Cour d’Appel de Paris, 19 janvier 2018
Cour d’Appel de Paris, 19 janvier 2018

Type de juridiction : Cour d’Appel

Juridiction : Cour d’Appel de Paris

Thématique : Contrat de production exécutive internationale

Résumé

La production audiovisuelle à l’étranger nécessite un contrôle rigoureux des dépenses, surtout en cas de production exécutive internationale. Des désaccords financiers peuvent survenir, comme ce fut le cas lors du tournage d’un film sur la seconde guerre de Tchétchénie, délocalisé en Géorgie. Les coproducteurs ont demandé un audit comptable face à des factures non honorées. Le producteur exécutif a alors sollicité une provision, mais les juges ont rejeté sa demande en raison de réserves majeures sur les dépenses. L’audit a révélé des irrégularités, rendant la créance non évidente, condition utilele pour l’intervention du juge des référés.

Production audiovisuelle à l’étranger

En présence d’une production exécutive internationale, il est incontournable de procéder à un strict contrôle des dépenses faites par le producteur exécutif, voire de soumettre ces dépenses à une validation préalable des coproducteurs. En cas de doute, il est opportun de mandater un cabinet pour réaliser un audit approfondi des dépenses du producteur exécutif. Dans cette affaire, afin de coproduire un film évoquant la seconde guerre de Tchétchénie, deux sociétés de production ont décidé, compte tenu des difficultés administratives et de sécurité, que le tournage serait délocalisé en Géorgie, pays voisin. Dans ce contexte, les sociétés ont fait appel à une société de production exécutive géorgienne.

Désaccord sur les dépenses de production exécutive

Le tournage du film a été achevé mais des désaccords financiers sont apparus entre les parties dès le début de leur collaboration. Les coproducteurs ont fait diligenter un audit comptable des comptes de la production exécutive du film par un cabinet géorgien. Face au refus de la production d’honorer ses factures, le producteur exécutif a saisi les juges consulaires d’une demande de provision.

Condition de l’obligation non sérieusement contestable

Le producteur exécutif géorgien a assigné la production sur le fondement de l’article 873 al. 2 du code de procédure civile (référé-provision) : dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce peut accorder une provision au créancier. Le montant de cette provision n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée. Les juges n’ont pas fait droit à cette demande en raison des réserves majeures pointées par le rapport d’audit. L’audit exposait notamment le fait qu’il n’était pas en mesure de confirmer si l’ensemble des dépenses en termes de salaire ont été approuvées ou non par le réalisateur français, et donc si les dépenses étaient réellement liées au film (un tiers des dépenses du film). La société géorgienne n’était pas non plus en règle avec l’administration fiscale puisqu’une partie de la retenue à la source qui aurait due être déclarée ne l’a pas été. La créance du producteur exécutif ne relevait pas de l’évidence, seule condition d’intervention du juge des référés.

Avances sur TVA dans les productions étrangères

Selon une pratique habituelle dans la production cinématographique la société géorgienne s’était engagée à procéder au paiement et à la récupération pour le compte de la production, de la TVA géorgienne, la société bénéficiant pour se faire d’une avance de trésorerie de 300.000 euros dans le but de préfinancer la TVA remboursée. En contrepartie des services du producteur exécutif, la production devait payer à ce dernier la somme de 300.000 euros remboursable sur les remontées de TVA sous réserve que la société géorgienne ait pleinement rempli ses obligations contractuelles.

Le producteur s’était donc engagé à financer l’ensemble des dépenses hors taxe nécessaires à la production du film, le producteur exécutif se chargeant de récupérer la TVA acquittée sur les factures fournisseurs en conservant à titre de rémunération, un montant de 300.000 euros qui lui a été remis initialement pour préfinancer la TVA.

Ce système est une pratique courante dans les productions d’oeuvres cinématographiques dont le tournage se déroule à l’étranger qui permet à la production déléguée d’intéresser le producteur exécutif à la récupération de la TVA payée à l’étranger, la pratique démontrant que sans ce type de procédés contractuels, la TVA étrangère n’est pas efficacement récupérée par la production déléguée.

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