Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Indemnisation pour détention provisoire injustifiée : évaluation des préjudices matériels et moraux.
→ RésuméContexte de la requêteMonsieur [V] [Y], de nationalité algérienne, a été mis en examen pour assassinat le 23 décembre 2017 et placé en détention provisoire à la maison d’arrêt de Fresnes. Il a été acquitté par la cour d’assises de Seine-Saint-Denis le 17 octobre 2022, et a retrouvé sa liberté le 18 octobre 2022. La décision d’acquittement est devenue définitive, comme l’atteste un certificat de non-appel. Demande d’indemnisationLe 11 mars 2023, M. [Y] a déposé une requête auprès du premier président de la cour d’appel de Paris, demandant réparation pour sa détention provisoire de 1759 jours. Il sollicite des indemnités pour préjudice matériel, corporel et moral, ainsi qu’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Conclusions des partiesDans ses conclusions, l’agent judiciaire de l’État demande le rejet de la demande de préjudice matériel et propose de réduire le préjudice moral à 158.500 euros. Le Ministère Public conclut à la recevabilité de la requête et à la réparation du préjudice moral, tout en rejetant les demandes de préjudice corporel et matériel. Recevabilité de la requêteLa requête de M. [Y] est jugée recevable, car elle a été déposée dans le délai de six mois suivant la décision d’acquittement. Les conditions de la détention et les éléments de la requête sont conformes aux exigences du Code de Procédure Pénale. Évaluation du préjudice moralM. [Y] évoque des souffrances psychiques et des conditions de détention difficiles, aggravées par la pandémie de Covid-19. L’agent judiciaire de l’État reconnaît l’impact de l’incarcération, mais conteste l’argument d’erreur judiciaire. Le Ministère Public souligne que le choc carcéral a eu des conséquences sur la vie personnelle de M. [Y]. Évaluation du préjudice corporelConcernant le préjudice corporel, M. [Y] affirme que sa détention a affecté son traitement de substitution et sa santé buccale. Cependant, ni l’agent judiciaire de l’État ni le Ministère Public ne reconnaissent de lien direct entre la détention et les problèmes de santé évoqués, entraînant le rejet de ces demandes. Évaluation du préjudice matérielM. [Y] demande réparation pour la perte de son logement et des frais de transport liés à sa détention. Seuls les frais d’hôtel sont retenus, car il ne justifie pas les autres dépenses. La somme de 288 euros est allouée pour le préjudice matériel. Décision finaleLa cour déclare la requête de M. [Y] recevable et lui accorde 170.000 euros pour le préjudice moral, 288 euros pour le préjudice matériel, et 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Les autres demandes sont rejetées, et les dépens sont laissés à la charge de l’État. La décision est rendue le 18 novembre 2024. |
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Chambre 1-5DP
RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES
DÉCISION DU 20 Janvier 2025
(n° , 7 pages)
N°de répertoire général : N° RG 23/05820 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHLVP
Décision contradictoire en premier ressort ;
Nous, Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, à la cour d’appel, agissant par délégation du premier président, assisté de [Z] [N], Greffière stagiaire, lors des débats et de la mise à disposition avons rendu la décision suivante :
Statuant sur la requête déposée le 11 Mars 2023 par Monsieur [V] [Y]
né en à , demeurant [Adresse 4] ;
Comparant
Assisté par Maître Julia KATLAMA, avocate au barreau de PARIS
Vu les pièces jointes à cette requête ;
Vu les conclusions de l’Agent Judiciaire de l’Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l’audience fixée au 07 Octobre 2024 ;
Entendu Maître Julia KATLAMA assistant Monsieur [V] [Y],
Entendu Maître Célia DUGUES, avocate au barreau de PARIS, substituant Maître Renaud LE GUNEHEC, avocat au barreau de PARIS, représentant l’Agent Judiciaire de l’Etat,
Entendue Madame Laure DE CHOISEUL, Magistrate honoraire,
Les débats ayant eu lieu en audience publique, le requérant ayant eu la parole en dernier ;
Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du Code de Procédure Pénale ;
* * *
M. [V] [Y], né le [Date naissance 1] 1979, de nationalité algérienne, a été mis en examen le 23 décembre 2017 du chef d’assassinat par un juge d’instruction du tribunal de grande instance de Bobigny, puis placé en détention provisoire le même jour à la maison d’arrêt de Fresnes.
Par arrêt du 17 octobre 2022, la cour d’assises de Seine-Saint-Denis a été acquitté M. [Y] des faits reprochés. Ce dernier a été remis en liberté dans la nuit du 18 octobre 2022. Cette décision est devenue définitive à son égard, comme en atteste le certificat de non appel du 23 novembre 2022.
Par requête du 11 mars 2023, adressée au premier président de la cour d’appel de Paris, M. [Y] sollicite par l’intermédiaire de son avocat la réparation de la détention provisoire effectuée du 23 décembre 2017 au 18 octobre 2022.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiée le 04 octobre 2024, reprise oralement à l’audience du 07 octobre 2024, le requérant sollicite du premier président de la cour d’appel de Paris de :
– Condamner l’Etat à lui payer, les sommes suivantes :
‘ 66.801 euros en réparation de son préjudice matériel ;
‘ 7.000 euros en réparation de son préjudice corporel ;
‘560.000 euros en réparation de son préjudice moral ;
‘ 6.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions, notifiées par RPVA le 22 juillet 2024 et développées oralement, l’agent judiciaire de l’Etat demande au premier président de la cour d’appel de Paris de :
– Rejeter la demande au titre du préjudice matériel ;
– Ramener à de plus justes proportions la demande formulée au titre du préjudice moral qui ne saurait excéder la somme de 158.500 euros ;
– Statuer ce que de droit s’agissant de la demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.
Le Ministère Public, dans ses dernières conclusions notifiées le 15 juillet 2024, reprises oralement à l’audience, conclut :
– A la recevabilité de la requête pour une détention de 1759 jours ;
– A la réparation du préjudice moral dans les conditions indiquées ;
– Au rejet de la demande de réparation du préjudice corporel ;
– A la réparation du préjudice matériel dans les conditions indiquées.
PAR CES MOTIFS
Déclarons la requête de M. [V] [Y] recevable ;
Allouons à M. [V] [Y] les sommes suivantes :
– 170.000 euros en réparation de son préjudice moral ;
– 288 euros en réparation du préjudice matériel ;
– 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboutons M. [Y] du surplus de ses demandes ;
Laissons les dépens à la charge de l’Etat ;
Décision rendue le 18 Novembre 2024, prorogée au 20 janvier 2025 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
LA GREFFI’RE LE MAGISTRAT DÉLÉGUÉ
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