Cour d’Appel de Paris, 25 mai 2018
Cour d’Appel de Paris, 25 mai 2018

Type de juridiction : Cour d’Appel

Juridiction : Cour d’Appel de Paris

Thématique : Rupture abusive du contrat d’agence

Résumé

Une agence de publicité a intenté une action contre Montres Tudor pour rupture brutale de relations commerciales, malgré une clause de compétence attribuant les litiges aux tribunaux de Genève. Le tribunal a jugé qu’il était incompétent, se fondant sur le droit suisse et la volonté des parties de soumettre leurs différends à ce cadre juridique. Selon le Code Suisse des Obligations, la nature contractuelle de l’action a été reconnue, rejetant ainsi la compétence des juridictions françaises. La Convention de Lugano a également été appliquée, confirmant la compétence exclusive des tribunaux de Genève pour ce litige.

Rupture brutale de relations commerciales établies

Une agence de publicité en charge de la réalisation de campagnes de communications de prestige pour des marques de luxe a poursuivi la société Montres Tudor (société suisse filiale du groupe) en rupture brutale de relations commerciales établies devant le tribunal de commerce de Paris. La relation des parties avait été formalisée par un contrat cadre stipulant une clause attributive de compétence aux tribunaux du canton de Genève.

Droit applicable et For

Bien que la clause attributive de juridiction du contrat cadre ne visait pas le cas d’une rupture brutale des relations commerciales, la « responsabilité extracontractuelle » de l’auteur de la rupture relevait bien du droit suisse. La société Tudor a obtenu du tribunal de se déclarer incompétent en application du contrat cadre conforme à la Convention de Lugano.

La volonté commune des parties a bien été de soumettre toute contestation les opposant au droit suisse : « le présent contrat est soumis au droit suisse ; tout litige résultant de l’interprétation ou de l’exécution du présent contrat est soumis à la compétence exclusive des tribunaux du canton de Genève, Suisse ».  Le terme « d’exécution du présent contrat » incluait  nécessairement les conditions dans lesquelles la dite exécution cesse quelles qu’en soient les circonstances, et ce y compris les faits de rupture brutale.

Code Suisse des Obligations

La détermination de la clause de for en droit international dans le cadre de l’action en rupture brutale d’une relation commerciale établie impose de tenir compte de la volonté des parties, laquelle était  de faire application du droit Suisse et de la compétence des tribunaux du canton de Genève.  La clause litigieuse a été comprise au regard du droit suisse, comme s’appliquant notamment à une action en dommages et intérêts d’une partie, liée à la résiliation du contrat. Aux termes du Code Suisse des Obligations, (article 18 alinéa 1) « pour apprécier la forme et les clauses d’un contrat, il y a lieu de rechercher la réelle et commune intention des parties, sans s’arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention ». La nature contractuelle de l’action en droit suisse conduit au rejet de la revendication de compétence de la juridiction du lieu du fait dommageable tant sur le fondement de l’article 46 du Code de procédure civile qu’au visa de l’article 5.3 de la Convention de Lugano.

Application de la Convention de Lugano

Les parties étant convenues d’une clause de for, la société Tudor a soutenu à bon droit l’ application de l’article 23.1 (section 7) de la Convention de Lugano relatif à la prorogation de compétence, selon lequel « Si les parties, dont l’une au moins à son domicile sur le territoire d’un État lié par la présente Convention, sont convenues d’un tribunal ou de tribunaux d’un État lié par la présente Convention pour connaître des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet État sont compétents. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. Cette convention attributive de juridiction est conclue :a) par écrit… »

Les parties étant convenues d’une prorogation de compétence exclusive au profit des juridictions de Genève, les dispositions impératives constitutives de lois de police françaises fussent-elles applicables au fond du litige ne pouvant valablement combattre la clause attributive de compétence applicable au litige, c’est exactement que le tribunal s’est déclaré incompétent.

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