Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Récupération d’indemnités : enjeux de la prescription et de la reconnaissance de dette.
→ RésuméAccident de travail et prise en chargeMme [E] [W] a subi un accident de travail le 29 janvier 2017, qui a été pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis (la Caisse) à partir du 1er mars 2017, conformément à la législation sur les risques professionnels. Trop-perçu et notification de remboursementLa Caisse a constaté qu’elle avait versé des indemnités journalières sur la base d’un taux erroné, soit 99,04 euros au lieu de 54,93 euros. Par conséquent, le 1er novembre 2019, elle a notifié à Mme [W] un remboursement de 22 315,03 euros pour le trop-perçu entre le 28 septembre 2017 et le 23 avril 2019. Recours et décision de la commissionMme [W] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable, qui a rejeté son recours le 29 juillet 2020, confirmant qu’elle devait encore 22 057,07 euros. Cette décision a été notifiée à Mme [W] le 5 août 2020, ce qui l’a poussée à saisir le tribunal judiciaire de Bobigny. Jugement du tribunal judiciaireLe 6 avril 2021, le tribunal a déclaré prescrite l’action de la Caisse pour les paiements effectués avant le 1er novembre 2017, condamnant Mme [W] à rembourser 20 116,67 euros à la Caisse, tout en lui accordant 20 116,67 euros de dommages et intérêts. Le tribunal a également ordonné une compensation entre ces deux montants. Appel et demandes des partiesLa Caisse a interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement et le remboursement de 22 315,03 euros. Mme [W], de son côté, a demandé la péremption de l’instance d’appel et a contesté le montant de la créance, tout en sollicitant des dommages et intérêts. Péremption de l’instanceMme [W] a soutenu que l’instance était périmée depuis le 14 mai 2023, faute de diligences de la Caisse. La Caisse a rétorqué que le délai de péremption n’avait pas commencé à courir, car la direction de la procédure était entre les mains du greffe. Remise de dette et reconnaissance de créanceLa Caisse a affirmé que la demande de remise de dette de Mme [W] constituait une reconnaissance de la créance. Mme [W] a contesté cette interprétation, arguant qu’elle n’avait pas reconnu la dette et qu’elle avait contesté l’existence de l’indu. Existence de l’indu et prescriptionLes parties ont convenu que la Caisse avait versé des indemnités journalières à Mme [W] sur la base d’un montant erroné. La Caisse a justifié le montant de l’indu, tandis que Mme [W] a contesté le calcul et la période retenue pour le remboursement. Demande de dommages et intérêtsLa Caisse a demandé l’infirmation du jugement qui l’avait condamnée à verser des dommages et intérêts à Mme [W], arguant qu’elle n’avait commis aucune faute. Mme [W] a soutenu que la Caisse avait agi de manière fautive en procédant à des retenues sans information préalable. Décision de la courLa cour a déclaré l’appel de Mme [W] recevable, a infirmé le jugement du 6 avril 2021 concernant le remboursement de 20 116,67 euros, et a condamné Mme [W] à rembourser 20 111,67 euros à la Caisse. La Caisse a également été condamnée à verser 500 euros à Mme [W] au titre de l’article 700 du code de procédure civile. |
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 12
ARRÊT DU 17 Janvier 2025
(n° , 13 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 21/04526 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDXCN
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Avril 2021 par le Pole social du TJ de BOBIGNY RG n° 20/01586
APPELANTE
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA SEINE SA INT DENIS
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901
INTIMEE
Madame [E] [W]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Nathalie BAILLOD, avocat au barreau de PARIS, toque : L0214
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Novembre 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Sandrine BOURDIN, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre
Monsieur Christophe LATIL, conseiller
Madame Sandrine BOURDIN, conseillère
Greffier : Madame Fatma DEVECI, lors des débats
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre et par Madame Agnès ALLARDI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l’appel interjeté par la caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis d’un jugement rendu le 6 avril 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Bobigny (RG 20/01586) dans un litige l’opposant à Mme [E] [W].
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que Mme [E] [W] a été victime d’un accident du travail le 29 janvier 2017 qui a été pris en charge par la caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis (ci-après désignée « la Caisse ») au titre de la législation sur les risques professionnels par décision du 1er mars 2017.
Constatant qu’elle avait versé des indemnités journalières au regard d’un taux journalier erroné, soit 99,04 euros au lieu de 54,93 euros, la Caisse a, par lettre datée du
1er novembre 2019 adressé à Mme [W] une notification d’avoir à payer la somme de 22 315,03 euros correspondant à un trop perçu sur les indemnités journalières entre le 28 septembre 2017 et le 23 avril 2019.
Mme [W] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable laquelle lors de sa séance du 29 juillet 2020, a rejeté son recours et l’a informée qu’elle restait redevable de 22 057,07 euros.
Cette décision lui a été notifiée par courrier daté du 5 août 2020 qui l’a contestée devant le pôle social du tribunal judiciaire de Bobigny.
Par jugement du 6 avril 2021, le tribunal a :
– déclaré prescrite l’action de la Caisse pour les paiements intervenus avant le
1er novembre 2017, soit les sommes versées au titre des indemnités journalières du
28 septembre au 18 octobre 2017,
– condamné Mme [W] à payer à la Caisse la somme de 20 116,67 euros en restitution de l’indu,
– condamné la Caisse à payer à Mme [W] la somme de 20 116,67 euros à titre de dommages et intérêts,
– ordonné la compensation entre les deux condamnations ci-dessus,
– débouté Mme [W] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.
Le tribunal a, tout d’abord, considéré que l’action en recouvrement de la Caisse était prescrite pour les sommes versées au mois d’octobre 2017 relevant qu’en matière d’indu, l’organisme devait engager les poursuites non dans les conditions de l’alinéa 1er de l’article L. 332-1 du code de la sécurité sociale, applicable uniquement aux assurés, mais dans les conditions de l’alinéa 3. Il a, ensuite considéré, que le courrier de demande de délai de paiement ne pouvait s’analyser en une reconnaissance du bien fondé de la demande de la Caisse et que celle-ci en procédant à des retenues sur prestations sans avoir au préalable informé l’assurée, puis malgré sa contestation, avait commis une faute entraînant un préjudice au profit de Mme [W] qu’il convenait de chiffrer au même montant que l’indu.
La présente cour ne disposant pas des avis de réception des courriers de notification du jugement du précité, le dossier de première instance n’ayant pas été communiqué par le tribunal judiciaire de Bobigny, l’appel interjeté par Mme [W] par déclaration électronique du 14 mai 2021 doit être déclaré recevable.
L’affaire a alors été fixée à l’audience du conseiller rapporteur du 14 septembre 2024 puis à celle du 12 novembre 2024 lors de laquelle les parties étaient présentes ou représentées.
Au visa de ses conclusions, la Caisse demande à la cour de :
A titre principal,
– infirmer le jugement rendu le 6 avril 2021 en toutes ses dispositions et, en conséquence,
– condamner Mme [W] à lui verser la somme de 22 315,03 euros en deniers ou quittances au titre de l’indu,
A titre subsidiaire,
-infirmer le jugement rendu le 6 avril 2021, sauf en ce qu’il a condamné
Mme [W] à lui verser la somme de 20 116,67 euros au titre de l’indu et, en conséquence,
– condamner Mme [W] à lui verser la somme de 20 116,67 euros au titre de l’indu,
En tout état de cause,
– débouter Mme [W] de toutes ses demandes,
– condamner Mme [W] en tous les dépens.
Mme [W], au visa de ses conclusions, demande à la cour de :
A titre liminaire,
– constater la péremption de l’instance d’appel,
A titre subsidiaire,
– la recevoir en son appel incident,
– infirmer le jugement entrepris en qu’il l’a condamnée à payer à la Caisse la somme de 20 116,67 euros en restitution de l’indu,
Et statuant à nouveau,
– constater le caractère erroné de la fixation de la créance revendiquée par la Caisse,
En conséquence,
– annuler la décision de la commission de recours amiable du 5 août 2020,
– juger que la demande de restitution d’indu de la Caisse est infondée,
A titre infiniment subsidiaire,
-confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
En tout état de cause,
– débouter la Caisse de l’ensemble de ses demandes,
– condamner la Caisse à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, et en application du deuxième alinéa de l’article 446-2 et de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l’audience du
12 novembre 2024 qu’elles ont respectivement soutenues oralement.
Après s’être assurée de l’effectivité d’un échange préalable des pièces et des écritures, la cour a retenu l’affaire et mis son arrêt en délibéré au 17 janvier 2025.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire,
DÉCLARE l’appel formé par Mme [E] [W] recevable,
INFIRME le jugement du 6 avril 2021 du tribunal judiciaire de Bobigny (RG 20/1586) en ce qu’il a condamné Mme [E] [W] à payer à la caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis la somme de 20 116,67 euros en restitution de l’indu ;
CONFIRME le jugement du 6 avril 2021 pour le surplus ;
Y ajoutant et statuant à nouveau,
CONDAMNE Mme [E] [W] à payer à la caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis la somme de 20 111,67 euros au titre de l’indu d’indemnités journalières afférant à la période du 1er novembre 2017 au 23 avril 2019 ;
CONDAMNE la caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis à verser à Mme [W] une indemnité de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la caisse primaire d’assurance maladie de la Seine-Saint-Denis aux dépens de l’instance d’appel.
La greffière La présidente
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