Cour d’Appel de Paris, 27 mars 2019
Cour d’Appel de Paris, 27 mars 2019

Type de juridiction : Cour d’Appel

Juridiction : Cour d’Appel de Paris

Thématique : Image des mannequins : affaire l’Oréal

Résumé

Un mannequin ne peut résilier un mandat civil exclusif de représentation sans respecter le préavis contractuel. La rupture n’entraîne pas la nullité des contrats de cession de droits à l’image antérieurs. Dans le cas présent, l’agence avait le droit de traiter avec des clients pour la cession des droits d’exploitation de l’image du mannequin. Ce dernier, mécontent d’un contrat signé sans son accord, a tenté de rompre son mandat. Cependant, la résiliation n’était pas valable, car le contrat stipulait un renouvellement tacite et des conditions strictes pour la résiliation, que la mannequin n’a pas respectées.

Un mannequin ne peut mettre fin au mandat civil exclusif de représentation donné à son agence, sans respect du préavis contractuel. En tout état de cause, cette rupture n’emporte pas nullité des contrats de cession de droit à l’image conclus antérieurement.  

Objet du mandat de représentation de mannequin

En l’occurrence, le mandat stipulait que l’agence était en droit de traiter avec tous clients, la cession des droits de reproduction pour l’utilisation de son image et/ou voix à la suite de prises de vues et/ou tournages réalisées par l’intermédiaire de l’agence ; signer à cet effet tous actes de cession et de vente ; toucher et recevoir le produit de la vente, en donner quittance et décharge. La procuration était consentie pour une durée d’une année à partir de la signature du mandat, lequel était renouvelable par tacite reconduction à chaque date anniversaire, sauf dénonciation effectuée par une des parties par lettre recommandée AR deux mois avant son expiration.

Rupture du contrat de représentation de mannequin

Pour un film publicitaire illustrant les conditions d’application d’un produit de coloration capillaire de la gamme « Excellence », l’agence mandataire, le producteur et l’annonceur (l’Oréal) ont conclu un contrat de mise à disposition du mannequin et de cession des droits d’exploitation de son image. La cession de ces droits était consentie pour le monde entier et pour une durée de trois ans à compter de la date de la première utilisation dans chaque pays concerné. L’Oréal a également passé commande auprès de l’agence d’une nouvelle prestation pour des clichés destinés à illustrer la notice d’utilisation contenue dans la boîte du produit de coloration de la gamme « Excellence ». Le bon de commande précisait que la cession du droit à l’image du mannequin intervenait pour une utilisation mondiale sur les « notices d’application packaging colo » du produit « Excellence » et une durée de 5 ans. Mécontente de la signature de ce contrat, intervenue selon elle sans son accord, la mannequin a, par courrier recommandé, informé son agence, qu’elle rompait son contrat de mandat.

Rupture fautive de mandat

Afin d’obtenir l’annulation du contrat de cession du droit à l’image conclu, la mannequin a fait valoir en vain que le contrat signé par l’agence ne lui était pas opposable en raison d’une part, de la révocation du mandat de représentation et d’autre part de fautes commises par l’agence dans l’exercice de ses obligations contractuelles entraînant la nullité du contrat de mandat.

S’agissant de la révocation du mandat, le contrat conclu, qui fait la loi entre les parties, prévoit un renouvellement annuel du mandat par tacite reconduction à la date anniversaire, sa résiliation par l’une des parties devant se faire par lettre recommandée avec accusé de réception deux mois avant son expiration. Ces dispositions restrictives du droit de révocation d’un mandat ad nutum sont licites. Dès lors, sauf accord de l’agence, la mannequin ne pouvait résilier le contrat de mandat pour « convenance personnelle ».  Concernant l’exécution fautive du mandat, si en application de l’article 1992 du code civil, le mandataire répond des fautes qu’il a commises dans sa gestion, de telles fautes ne peuvent entraîner la résiliation du mandat que si elles sont d’une importance telle que la continuation des relations contractuelles est devenue impossible. Or, en l’espèce, les fautes alléguées par la mannequin n’ont pu entraîner la résiliation du contrat de mandat avant la signature du contrat litigieux.

Question de la nullité des cessions de droit à l’image

La nullité d’un contrat ne peut résulter aux termes de l’article 1108 ancien du code civil que de l’absence de consentement de la partie qui s’oblige, du défaut de capacité à contracter, de l’absence d’objet certain qui forme la matière de l’engagement ou d’une cause licite dans l’obligation. L’absence de respect des dispositions du code du travail ( articles L.7123-17 et R.7123-18 ) et de la convention collective des mannequins obligeant l’agence à informer le mannequin du contenu du contrat avant sa signature, notamment sur la rémunération lui revenant, n’a pas vocation à entraîner la nullité du contrat de cession du droit à l’image, dès lors qu’une telle sanction n’est pas expressément prévue par ces textes qui ne sont pas opposables aux tiers, en l’espèce à la société L’Oréal (annonceur).  L’utilisation sans autorisation par l’annonceur de l’image d’un mannequin ne peut entraîner la nullité du contrat dont l’objet est justement de régulariser cet état de fait.

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