Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Indemnisation suite à une détention provisoire : évaluation des préjudices moral et matériel
→ RésuméContexte de la requêteM. [C] [V], de nationalité marocaine, a été mis en examen pour homicide volontaire en mai 2014 et placé en détention provisoire. Il a été libéré sous contrôle judiciaire en juin 2014. En juin 2019, il a été acquitté des charges de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner. En juin 2021, la cour d’assises d’appel a confirmé cet acquittement, rendant la décision définitive. Demande d’indemnisationLe 20 octobre 2021, M. [V] a déposé une requête auprès de la cour d’appel de Paris pour obtenir une indemnisation pour sa détention provisoire, sollicitant des réparations pour préjudice moral, matériel et des frais juridiques. Il a demandé 25 000 euros pour le préjudice moral, 11 500 euros pour le préjudice matériel et 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Réponses des partiesL’agent judiciaire de l’État a demandé l’irrecevabilité de la requête, tout en proposant une indemnisation réduite à 7 400 euros pour le préjudice moral et le rejet des demandes de préjudice matériel. Le Ministère Public a également plaidé pour l’irrecevabilité, mais a admis la recevabilité pour une détention de 45 jours, tout en soutenant le rejet des demandes de préjudice matériel. Recevabilité de la requêteLa cour a jugé la requête recevable, notant que M. [V] avait respecté le délai de six mois pour demander réparation après son acquittement. La demande était conforme aux exigences du Code de procédure pénale, et la décision d’acquittement ne relevait d’aucun cas d’exclusion. Évaluation du préjudice moralM. [V] a fait valoir que son isolement en détention, l’éloignement de sa compagne et les conditions de détention avaient aggravé son préjudice moral. L’agent judiciaire a contesté ces éléments, arguant que l’isolement était de son propre fait et que les conditions de détention n’étaient pas pertinentes. La cour a finalement accordé 8 000 euros pour le préjudice moral. Évaluation du préjudice matérielConcernant la perte de revenus, M. [V] a demandé 2 500 euros, mais n’a pas fourni de justificatifs. La cour a rejeté cette demande, notant l’absence de preuves concernant sa rémunération. Pour la perte de chance, M. [V] a sollicité 9 000 euros, mais la cour a estimé qu’il n’avait pas démontré que son incarcération avait causé son départ de la légion étrangère. Décision finaleLa cour a déclaré la requête de M. [C] [V] recevable et a accordé 8 000 euros pour le préjudice moral et 1 500 euros pour les frais juridiques, tout en rejetant le surplus des demandes. Les dépens ont été laissés à la charge de l’État. La décision a été rendue le 18 novembre 2024, avec une prorogation pour mise à disposition de l’arrêt au greffe. |
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Chambre 1-5DP
RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES
DÉCISION DU 20 Janvier 2025
(n° , 5 pages)
N°de répertoire général : N° RG 21/19869 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEVLO
Décision contradictoire en premier ressort ;
Nous, Jean-Paul BESSON, Premier Président de chambre, à la cour d’appel, agissant par délégation du premier président, assisté de [O] [H], Greffière stagiaire lors des débats et de la mise à disposition avons rendu la décision suivante :
Statuant sur la requête déposée le 20 Octobre 2021 par Monsieur [C] [V]
né le [Date naissance 2] 1986 à [Localité 4] ( MAROC), demeurant [Adresse 3]
Non comparant
Représenté par Maître Henri DE BEAUREGARD, avocat au barreau de PARIS
Vu les pièces jointes à cette requête ;
Vu les conclusions de l’Agent Judiciaire de l’Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l’audience fixée au 07 Octobre 2024 ;
Entendu Maître Henri DE BEAUREGARD représentant Monsieur [C] [V],
Entendu Maître Anne-Laure ARCHAMBAULT, avocat au barreau de PARIS représentant l’Agent Judiciaire de l’Etat,
Entendue Madame Laure DE CHOISEUL, magistrate honoraire,
Les débats ayant eu lieu en audience publique, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;
Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du Code de Procédure Pénale ;
* * *
M. [C] [V], né le [Date naissance 2] 1986, de nationalité marocaine, a été mis en examen du chef d’homicide volontaire le 05 mai 2014 par un juge d’instruction du tribunal de grande instance de Paris. Par ordonnance du juge des libertés et de la détention de la même juridiction, il a été placé en détention provisoire à la maison d’arrêt de [Localité 5].
Par ordonnance du 19 juin 2014, le magistrat instructeur a remis en liberté M. [V] et l’a placé sous contrôle judiciaire.
Par arrêt du 21 juin 2019, la cour d’assises de Paris a acquitté M. [V] du chef de violences avec usage ou menace d’une arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner.
Sur appel du Ministère Public, par arrêt du 18 juin 2021, la cour d’assises d’appel de Seine-Saint-Denis a acquitté le requérant. Cette décision est devenue définitive à son égard comme en atteste le certificat de non pourvoi du 19 juillet 2024.
Le 20 octobre 2021, M. [V] a adressé une requête au premier président de la cour d’appel de Paris en vue d’être indemnisé de sa détention provisoire en application de l’article 149 du code de procédure pénale et sollicite dans celle-ci, de :
– Déclarer recevable et bien fondée la demande d’indemnisation ;
– Ordonner l’allocation au bénéfice de M. [V] des sommes suivantes :
– 25 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
– 11 500 euros en réparation de son préjudice matériel ;
– 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA, déposées le 15 juillet 2024 et développées oralement, l’agent judiciaire de l’Etat demande au premier président de :
A titre principal
– Déclarer irrecevable la requête de M. [V] ;
A titre subsidiaire
– Réduire à de plus justes proportions qui ne sauraient excéder la somme de 7 400 euros l’indemnité qui sera allouée à M. [V] en réparation de son préjudice moral ;
– Rejeter la demande d’indemnisation de M. [V] en réparation de son préjudice matériel ;
– Réduire à de plus justes proportions la demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Ministère Public, dans ses dernières conclusions notifiées le 10 juillet 2024 et reprises oralement à l’audience, conclut :
A titre principal
– A l’irrecevabilité de la requête ;
A titre subsidiaire
– A la recevabilité de la requête pour une détention provisoire de 45 jours ;
– A la réparation du préjudice moral dans les conditions indiquées ;
– Au rejet de la demande de réparation du préjudice matériel.
PAR CES MOTIFS
Déclarons la requête de M. [C] [V] recevable ;
Lui allons les sommes suivantes :
– 8 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
– 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboutons M. [C] [V] du surplus de ses demandes ;
Laissons les dépens à la charge de l’Etat ;
Décision rendue le 18 Novembre 2024, prorogée au 20 janvier 2025 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
LA GREFFI’RE LE MAGISTRAT DÉLÉGUÉ
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