Thématique : Coexistence de marques partiellement similaires : affaire « The Modernist »
→ Résumé
L’affaire « The Modernist » illustre la coexistence de marques similaires dans le secteur hôtelier. M. [M] a enregistré une marque semi-figurative en Grèce, mais sa demande de contrefaçon contre la société Lutèce Hôtel a été rejetée. La cour a souligné que les termes « Modernist » et « Moderniste » ne sont pas dominants dans leurs marques respectives, permettant ainsi une coexistence sans risque de confusion pour le consommateur moyen. L’analyse a pris en compte les similitudes visuelles, phonétiques et conceptuelles, concluant que les différences étaient suffisantes pour écarter toute atteinte vraisemblable à la marque de M. [M].
Deux marques désignant les mêmes produits et services avec le même terme commun (‘Moderniste’ pour des services d’hôtellerie) peuvent coexister sans contrefaçon dès lors que le terme en commun n’est pas le terme distinctif et dominant de la marque opposée.
1. Lors de l’évaluation d’une possible contrefaçon de marque, il est recommandé de prendre en compte tous les facteurs pertinents du cas d’espèce et d’effectuer une analyse globale. Cela implique de considérer la similitude des signes en cause, des produits ou services concernés, ainsi que l’impression d’ensemble produite par les marques, en tenant compte des éléments distinctifs et dominants de celles-ci.2. Il est recommandé de tenir compte du consommateur moyen : Lors de l’appréciation du risque de confusion entre les marques en présence, il est essentiel de se référer au consommateur moyen de la catégorie des produits ou services concernés. Ce consommateur n’a généralement pas la possibilité de comparer directement les marques et se base sur une image imparfaite qu’il en a gardée en mémoire. Il est donc crucial de considérer comment ce consommateur moyen percevrait les marques en question.
3. Attention à la prise en compte des similitudes visuelles, phonétiques et conceptuelles : Lors de la comparaison des signes en cause, il est recommandé de prendre en considération les similitudes visuelles, phonétiques et conceptuelles. Il est important de noter que même des similitudes moyennes ou faibles dans l’un de ces aspects peuvent être compensées par des différences significatives dans d’autres aspects. Il est donc essentiel d’analyser de manière approfondie ces différents aspects pour évaluer le risque de confusion pour le consommateur moyen.
Résumé de l’affaire
M. [T] [M], entrepreneur et investisseur, a enregistré une marque semi-figurative en Grèce et a obtenu un enregistrement international en France pour des services hôteliers. Il a ensuite poursuivi la société Lutèce Hôtel pour contrefaçon de marque. Le juge des référés a rejeté la demande de M. [M] et de la société The Greek Foundation, les condamnant aux dépens et à verser une somme à la société Lutèce Hôtel. M. [M] et la société The Greek Foundation ont interjeté appel, demandant à la cour d’infirmer la décision du juge des référés et d’interdire à la société Lutèce Hôtel d’utiliser les signes en question, sous astreinte. La société Lutèce Hôtel a vu ses conclusions jugées irrecevables.
Les points essentiels
Introduction
L’affaire en question concerne une dispute juridique sur l’atteinte présumée à une marque déposée, impliquant plusieurs parties, dont M. [M], la société The Greek Foundation, et la société Lutèce-Hôtel. La décision de la cour repose sur une analyse détaillée des similitudes entre les signes en cause et les marques enregistrées, ainsi que sur l’évaluation du risque de confusion pour le public pertinent.
Contexte Juridique
En vertu de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux conclusions écrites des parties pour un exposé exhaustif de leurs prétentions et moyens. La cour note également que la déclaration d’appel ne critique pas l’ordonnance mettant hors de cause la société Hôtel Résidence Monge.
Existence d’Atteintes Vraisemblables à la Marque
M. [M] et la société The Greek Foundation allèguent que la société Lutèce-Hôtel utilise des signes similaires à leur marque dans le cadre de son activité d’hôtellerie-restauration. Ils soutiennent que les signes « MODERNIST » et « MODERNISTE » sont visuellement, phonétiquement, et conceptuellement très similaires, créant ainsi un risque de confusion pour le public pertinent.
Dispositions Légales
L’article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle interdit l’usage non autorisé de signes identiques ou similaires à une marque enregistrée pour des produits ou services identiques ou similaires. L’article L.716-4 stipule que toute atteinte à une marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur.
Analyse des Similitudes
La cour examine les similitudes visuelles, phonétiques, et conceptuelles entre les signes en cause. Visuellement, les signes partagent des éléments communs mais diffèrent par la présence d’éléments figuratifs et verbaux distincts. Phonétiquement, les termes « modernist » et « moderniste » sont quasi-identiques, mais les signes se distinguent par des éléments supplémentaires. Conceptuellement, les signes renvoient à des esthétiques différentes, l’un étant contemporain et l’autre évoquant un courant artistique des années 30.
Évaluation du Risque de Confusion
Le risque de confusion est évalué globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents. La cour conclut que les similitudes moyennes et faibles entre les signes, combinées avec les éléments distinctifs et dominants, ne suffisent pas à créer un risque de confusion pour le public pertinent.
Conclusion de la Cour
La cour conclut que le caractère vraisemblable des atteintes à la marque « The Modernist » n’est pas démontré. Les demandes de M. [M] et de la société The Greek Foundation sont rejetées, et l’ordonnance initiale est confirmée.
Implications de la Décision
Cette décision souligne l’importance d’une analyse détaillée des similitudes entre les signes en cause et les marques enregistrées, ainsi que l’évaluation du risque de confusion pour le public pertinent. Elle illustre également les critères stricts appliqués par les tribunaux pour établir une atteinte vraisemblable à une marque.
Réflexions Finales
L’affaire met en lumière les défis juridiques liés à la protection des marques dans le secteur de l’hôtellerie-restauration. Elle démontre la nécessité pour les entreprises de s’assurer que leurs signes distinctifs ne créent pas de confusion avec des marques existantes, afin d’éviter des litiges coûteux et complexes.
Perspectives Futures
À l’avenir, les entreprises devront être particulièrement vigilantes dans le choix de leurs signes distinctifs et marques, en tenant compte des critères établis par cette décision. Une analyse préventive approfondie pourrait aider à éviter des conflits similaires et à protéger efficacement les droits de propriété intellectuelle.
Réglementation applicable
Articles des Codes cités et leur texteCode de procédure civile
– Article 455 :
Le jugement doit être motivé. L’exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens doit être succinct. Le jugement énonce les points sur lesquels les parties sont en désaccord et les raisons pour lesquelles il les tranche. Il est rédigé en termes clairs et précis.
Code de la propriété intellectuelle
– Article L.713-2 :
Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque.
– Article L.716-4 :
L’atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L.713-2 à L.713-3-3 et au deuxième alinéa de l’article L.713-4.
– Article L.716-4-6 al. 1 :
Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l’encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu’il est porté atteinte à ses droits ou qu’une telle atteinte est imminente.
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Richard WILLEMANT
– Me Elvina MATHIEU
– Me Stéphane GUERLAIN
Mots clefs associés & définitions
– Motifs de la décision
– Atteintes vraisemblables à la marque
– Risque de confusion
– Contrefaçon
– Code de la propriété intellectuelle
– Similarité des signes
– Identité ou similarité des produits ou services
– Public visé
– Appréciation globale du risque de confusion
– Similitude visuelle, phonétique et conceptuelle
– Éléments distinctifs et dominants
– Origine commune des services
– Attribuer une origine commune
– Caractère vraisemblable des atteintes
REPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
24 avril 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
23/02426
REPUBLIQUE FRANCAISEAU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRET DU 24 AVRIL 2024
(n° 056/2024, 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 23/02426 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHB5O
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Novembre 2022 -Président du Tribunal Judiciaire de PARIS – RG n° 22/54459
APPELANTS
Monsieur [T] [M]
Né le 18 Avril 1984 à [Localité 2] (GRÈCE)
De nationalité grecque
Entrepreneur
Demeurant [Adresse 5]
[Localité 2]
GRÈCE
Représenté par Me Richard WILLEMANT de la SELEURL WILLEMANT LAW, avocat au barreau de PARIS, toque : C1672
Assisté de Me Elvina MATHIEU substituant Me Richard WILLEMANT de la SELEURL WILLEMANT LAW, avocats au barreau de PARIS, toque : C1672
THE GREEK FOUNDATION I.K.E.
Société de droit grec au capital de 210 000 euros
Immatriculée sous le numéro 130171206000
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
GRÈCE
Représentée par Me Richard WILLEMANT de la SELEURL WILLEMANT LAW, avocat au barreau de PARIS, toque : C1672
Assistée de Me Elvina MATHIEU substituant Me Richard WILLEMANT de la SELEURL WILLEMANT LAW, avocats au barreau de PARIS, toque : C1672
INTIMEE
S.A.S.U. LUTECE HOTEL
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 302 420 088
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée et assistée de Me Stéphane GUERLAIN de l’AARPI ARMENGAUD – GUERLAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : W07
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 février 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre et Mme Françoise BARUTEL, conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre,
Mme Françoise BARUTEL, conseillère,
Mme Déborah BOHÉE, conseillère.
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
Contradictoire
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*EXPOSE DU LITIGE
M. [T] [M] se présente comme entrepreneur et investisseur, fondateur de la société de droit grec The Greek Foundation I.K.E et de la chaîne d’hôtels à l’enseigne «The Modernist ».
M. [M] a enregistré le 26 juillet 2018 la marque semi-figurative grecque n°N248814
Puis, il a procédé à un enregistrement international de cette marque désignant la France le 8 novembre 2019 pour divers services de la classe 43 et notamment des « services d’hôtels ; services de bars ; services de bars et restaurants », qui a été accordé le 29 juin 2020 par l’institut national de la propriété industrielle (INPI) et publié le 16 juillet 2020. La licence d’exploitation exclusive de cette marque est détenue par la société The Greek Foundation.
La société Lutèce Hôtel a pour activité l’exploitation d’hôtels. Elle exploite un hôtel situé [Adresse 1] à l’enseigne « Moderniste Hôtel [Localité 6] Convention » notamment sous le signe ainsi que le site internet hotelmoderniste.com déposé, pour son compte, par la société Hôtel Résidence Monge.
Par acte d’huissier du 9 mai 2022 M. [M] et la société The Greek Foundation ont assigné la société Lutèce Hôtel et la société Hôtel Résidence Monge devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de marque.
Par ordonnance rendue le 15 novembre 2022, dont appel, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :
– mis hors de cause la SAS Hôtel Résidence Monge,
– dit n’y avoir lieu à référé pour le surplus,
– condamné in solidum M. [T] [M] et la société The Greek Foundation aux dépens,
– condamné in solidum M. [T] [M] et la société The Greek Foundation à payer deux mille euros (2000 €) à la SAS Lutèce Hôtel en application de l’article 700 du code de procédure civile.
M. [M] et la société The Greek Foundation ont interjeté appel de ce jugement le 25 janvier 2023.
Dans leurs uniques conclusions numérotées 1, transmises le 7 juin 2023, M. [M] et la société The Greek Foundation, appelants, demandent à la cour de :
Vu la Directive européenne n°2004/48/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle ;
Vu les dispositions du Livre VII du Code de la propriété intellectuelle, et notamment ses articles L. 713-2 et L. 716-4-6 ;
Vu les articles 411, 514, 699 et 700, 899, 905 et suivants du Code de procédure civile ; Vu les articles L.131-1, L.131-3 et R. 131-1 du Code de procédures civiles d’exécution ;
– infirmer l’ordonnance de référé du Président du tribunal judiciaire de Paris du 15 novembre 2022 (RG n° 22/54459) en ce qu’elle a :
Dit n’y avoir lieu à référé pour le surplus,
Condamne in solidum M. [T] [M] et la société The Greek Foundation aux dépens,
Condamne’ in solidum M. [T] [M] et la société The Greek Foundation à payer deux mille euros (2000 €) à la SAS Lutèce Hôtel en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Et, statuant à nouveau :
– juger que les éléments de preuve produits par les demandeurs rendent vraisemblable que l’exploitation des signes « MODERNISTE », « HOTEL MODERNISTE» et à titre de marque, identifiant, enseigne et nom de domaine par la société Lutèce Hôtel, pour désigner des services hôteliers, des services de réservation d’hôtels, des services de restauration et des services de bar, porte une atteinte aux droits de Monsieur [M] sur la partie française de l’enregistrement international n° 1504450 ;
En conséquence,
A titre principal
– faire interdiction à la société Lutèce-Hôtel S.A.S.U. de poursuivre l’usage des signes « MODERNISTE », « HOTEL MODERNISTE » et , sur quelque support que ce soit, notamment à titre de marque, enseigne, nom de domaine, pour designer ou en association avec des services hôteliers, des services de réservation d’hôtels, des services de restauration et des services de bar, dans un délai de huit jours à compter de la signification de l’ordonnance de référé à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et par infraction constatée ;
– faire interdiction à la société Lutèce-Hôtel S.A.S.U. de poursuivre l’exploitation du nom de domaine dont elle est réservataire, dans un délai de huit jours à compter de la signification de l’ordonnance de référé à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
– condamner la société Lutèce-Hôtel S.A.S.U. à verser à Monsieur [M] la somme de 20 000 euros, à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice ;
– condamner la société Lutèce-Hôtel S.A.S.U. à verser à la société The Greek Foundation la somme de 40 000 euros, à titre de provision à valoir sur la réparation de son préjudice ;
A titre subsidiaire
– juger que la poursuite de l’usage des signes « Moderniste », « Hôtel Moderniste » et ainsi que l’exploitation du nom de domaine par la société Lutèce-Hôtel S.A.S.U., pour designer des services hôteliers, des services de réservation d’hôtels, des services de restauration et des services de bar, est subordonnée à la constitution d’une garantie d’un montant de 100 000 euros qui devra être versée par la société Lutèce-Hôtel S.A.S.U., entre les mains de Madame le Bâtonnier de l’Ordre des avocats à la Cour de Paris, dans un délai de huit jours à compter de la signification de l’ordonnance de référé à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
En tout état de cause
– condamner in solidum la société Lutèce-Hôtel S.A.S.U. et la société Hôtel Résidence Monge S.A.S. à verser à Monsieur [M] et à la société The Greek Foundation la somme globale de 20 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamner in solidum la société Lutèce-Hôtel S.A.S.U. et la société Hôtel Résidence Monge S.A.S. aux entiers dépens ;
Par ordonnance d’incident rendue par le conseiller de la mise en état en date du 12 décembre 2023, les conclusions numérotées 1, transmises le 6 septembre 2023 par la société Lutèce Hôtel ont été jugées irrecevables.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 20 février 2024.
MOTIFS DE LA DECISIONEn application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.
Sur le chef du jugement non critiqué
La cour constate que la déclaration d’appel ne porte pas sur le chef de l’ordonnance mettant hors de cause la société Hôtel Résidence Monge et que ladite ordonnance n’est donc pas critiquée sur ce point.
Sur l’existence d’atteintes vraisemblables à la marque
M. [M] et la société The Greek Foundation soutiennent que la société Lutèce-Hôtel exploite les signes litigieux dans la vie des affaires, et plus particulièrement dans le cadre de son activité d’hôtellerie-restauration c’est-à-dire pour des services identiques à ceux pour lesquels sa marque est enregistrée et exploitée ; que le public pertinent est le public en général, et plus particulièrement la clientèle touristique qui a un niveau d’attention moyen ; que s’agissant de la comparaison des signes, le public pertinent ne prêtera pas ou peu d’attention aux termes « HOTEL [Localité 6] CONVENTION », qui sont impropres à accomplir la fonction essentielle d’une marque, mais uniquement aux éléments distinctifs et dominants des signes en présence, à savoir « MODERNIST » et « MODERNISTE », qui sont identiques à une lettre près ; que les signes en présence sont visuellement, phonétiquement et conceptuellement très similaires et que dès lors, l’impression d’ensemble produite par ces signes est de nature à créer un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent ; que s’agissant de la comparaison visuelle, les signes en présence ont en commun la séquence de lettres M, O, D, E, R, N, I, S, T, placée dans le même ordre mais diffèrent par la présence d’un élément figuratif et du déterminant « the » au sein de la marque antérieure, et par la présence des termes « hôtel » et « [Localité 6] Convention » au sein des signes contestés ; que ces différences portent sur des éléments qui ne sont ni distinctifs, ni dominants ; que s’agissant de la comparaison phonétique, les éléments distinctifs et dominants des signes en présence, à savoir « Modernist » pour la marque antérieure et « Moderniste » pour les signes contestés, se prononcent exactement de la même manière ; que s’agissant de la comparaison conceptuelle, l’élément distinctif et dominant des signes en présence, à savoir le terme « Modernist(e) », renvoie à un courant artistique et architectural de sorte que les signes en présence sont conceptuellement identiques ou à tout le moins très similaires ; que l’impression d’ensemble produite par les signes en cause est donc fortement similaire ; qu’il existe donc un risque de confusion, le public étant susceptible de penser que ces services proviennent de la même entreprise ou d’entreprises économiquement liées comme appartenant à une même chaîne hôtelière.
Sur ce,
La cour rappelle que 1l’article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle dispose qu’est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque.
Aux termes de l’article L.716-4 du code de la propriété intellectuelle, l’atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L.713-2 à L.713-3-3 et au deuxième alinéa de l’article L.713-4.
L’article L. 716-4-6 al. 1 du code de la propriété intellectuelle dispose enfin que : « Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l’encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon.(‘) Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu’il est porté atteinte à ses droits ou qu’une telle atteinte est imminente. »
En l’espèce, les services proposés par la société Lutèce Hôtel, à savoir des services d’hôtellerie et de restauration, sont identiques à ceux visés par la marque opposée.
Le public visé est le grand public d’attention moyenne procédant à la réservation de services d’hôtellerie et de restaurants.
Pour retenir qu’un signe constitue la contrefaçon vraisemblable par imitation d’une marque antérieure, il faut qu’il existe une similarité entre les signes en cause et une identité ou une similarité entre les produits ou services et qu’il en résulte un risque de confusion pour le consommateur de référence, lequel inclut le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement.
Le risque de confusion doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation globale implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, et notamment la similitude des signes et celle des produits ou services en cause, un moindre degré de similitude entre les signes pouvant être compensé par une plus grande similitude entre les produits ou services et inversement.
Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques, en tenant compte notamment des éléments distinctifs et dominants de celles-ci.
Le risque de confusion s’apprécie par rapport à un consommateur d’attention moyenne de la catégorie des produits ou services en cause, lequel n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques mais doit se fier à l’image imparfaite qu’il en a gardé en mémoire. En outre, il perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails.
Sur le plan visuel, la marque « The Modernist » comprend un élément figuratif épuré composé de deux traits reliés par une courbe, situé en attaque de façon prééminente, et deux éléments verbaux « The Modernist » adossés à droite de ce signe, sur la même hauteur dans une police également épurée. Le signe semi-figuratif incriminé « Moderniste Hôtel [Localité 6] Convention » comprend en attaque le mot « Moderniste » écrit dans une police particulière rappelant celle des années 1930, avec un « S » qui s’allonge entre le « I » et le « T », le trait du « O » étant en outre doublé et se terminant dans sa partie inférieure gauche par une flèche rentrant dans le « O ». La seconde ligne de ce signe est composée des termes « Hôtel [Localité 6] Convention » de la même longueur que le terme « Moderniste » dont ces trois mots forment un socle. Ainsi, nonobstant la présence des termes « Modernist » dans la marque opposée et « Moderniste » dans le signe incriminé, la similitude entre les signes est plutôt faible. S’agissant du signe hotelmoderniste.com incriminé, il comprend pareillement le terme « moderniste » se distinguant par la présence d’un « e » final du terme anglais « modernist » de la marque opposée, ce signe se distinguant visuellement également par l’absence de l’élément figuratif et l’absence de l’élément verbal « The » situé en attaque de la marque opposée. La similitude visuelle entre la marque opposée et le signe hotelmoderniste.com est également plutôt faible.
Sur le plan phonétique, les signes en présence ont en commun les termes « modernist » et « moderniste » dont la prononciation est quasi-identique, mais se distinguent en ce que le terme d’attaque de la marque opposée est « The », consonnance purement anglaise n’existant pas dans la langue française et absente de l’attaque des signes incriminés, lesquels ont par ailleurs des prononciations plus longues, deux syllabes supplémentaires « hotel » en attaque dans le signe hotelmoderniste.com, et huit syllabes supplémentaires en finale du signe « Moderniste Hôtel [Localité 6] Convention ». La similitude phonétique entre les signes en cause est donc moyenne.
Sur le plan conceptuel, la marque opposée « The Modernist » dans laquelle « Modernist » est un substantif introduit par l’article défini « The » adossé à un élément figuratif d’importance, de forme très épurée, représentant le M de « Modernist » sera comprise du public visé comme signifiant « le contemporain » et évoquant une esthétique contemporaine. Au contraire, le signe semi-figuratif TURE »/Users/morganesot/Library/GroupContainers/UBF8T346G9.ms/WebArchiveCopyPasteTempFiles/com.microsoft.Word/page18image55118272″*MERGEFORMATINET renvoie, compte tenu de l’adjectif français « moderniste » et de la typographie rétro utilisée, non pas à une singularité contemporaine mais à un courant artistique des années 30. Le signe incriminé hotelmoderniste.com sera également perçu comme renvoyant à l’adjectif qualificatif français évoquant ce courant des années 30. Il s’ensuit que la similitude conceptuelle entre les signes en cause est en conséquence plutôt faible.
Ces similitudes moyennes et faibles ne sont pas modifiées par la prise en compte des éléments distinctifs et dominants. En effet, le terme « Modernist » n’est pas le terme distinctif et dominant de la marque opposée qui est également composée de l’élément verbal « the » qui attire l’attention du public visé compte tenu de sa place en attaque et de ce que ce vocable est totalement absent de la langue française, ainsi que de l’élément visuel très attractif compte tenu de son épure et de son importance en terme de taille, le public visé prenant cette marque semi-figurative comme un tout.
Il s’infère en définitive de la comparaison visuelle, phonétique et intellectuelle des signes en présence, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants, une impression d’ensemble suffisamment différente pour exclure un risque de confusion dans l’esprit du public visé, qui a une attention moyenne, de sorte qu’il ne sera pas fondé à considérer les signes incriminés et hotelmoderniste.com, qui divergent tant visuellement que phonétiquement et conceptuellement de la marque , comme une déclinaison de cette dernière, et à attribuer aux services couverts par les signes en cause, nonobstant leur identité, une origine commune, ni à les associer comme provenant d’entreprises économiquement liées.
Le caractère vraisemblable des atteintes à la marque « The Modernist » n’est dès lors pas démontré. Les demandes de M. [M] et de la société The Greek Foundation doivent être rejetées, et l’ordonnance confirmée en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé.
PAR CES MOTIFS,LA COUR,
Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [M] et la société The Greek Foundation aux dépens d’appel, et vu l’article 700 du code de procédure civile, les déboute de leurs demandes de ce chef.
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