Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Statut social du décorateur
→ RésuméLa rémunération du décorateur est un enjeu crucial, car un choix inapproprié peut entraîner un redressement de l’URSSAF. Dans une affaire récente, un prestataire a été requalifié en salarié, car il ne justifiait pas d’une affiliation à un régime de non-salarié. L’URSSAF a estimé que le lien de subordination était absent, soulignant que le décorateur, en tant qu’artiste auteur, devait être affilié au régime général de sécurité sociale. Malgré l’absence de convention de travail, le décorateur a facturé ses œuvres au temps passé, ce qui a confirmé son statut d’indépendant, assumant ainsi le risque économique de son activité.
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La rémunération du décorateur
Le choix de la rémunération du décorateur (salaire, paiement de prestation de service …) n’est pas anodin et peut donner prise à un redressement de l’URSSAF. Toutefois, la qualification par l’URSSAF d’un prestataire en salarié suppose la preuve du lien de subordination. Dans cette affaire, une entreprise ayant pour activité principale l’agencement des lieux de vente et d’exposition pour de grandes enseignes de luxe, s’est vue notifiée un redressement au titre de travaux d’installation, d’agencement, de montage de vitrines et de meubles pour le compte de ses clients, par l’un de sous-traitants (près de 100 000 euros).
Position de l’URSSAF
Aux termes de sa lettre d’observations, l’inspecteur du recouvrement de l’URSSAF avait estimé que le prestataire (personne physique) ne justifiait pas d’une affiliation à un régime de non-salarié ( Maison des Artistes, RSI ) et que ses prestations ne relevaient donc pas du champ d’application du régime des artistes-auteurs. L’inspecteur avait dès lors requalifié en salaires les sommes que la société avait versées à son prestataire.
Lien de subordination inexistant
L’artiste auteur (y compris décorateur) qui tire de son activité un certain niveau de revenu est, en application de l’article L 382 – 1 du code de la sécurité sociale, obligatoirement affilié au régime général de sécurité sociale pour les assurances sociales. Aux termes de l’article R 382- 2 du même code, entrent dans le champ d’application de cette obligation les personnes dont l’activité, relevant des articles L 112 – 2 ou L 112 – 3 du code de la propriété intellectuelle, se rattache notamment à la branche des arts graphiques et plastiques :auteurs d’oeuvres originales graphiques et plastiques telles que celles définies par les alinéas 1° à 6° du II de l’article 98 A de l’annexe III du code général des impôts.
L’article R 382 – 2 précise que l’affiliation au régime des artistes auteurs est obligatoire dès lors que l’intéressé a, au cours de la dernière année civile, tiré de son activité d’artiste auteur un revenu d’un montant au moins égal à 900 fois la valeur horaire moyenne du salaire minimum de croissance en vigueur pour l’année civile considérée. La gestion du régime de sécurité sociale des artistes auteurs pour la branche arts graphiques, arts plastiques est assurée par la Maison des Artistes. L’affiliation est prononcée par la caisse primaire d’assurance maladie mais elle n’est pas acquise à titre définitif. L’organisme agréé adresse chaque année à la caisse primaire d’assurance maladie copie de la déclaration fiscale de l’intéressé qui est informé par la caisse de son renouvellement d’affiliation pour l’exercice en cours, ainsi qu’il résulte de l’article R 382- 16 -1 du code de la sécurité sociale. La seule exception à l’obligation d’affiliation des artistes est l’hypothèse où l’artiste exerce en qualité de salarié. Il relève dès lors des dispositions de droit commun du régime des salariés.
En l’occurrence, le prestataire justifiait avoir réalisé des créations originales pour des clients de son maître d’œuvre en se livrant à un travail de plasticien. Or, il n’existait aucune convention de travail entre les parties. N’ayant pas de cote artistique sur le marché de l’art, le décorateur avait opté pour une facturation de ses oeuvres au temps passé à les réaliser, en le multipliant par un taux horaire. Ces factures, qui portaient pour le surplus le numéro d’affiliation MDA, ne suffisaient pas à démontrer que son temps de travail et le montant facturé étaient fixés par le maître d’œuvre. Du fait de la complexité de ses oeuvres, il a été amené à participer au montage et démontage de certaines d’entre elles, ce qui l’a amené à facturer ces travaux périphériques. Or, le fait qu’il soit amené à effectuer ces travaux ne permet pas de qualifier son activité d’activité salariée. Le fait que le décorateur ait exercé son activité dans l’atelier de l’entreprise n’a pas été jugé comme un critère déterminant du lien de subordination. En conclusion, l’URSSAF ne faisait état d’aucun élément de nature à justifier que la société exerçait à l’égard du décorateur, un pouvoir de direction, de contrôle et de sanction de son travail. Le décorateur assumait le risque économique de son activité dans la mesure où lorsque la société lui proposait un projet, il n’avait pas pour autant l’assurance de remporter le marché, le résultat dépendant de la proposition qu’il serait amené à lui faire. Si sa proposition n’était pas retenue, en sa qualité de travailleur indépendant, il avait travaillé pour rien sans qu’aucun dédommagement ne puisse lui être attribué. Le décorateur intervenait donc bien en qualité d’artiste auteur indépendant et non en tant que salarié.
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