’un Blog, a été condamné pour diffamation publique pour avoir publié des propos insinuant que l’ancienne Directrice des relations presse de France Télévisions était visée par une enquête de la Cour des Comptes, en raison de frais taxi et de restaurants « exorbitants » et « incroyables ». La  fréquence des déplacements en taxi, les frais de bouche dans un restaurant dont le nom était précisé, sont des faits susceptibles de faire l’objet d’un débat probatoire, quelle que soit la spécificité du contexte syndical dans lequel ces propos ont été tenus. Ces propos sont bien contraires à l’honneur et à la considération puisqu’ils sont susceptibles d’être sanctionnés disciplinairement et condamnés pénalement pour détournement de fonds publics.

Bonne foi écartée

Les imputations diffamatoires peuvent être justifiées lorsqu’il est démontré que leur auteur a agi de bonne foi, et notamment qu’il a poursuivi un but légitime, étranger à toute animosité personnelle, et qu’il s’est conformé à un certain nombre d’exigences, en particulier de sérieux de l’enquête, ainsi que de prudence dans l’expression.

Ces critères s’apprécient différemment selon le genre de l’écrit en cause et la qualité de la personne qui s’y exprime et notamment, avec une moindre rigueur lorsque l’auteur des propos diffamatoires n’est pas un journaliste qui fait profession d’informer mais une personne elle-même impliquée dans les faits dont elle témoigne.

L’article consistait à soulever le doute sur la mesure des dépenses faites par un cadre d’une entreprise détenue à 100 % par l’État et portant sur plusieurs dizaines de milliers d’euros qui sont des deniers publics, ses coûts de fonctionnement sont supportés par le contribuable français, il s’agissait donc d’un sujet d’intérêt général. L’animosité personnelle qui s’entend, en droit de la presse, d’un mobile dissimulé au lecteur et de considérations extérieures et antérieures au sujet traité, n’était pas établie. En revanche, le rapport publié par la Cour des Comptes, s’il portait sur le dysfonctionnement du groupe public France télévisions et citait plusieurs services, ne mentionnait pas le nom de l’ancienne Directrice des relations presse de France Télévisions.

En conséquence, l’auteur des propos ne disposait d’aucune information fiable de nature à justifier l’accusation d’être soupçonnée par la Cour des Comptes de se faire rembourser des dépenses exorbitantes de taxi et de restaurants.

Liberté d’expression syndicale

Si le contexte syndical peut permettre une plus large liberté d’expression et justifie effectivement la tolérance de certains excès, il n’exonère pas pour autant de toute prudence dans l’expression, totalement absente en l’espèce puisque les imputations sont exprimées de façon péremptoire, pour procéder à une dénonciation had nominem, appuyée par un cliché photographique de l’ancienne Directrice des relations presse de France Télévisions, sans utiliser de conditionnel, ne laissant aucune place au doute.

Périmètre de la diffamation

Est une diffamation, toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé. Le fait devant être suffisamment précis pour pouvoir faire l’objet du débat sur la preuve de sa vérité (article 29 al. 1er de la loi du 29 juillet 1881). Le délit est caractérisé même si l’imputation est formulée sous forme déguisée, dubitative ou par voie d’insinuation, se distingue ainsi d’appréciations purement subjectives ainsi que de l’injure. L’injure est toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait, elle est appréciée en tenant compte des éléments intrinsèques et extrinsèques au support en cause, à savoir tant du contenu même des propos que du contexte dans lequel ils s’inscrivent.

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