Cour d’appel de Paris, 16 octobre 2024, RG n° 22/09600
Cour d’appel de Paris, 16 octobre 2024, RG n° 22/09600

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Transfert de contrats de travail : la non-reprise de la majorité des salariés titulaires d’un mandat de représentation

 

Résumé

M. [A], agent de sûreté, a été licencié par VIGIMARK SURETE lors de sa liquidation judiciaire en 2012. Bien que la société CAPITAL SECURITE ait repris certains contrats, M. [A], membre du comité d’entreprise, n’a pas été réintégré. Après une annulation de son licenciement par le ministre du travail, il a saisi le conseil de prud’hommes pour obtenir un rappel de salaire et a contesté la non-reprise de son contrat, invoquant des violations des dispositions conventionnelles. La cour d’appel a confirmé l’irrecevabilité de ses demandes, mais a partiellement annulé les décisions précédentes, renvoyant l’affaire pour réexamen.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

16 octobre 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/09600

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRET DU 16 OCTOBRE 2024

(n° , 13 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/09600 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGWOG

Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 25 avril 2018 par le conseil de prud’hommes de Bobigny infirmé par la cour d’appel de Paris par arrêt du 27 mai 2020, cassé partiellement par un arrêt de la chambre sociale de la cour de cassation en date du 9 mars 2022

DEMANDEUR A LA SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION

Monsieur [P] [A]

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représenté par Me Eric ALLERIT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241

DEFENDEURS A LA SAISINE SUR RENVOI APRES CASSATION

Monsieur [U] [L], ès qualité de mandataire liquidateur de la SARL VIGIMARK SURETE,

[Adresse 3]

[Localité 4]

Non représentée

Association AGS CGEA [Localité 9]

[Adresse 2]

BP 49019

[Localité 6]

Non représentée

S.A.R.L. CAPITAL SECURITE

[Adresse 1]

[Localité 8]

Représentée par Me Anne QUENTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0381

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 19 Juin 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre

Monsieur Fabrice MORILLO, conseiller

Madame Nelly CHRETIENNOT, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur Fabrice MORILLO, conseiller dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE

ARRET :

– réputé contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre et par Madame Marika WOHLSCHIES, greffier, présent lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 21 septembre 2001, M. [P] [A] a été engagé en qualité d’agent de sûreté par la société AEROSUR, aux droits de laquelle est venue la société VIGIMARK SURETE, la relation de travail étant soumise aux dispositions de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité.

Par jugement du 1er mars 2012, le tribunal de commerce de Beauvais a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société VIGIMARK SURETE avec poursuite de l’activité jusqu’au 15 avril 2012 et a désigné la société LEBLANC [L] HERBAUT, en la personne de Maître [L], en qualité de liquidateur ainsi que la société ROUVROY [R], en la personne de Maître [R], en qualité d’administrateur judiciaire.

Par jugement du 20 mars 2012, le tribunal de commerce de Beauvais a mis fin à la poursuite d’activité au 31 mars 2012, a maintenu Maître [R] en qualité d’administrateur judiciaire et l’a autorisé à procéder au licenciement de la totalité du personnel en tant que de besoin.

En mars 2012, la société CAPITAL SECURITE a repris les marchés de la société VIGIMARK SURETE auprès du client SERVAIR sur les sites des aéroports [11] et [10] et a mis en oeuvre une procédure de transfert conventionnel des contrats de travail en application de l’accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel, annexé à la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité.

Après autorisation de licenciement accordée suivant décision de l’inspecteur du travail en date du 26 juin 2012 compte tenu de la qualité de salarié protégé de M. [A] (membre du comité d’entreprise), ce dernier a été licencié par l’administrateur judiciaire et le liquidateur de la société VIGIMARK SURETE, suivant courrier recommandé du 27 juin 2012, pour motif économique en raison de « la fermeture de l’entreprise emportant cessation totale de toute activité au 31 mars 2012 et congédiement de l’ensemble du personnel », les autres salariés dont le contrat de travail n’avait pas fait l’objet d’un transfert conventionnel ayant pour leur part été licenciés le 12 avril 2012.

Suivant décision du 7 décembre 2012, le ministre du travail a annulé la décision de l’inspecteur du travail, le licenciement de M. [A] n’étant pas autorisé.

Sollicitant notamment un rappel de salaire en conséquence de l’application d’une qualification/classification conventionnelle, M. [A] avait saisi la juridiction prud’homale le 31 mars 2010.

Par jugement du 27 février 2012, le conseil de prud’hommes de Bobigny, statuant sous la présidence du juge départiteur, a condamné la société VIGIMARK SURETE à payer à M. [A] les sommes de 335,201 euros à titre de rappel de salaire et de 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, M. [A] ayant interjeté appel de ce jugement.

Invoquant notamment l’existence d’une violation par les sociétés VIGIMARK SURETE et CAPITAL SECURITE des dispositions conventionnelles concernant le transfert des salariés, M. [A], ainsi que plusieurs autres salariés dont le contrat de travail n’avait pas fait l’objet d’un transfert conventionnel, ont saisi la juridiction prud’homale d’une nouvelle requête le 12 juin 2015.

Par jugement du 25 avril 2018, le conseil de prud’hommes de Bobigny a déclaré les demandes de M. [A] irrecevables du fait de la prescription et l’a condamné aux dépens, M. [A] ayant également interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt du 27 mai 2020, la cour d’appel de Paris a :

– ordonné la jonction des deux procédures d’appel,

– confirmé le jugement du 25 avril 2018 mais seulement en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes formées par M. [A],

– infirmé le jugement du 27 février 2012 et, statuant à nouveau,

– débouté M. [A] de ses demandes en rappel de salaire sur coefficient 160, et, y ajoutant,

– déclaré irrecevables comme prescrites les demandes formées au titre de la remise en cause du bien fondé du licenciement,

– rejeté les demandes formées par M. [A] au titre de la violation des dispositions conventionnelles sur le transfert de l’accord du 5 mars 2002,

– fixé les créances de M. [A] au passif de la procédure collective de la société VIGIMARK SURETE aux sommes suivantes :

– 20 298,30 euros à titre d’indemnité d’éviction,

– 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral lié à la discrimination,

– 1 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté l’ensemble des autres demandes,

– déclaré le présent arrêt opposable à l’AGS CGEA [Localité 9] IDF EST dans les limites de la garantie légale et des plafonds applicables selon les dispositions des articles L. 3253-6 et 8 et D. 3253-5 et suivants du code du travail,

– laissé les dépens à la charge de la procédure collective de la société VIGIMARK SURETE.

M. [A] s’est pourvu en cassation.

Par arrêt du 9 mars 2022, après avoir relevé que :

« Vu l’article 2.5 de l’accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel, annexé à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985:

7. Selon ce texte, l’entreprise entrante est tenue de proposer la reprise de leur contrat de travail à au moins 85 % des salariés affectés au marché repris et figurant sur la liste du personnel transférable dressée par l’entreprise sortante, dans la limite toutefois du nombre de personnes nécessaires à l’exécution du marché, y compris dans sa nouvelle configuration éventuelle. La notion de configuration doit s’entendre exclusivement en terme quantitatif, les éventuelles modifications concernant la qualification professionnelle des salariés étant sans incidence pour la proposition de reprise.

8. Il en résulte qu’il n’est possible de déroger à l’obligation de reprendre 85 % des salariés affectés au marché repris que lorsque ce nombre n’est pas nécessaire à l’exécution du marché confié à l’entreprise entrante dans sa nouvelle configuration.

9. Pour débouter les salariés de leur demande tendant à ce que soit constatée la violation par la société Capital sécurité des dispositions conventionnelles concernant le transfert des contrats de travail, les arrêts retiennent que celle-ci était fondée à limiter la proposition de reprise des contrats de travail à seulement 77 des 138 salariés correspondant à 85 % des 163 salariés figurant sur la liste du personnel de l’entreprise sortante qui étaient transférables, dès lors que rien ne permet de remettre en cause le calcul du nombre de personnes nécessaires à l’exécution des différents marchés tel qu’effectué par la société Capital sécurité sur la base des cahiers des charges de chacun des marchés, la référence à un volume d’heures par marché divisé par un temps plein permettant de déterminer le nombre de salariés à temps plein nécessaire à la réalisation du marché et donc de répondre aux exigences du texte conventionnel.

10. En se déterminant ainsi, sur le fondement d’une simulation du nombre de salariés nécessaires à l’exécution de chacun des marchés, effectuée par la société entrante sur la base du cahier des charges des marchés repris, sans rechercher, comme il lui était demandé, si la nouvelle configuration du marché, par la comparaison des missions antérieurement confiées à la société sortante avec celles confiées à la société entrante, autorisait une telle réduction de la masse salariale, la cour d’appel a privé sa décision de base légale. […]

Vu l’article 2.5 de l’accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel, annexé à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985:

12. Il résulte de ce texte que la proposition de reprise de la société entrante doit correspondre au minimum à 85 %, arrondi à l’unité inférieure, de la liste du personnel transférable dans la limite du nombre de personnes nécessaires à l’exécution du marché, y compris dans sa nouvelle configuration éventuelle.

13. Pour dire que la société entrante avait respecté ses obligations et débouter les salariés de leurs demandes, les arrêts se fondent sur le calcul effectué par la société entrante qui a appliqué le taux de 85 % à l’effectif du personnel nécessaire à l’accomplissement du nouveau marché transféré et non par référence au personnel transférable de la société sortante.

14. En statuant ainsi, alors que, lorsque l’entreprise entrante propose de reprendre moins de 85% de la liste du personnel transférable, elle doit proposer de reprendre la totalité du nombre de personnes nécessaires à l’exécution du marché, la cour d’appel a violé le texte susvisé.[…]

Vu l’article L. 1132-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2012-954 du 6 août 2012 et l’article L. 1134-1 du code du travail :

16. En application de ces textes, lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’une telle discrimination et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

17. Pour débouter les salariés de leur demande au titre d’une discrimination syndicale à l’encontre de la société Capital sécurité, les arrêts rappellent que les salariés évoquaient une discrimination à raison d’une activité syndicale, soulignant que sur les 77 salariés que la société Capital sécurité se proposait de reprendre, seuls deux étaient titulaires d’un mandat représentatif alors que sur les 163 salariés affectés, 32 étaient salariés protégés, puis ils retiennent que l’analyse du nombre de salariés protégés sur le panel de 163 ne peut être considérée comme pertinente.

18. Ils ajoutent que les salariés ne font qu’évoquer une situation sans aucunement présenter des éléments de fait permettant de faire une appréciation dans leur ensemble pour vérifier s’ils laissent supposer l’existence d’une discrimination syndicale.

19. Ils poursuivent en relevant que, si la société Vigimark sûreté a adressé à la société Capital sécurité en qualité de repreneur, des plannings mentionnant les bons de délégation, les réunions du comité d’entreprise, les réunions des délégués syndicaux et les réunions des délégués du personnel et du CHSCT, stigmatisant ainsi le temps consacré par les intéressés à l’exercice de leur mandat, en l’absence toutefois d’autre élément sur ce point la réception du document ainsi établi par la société Vigimark sûreté ne peut être considérée comme suffisante pour laisser supposer une discrimination directe ou indirecte commise par la société Capital sécurité à l’encontre des salariés, alors au demeurant que ne peut être retenu comme de nature à laisser supposer une discrimination le fait qu’aucun salarié doté de mandat syndicaux n’a reçu de proposition de reprise, la société Capital sécurité justifiant de telles propositions à deux autres salariés dont la réalité des activités syndicales n’a pas été remise en cause.

20. En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que seuls deux salariés protégés s’étaient vus proposer, après l’intervention de l’inspecteur du travail, la reprise de leur contrat de travail sur les 33 salariés disposant de mandats représentatifs au sein de l’entreprise Vigimark sûreté, soit moins de 6% d’entre eux, ce dont il résultait que les salariés présentaient des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination syndicale, et qu’il lui appartenait dès lors de rechercher si l’employeur prouvait que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés. »,

la chambre sociale de la Cour de cassation a :

– cassé et annulé, mais seulement en ce qu’ils déboutent MM. [A], [Z], [G], [D], [T] et [F] et Mmes [N], [J], [Y], [H] et [B] de leurs demandes visant à ce que soit constatée la violation par les société Vigimark sûreté et Capital sécurité des dispositions conventionnelles concernant le transfert des contrats de travail des salariés, de leurs demandes tendant à la fixation à leur profit au passif de la société Vigimark sûreté et à la condamnation de la société Capital sécurité à leur verser différentes sommes à titre d’indemnité pour le préjudice matériel résultant du refus de procéder au transfert du contrat de travail, et d’une indemnité pour frais irrépétibles et en ce qu’ils déboutent MM. [A] et [T] et Mmes [H] et [B] de leur demandes dirigées contre la société Capital sécurité au titre de la discrimination dans l’application des dispositions de l’accord du 5 mars 2002 sur le transfert des contrats de travail, de leur demande de réintégration dans leur emploi au sein de la société Capital sécurité et dommages-intérêts pour préjudice moral, les arrêts rendus le 27 mai 2020, entre les parties, par la cour d’appel de Paris,

– remis, sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de Paris autrement composée.

La cour de renvoi a été saisie dans le délai imparti à l’article 1034 du code de procédure civile par déclaration de saisine de M. [A] du 31 octobre 2022.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 31 mai 2024, M. [A] demande à la cour de :

– infirmer les jugements rendus les 27 février 2012 et 25 avril 2018 par le conseil de prud’hommes de Bobigny en l’ensemble de leurs dispositions et, statuant à nouveau,

– le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes, fins et conclusions,

– constater la violation par les sociétés VIGIMARK SURETE et CAPITAL SECURITE des dispositions conventionnelles concernant le transfert des salariés et en conséquence,

– prononcer sa réintégration au sein de la société CAPITAL SECURITE sur le même poste que celui qu’il occupait au sein de la société VIGIMARK SURETE, ce dans un délai de 10 jours à compter de l’arrêt à intervenir et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé ce délai,

– se réserver la possibilité de liquider l’astreinte,

– fixer au passif de la société VIGIMARK SURETE à son profit et condamner solidairement la société CAPITAL SECURITE à lui payer les sommes suivantes :

– 39 515,08 euros à titre d’indemnité pour le préjudice matériel résultant du refus de procéder au transfert du contrat de travail,

– 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale,

– 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

– condamner solidairement la société CAPITAL SECURITE à lui payer la somme mensuelle de 1 474,40 euros à compter de janvier 2017 et jusqu’à sa réintégration à titre d’indemnité pour préjudice matériel résultant du refus de procéder au transfert du contrat de travail,

– dire que les sommes ci-dessus porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception

par les sociétés VIGIMARK SURETE et CAPITAL SECURITE de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes,

– déclarer « le jugement » à intervenir opposable à l’AGS-CGEA [Localité 9],

– prendre acte de ce qu’il abandonne toute demande à l’égard de la société ACNA,

– condamner solidairement les sociétés VIGIMARK SURETE et CAPITAL SECURITE au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 février 2023, la société CAPITAL SECURITE demande à la cour de :

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Bobigny en date du 25 avril 2018,

– débouter M. [A] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner M. [A] au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Suivant ordonnance de désistement partiel du 3 juillet 2023, le conseiller de la mise en état a constaté l’extinction de l’instance et le dessaisissement de la cour à l’égard de la société ACNA et a dit que l’instance se poursuit à l’égard des autres parties.

La société LEBLANC [L] HERBAUT en la personne de Maître [L], ès qualités, ainsi que l’association UNEDIC Délégation AGS CGEA d'[Localité 9] n’ont pas constitué avocat en cause d’appel.

L’instruction a été clôturée le 18 juin 2024 et l’affaire a été fixée à l’audience du 19 juin 2024.

MOTIFS

Selon l’article 624 du code de procédure civile, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l’arrêt qui la prononce. Elle s’étend également à l’ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

Il résulte en outre de l’article 638 du même code que l’affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l’exclusion des chefs non atteints par la cassation.

Il résulte de ces textes que la cassation qui atteint un chef de dispositif n’en laisse rien subsister, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation, et que par l’effet de la cassation partielle intervenue, aucun des motifs de fait ou de droit ayant justifié la disposition annulée ne subsiste, les parties étant remises dans l’état où elles se trouvaient avant la décision censurée et l’affaire étant à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l’exclusion des chefs non atteints par la cassation.

Sur l’application des dispositions de l’accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel, annexé à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité

M. [A] fait valoir que la société CAPITAL SECURITE a violé les dispositions conventionnelles de l’accord du 5 mars 2002, et ce s’agissant du pourcentage de salariés repris, de la non-reprise de la majorité des salariés titulaires d’un mandat de représentation et de la proposition aux salariés d’un avenant de reprise du personnel comportant des clauses sensiblement différentes de celles du contrat initial (modification fonctionnelle et modification du lieu d’exécution du contrat). Il souligne que les sociétés VIGIMARK SURETE et CAPITAL SECURITE ont agi de concert pour évincer certains salariés du bénéfice de l’application des dispositions conventionnelles, manifestant ainsi l’existence d’une collusion frauduleuse. Il ajoute concernant la discrimination que l’attitude de la société VIGIMARK SURETE, consistant à identifier les salariés protégés, et celle de la société CAPITAL SECURITE, consistant à ne proposer la reprise d’aucun d’entre eux, sont constitutives d’une discrimination fondée sur l’exercice d’activités représentatives et syndicales.

La société CAPITAL SECURITE réplique qu’elle a parfaitement respecté ses obligations conventionnelles relatives au périmètre des marchés transférés et, qu’en tout état de cause, M. [A] ne remplissait pas l’ensemble des conditions requises pour être transféré, la société ayant appliqué des critères objectifs dans le choix du personnel transféré. Concernant la discrimination, elle souligne que la société VIGIMARK SURETE, en sa qualité d’entreprise sortante, avait l’obligation de solliciter l’autorisation de transfert du contrat de travail des salariés protégés auprès de l’inspection du travail, ce qu’elle n’a jamais fait, plaçant ainsi la société CAPITAL SECURITE dans l’impossibilité de procéder à la reprise des salariés protégés, de sorte qu’elle ne peut être tenue responsable du manquement de la société VIGIMARK SURETE concernant ses obligations relatives aux demandes d’autorisation de transfert du contrat de travail des salariés protégés. Elle indique enfin que M. [A] a d’ores et déjà bénéficié de dommages-intérêts pour discrimination syndicale, sur le même fondement, de la part de la société VIGIMARK SURETE dans le cadre de l’arrêt de la cour d’appel du 27 mai 2020, les demandes relatives à la remise en cause du licenciement étant en tout état de cause prescrites.

Selon l’article 2.5 (Modalités de transfert) de l’accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel, annexé à la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité, l’entreprise sortante peut conserver tout ou partie de son personnel en vue de l’affecter à d’autres marchés.

Elle communique à l’entreprise entrante la liste du personnel transférable selon les critères visés à l’article 2.4 du présent accord dans les 8 jours ouvrables à compter de la date où l’entreprise entrante s’est fait connaître.

Cette liste sera accompagnée d’une copie du contrat de travail pour chacun des salariés concernés, ainsi que des justificatifs des formations, et les demandes de congés déposées dans les conditions prévues par le code du travail.

Dès réception de la liste, l’entreprise entrante convoque les salariés à un entretien individuel dans un délai maximum de 10 jours par lettre recommandée avec AR ou remises en mains propres contre décharge. Cet entretien interviendra dans les 10 jours ouvrables suivant la première présentation de la lettre.

Les salariés qui, sans s’être manifestés, ne se sont pas présentés à l’entretien devront justifier de leur absence sous un délai de 24 heures.

A l’issue de ce délai, et faute d’avoir justifié cette absence, ils seront exclus de la liste du personnel transférable.

Les salariés absents pour congés de toute nature seront reçus à leur retour.

A compter du dernier de ces entretiens individuels, dans un délai de 3 jours ouvrables maximum, l’entreprise entrante communique à l’entreprise sortante, par lettre recommandée avec accusé de réception, la liste du personnel qu’elle se propose de reprendre.

Cette proposition doit correspondre au minimum à 85 % (arrondi à l’unité inférieure) de la liste du personnel transférable susvisé dans la limite du nombre de personnes nécessaires à l’exécution du marché, y compris dans sa nouvelle configuration éventuelle.

La notion de configuration doit s’entendre exclusivement en terme quantitatif, les éventuelles modifications concernant la qualification professionnelle des salariés étant sans incidence pour la proposition de reprise.

En application des dispositions qui précèdent, aucune obligation en terme de proposition de reprise ne sera à la charge de l’entreprise entrante lorsque le nombre de salariés transférables sera limité à une seule personne.

Concomitamment, l’entreprise entrante informe individuellement les salariés retenus et fixe un rendez-vous dans les plus brefs délais pour l’exécution des formalités de transfert prévues à l’article 3 du présent accord, par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en mains propres contre décharge.

La proposition de reprise sera accompagnée de l’avenant au contrat visé à l’article 3.2 du présent accord.

Cette proposition devra mentionner le délai maximal de réponse fixé à 4 jours ouvrables et rappellera que l’absence de réponse sera considérée comme un refus.

A l’issue du délai de réponse fixé à l’alinéa ci-dessus, l’entreprise entrante informe, sous 48 heures, par lettre recommandée avec accusé de réception l’entreprise sortante de la liste des salariés ayant accepté ou refusé le transfert.

Le refus d’un salarié d’intégrer l’entreprise entrante n’oblige en aucune manière cette dernière à proposer une liste complémentaire.

Il résulte par ailleurs de l’article 4 (Représentants du personnel, délégués et représentants syndicaux) de l’accord du 5 mars 2002 que les salariés titulaires d’un mandat de représentation du personnel devront bénéficier des dispositions légales applicables en matière de protection et de transfert de contrat de travail, les conditions d’ancienneté requises en matière de représentation du personnel ou de représentation syndicale s’appréciant telles que définies par les dispositions du code du travail en vigueur, les modalités de transfert des mandats étant celles résultant de l’application de la réglementation en vigueur à savoir :

– Titulaires d’un mandat attaché au site : dans ce cas, et après autorisation de son transfert demandé par l’entreprise sortante à l’administration compétente, le salarié conserve son mandat jusqu’à son terme,

– Titulaires d’un mandat ou d’une désignation plus large que celui du site : l’autorisation de transfert est demandée par l’entreprise sortante à l’administration compétente. Dans l’hypothèse où l’autorisation de transfert est accordée, le salarié perd son mandat et conserve la protection légale attachée à son mandat.

Sur le pourcentage de salariés repris

Il résulte des dispositions précitées, d’une part, qu’il n’est possible de déroger à l’obligation de reprendre 85 % des salariés affectés au marché repris que lorsque ce nombre n’est pas nécessaire à l’exécution du marché confié à l’entreprise entrante dans sa nouvelle configuration, le juge devant notamment rechercher si la nouvelle configuration du marché, par la comparaison des missions antérieurement confiées à la société sortante avec celles confiées à la société entrante, autorisait une telle réduction de la masse salariale et, d’autre part, que la proposition de reprise de la société entrante doit correspondre au minimum à 85 %, arrondi à l’unité inférieure, de la liste du personnel transférable dans la limite du nombre de personnes nécessaires à l’exécution du marché, y compris dans sa nouvelle configuration éventuelle, l’entreprise entrante, qui propose de reprendre moins de 85 % de la liste du personnel transférable, devant proposer de reprendre la totalité du nombre de personnes nécessaires à l’exécution du marché.

En l’espèce, si la société CAPITAL SECURITE indique avoir effectué, compte tenu des contraintes imposées par les différents cahiers des charges applicables aux marchés, une simulation du volume d’heures nécessaires à l’exécution des prestations, la détermination de ce volume horaire lui ayant ensuite permis de calculer l’effectif de salariés à temps plein nécessaires à l’exécution des prestations (selon la formule : volume d’heures par marché / nombre mois ÷ 151,67 heures = nombre de salariés à temps plein par marché), la cour relève cependant qu’elle se limite à cet égard à affirmer que les missions confiées à la société VIGIMARK SURETE n’étaient pas similaires à celles lui étant dévolues, et ce en s’abstenant (à l’exception du marché ACNA « Clean & Search ») de procéder à une comparaison concrète, précise et détaillée des missions antérieurement confiées à la société sortante avec celles lui étant effectivement confiées en sa qualité de société entrante.

Or, au vu des cahiers des charges applicables aux différents marchés litigieux ainsi que du tableau comparatif établi par les salariés sur la base de ces mêmes cahiers des charges, les intéressés ayant notamment procédé à une comparaison complète et détaillée des missions antérieurement confiées à la société VIGIMARK SURETE avec celles confiées à la société CAPITAL SECURITE, il apparaît que les marchés SERVAIR 1 PAP, SERVAIR 2 PIFP/PC, BASE HANDLING PAP, [10] AIR TRAITEUR PAP, [10] AIR TRAITEUR PIFP et PARIF ainsi que ACNA PAP connaissent des configurations inchangées, seuls les marchés SERVAIR 2 PAP (passage de 2 agents le matin, 2 agents l’après-midi et 1 agent la nuit à 1 agent le matin, 1 agent l’après-midi et 1 agent la nuit) et BASE HANDLING PIFP (passage de 2 agents le matin, 2 agents l’après-midi et 1 agent la nuit à 2 agents 24h/24 et 7j/7) présentant des configurations différentes, de sorte que la cour est en mesure de retenir que le nombre total de salariés nécessaires à l’exécution des marchés précités est de 92 (contre 94 auparavant).

S’agissant du dernier marché ACNA « Clean & Search » (appelé ACNA-Pistes par les salariés) relatif aux prestations de contrôle de sûreté approfondi des vols Air France à destination des USA recouvrant, d’une part, une mission de fouille de sûreté approfondie et, d’autre part, une mission de surveillance générale et de maintien de l’intégrité, si les cahiers des charges produits (en date des 6 septembre 2010 pour VIGIMARK SURETE et 1er avril 2012 pour CAPITAL SECURITE) ne comportent effectivement pas de critère quantitatif relatif aux effectifs nécessaires à l’accomplissement des prestations, VIGIMARK SURETE y affectant 69 salariés (soit 2 agents par vol sur la base du planning des vols AIR FRANCE à destination des USA), la société CAPITAL SECURITE soutenant pour sa part que seules 25 personnes étaient nécessaires pour assurer les prestations afférentes à ce marché, la cour relève à la lecture des cahiers des charges précisés ainsi que du comparatif inclus dans les conclusions de la société CAPITAL SECURITE, qu’alors que VIGIMARK SURETE avait uniquement en charge la mission de fouille de sûreté approfondie impliquant une intervention entre H-2 et H-1 sur les vols Air France AF022, AF028 et AF084 à destination des USA, le cahier des charges applicable à CAPITAL SECURITE mentionne que celle-ci peut effectivement se voir confier, tant la même mission de fouille de sûreté approfondie impliquant une intervention entre H-2 et H-1 (appareils A380 ou autres appareils), qu’une mission de surveillance générale et de maintien de l’intégrité (MI) impliquant une intervention de H-3H30 jusqu’à la prise en compte de l’appareil par les personnels d’équipage (appareils A380) ou de H-3H00 jusqu’à la prise en compte de l’appareil par les personnels d’équipage (autres appareils). Il résulte de cette comparaison que la nouvelle configuration du marché, impliquant manifestement un accroissement des missions confiées à la société entrante, n’était en toute hypothèse pas de nature à autoriser ou à justifier une réduction de la masse salariale nécessaire à la bonne exécution du marché, de sorte que le nombre total de 69 salariés nécessaires à l’exécution du marché (tel que mentionné dans le tableau comparatif établi par les salariés) sera retenu par la cour.

Dès lors, la proposition de reprise de la société entrante devant correspondre au minimum à 85 %, arrondi à l’unité inférieure, de la liste du personnel transférable (soit en l’espèce 138 salariés correspondant à 85 % de la liste de 163 salariés transférables), dans la limite du nombre de personnes nécessaires à l’exécution du marché, y compris dans sa nouvelle configuration éventuelle, et non pas à 85 % de l’effectif du personnel nécessaire à l’accomplissement du nouveau marché transféré, étant par ailleurs rappelé qu’il n’est en toute hypothèse possible de déroger à l’obligation de reprendre 85 % des salariés affectés au marché repris que lorsque ce nombre n’est pas nécessaire à l’exécution du marché confié à l’entreprise entrante dans sa nouvelle configuration et que lorsque l’entreprise entrante propose de reprendre moins de 85% de la liste du personnel transférable, elle doit proposer de reprendre la totalité du nombre de personnes nécessaires à l’exécution du marché, soit en l’espèce 161 salariés (92 + 69) ainsi que cela résulte des développements précédents, il apparaît qu’en ne proposant la reprise que de 77 salariés, la société CAPITAL SECURITE a effectivement méconnu les dispositions précitées de l’accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel.

Il sera de surcroît observé que même dans l’hypothèse de l’estimation alléguée par la société CAPITAL SECURITE d’un total de 95 salariés nécessaires à l’exécution des marchés, l’entreprise entrante, qui propose de reprendre moins de 85 % de la liste du personnel transférable (soit en l’espèce moins de 138 salariés), devant en toute hypothèse proposer de reprendre la totalité du nombre de personnes nécessaires à l’exécution du marché, la société CAPITAL SECURITE aurait alors nécessairement dû proposer de reprendre la totalité des 95 salariés précités et non pas uniquement 77 salariés, de sorte qu’elle a en tout état de cause méconnu les dispositions précitées de l’accord du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel.

Sur la transférabilité

Si la société CAPITAL SECURITE affirme que M. [A] ne remplissait pas les conditions de transférabilité résultant des dispositions de l’article 2.4 (conditions de transfert) de l’accord du 5 mars 2002 dont il résulte que les salariés susceptibles d’être transférés doivent totaliser 6 mois d’ancienneté sur le site concerné, dont 4 mois de présence au minimum, et que les salariés travaillant sur plusieurs sites entrent dans le champ d’application du présent accord, pour les seuls salariés occupés à plus de 50 % de leur temps de travail sur le site, cette condition étant appréciée sur les 6 mois qui précèdent le transfert du site, il sera cependant constaté que M. [A] totalisait effectivement 6 mois d’ancienneté sur les marchés concernés, dont 4 mois de présence au minimum, les dispositions précitées de l’accord du 5 mars 2002 n’imposant pas 4 mois de présence à temps plein contrairement aux affirmations de la société entrante, le salarié ayant en toute hypothèse été occupé à plus de 50 % de son temps de travail sur les marchés repris sur la base de la propre estimation de la société CAPITAL SECURITE (388 heures).

Concernant par ailleurs les formations obligatoires dont doivent bénéficier les salariés intervenant dans le domaine des métiers aéroportuaires, outre le fait que celles-ci ne sont pas expressément mentionnées au titre des conditions de transfert résultant de l’article 2.4 de l’accord du 5 mars 2002, la cour ne peut en toute hypothèse que relever que M. [A] verse effectivement aux débats ses différentes attestations individuelles de formation relatives à la sûreté aéroportuaire, étant observé à cet égard que le seul « rapport d’expertise » rédigé par le cabinet Astreo Consulting, à la demande unilatérale de la société CAPITAL SECURITE et sur la base d’éléments qu’elle lui a elle-même communiqués et dont il n’est pas justifié dans le cadre du présent litige, n’est en lui-même pas de nature à remettre en cause les éléments précités produits par le salarié concerné.

Sur la qualité de salarié protégé et la discrimination

Selon l’article L. 1132-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Par ailleurs, en application de l’article L. 1134-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En l’espèce, au vu des différents éléments justificatifs versés aux débats par M. [A] dont il résulte que seuls deux salariés protégés se sont vus proposer par la société CAPITAL SECURITE la reprise de leur contrat de travail sur les 33 salariés disposant de mandats représentatifs au sein de la société VIGIMARK SURETE, soit moins de 6 % d’entre eux, il apparaît que l’intéressé présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination en raison de ses activités syndicales.

Toutefois, au vu des éléments produits en réplique par la société CAPITAL SECURITE, celle-ci faisant justement valoir qu’il résulte des dispositions précitées de l’article 4 de l’accord du 5 mars 2002 que, s’agissant des salariés titulaires d’un mandat de représentation du personnel, il revient à l’entreprise sortante de solliciter auprès de l’administration compétente l’autorisation de procéder au transfert de leur contrat de travail, la cour ne peut que constater que la société VIGIMARK SURETE n’a jamais sollicité, en sa qualité d’entreprise sortante, une telle autorisation de transfert auprès de l’inspecteur du travail, et ce alors qu’il résulte par ailleurs des dispositions de l’article L. 2414-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, que lorsqu’un représentant du personnel est compris dans un transfert partiel d’entreprise, le transfert du salarié est soumis à l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail, et qu’il s’agit d’un principe général applicable non seulement lorsque les conditions de l’article L. 1224-1 sont réunies, mais aussi lorsque le salarié est transféré en exécution d’un accord collectif, en cas de perte d’un marché, ladite procédure d’autorisation préalable étant d’ordre public et le salarié protégé ne pouvant y renoncer, tout transfert du contrat de travail effectué en l’absence d’autorisation administrative préalable étant nul.

Dès lors, en l’absence de toute demande d’autorisation formée par la société VIGIMARK SURETE auprès de l’inspecteur du travail aux fins de procéder au transfert du contrat de travail de M. [A] et eu égard par ailleurs à l’absence de démonstration par ce dernier de l’existence d’une collusion frauduleuse entre les sociétés VIGIMARK SURETE et CAPITAL SECURITE à ce titre, en ce qu’il n’est pas établi que la société CAPITAL SECURITE aurait effectivement sollicité l’envoi d’une liste des salariés transférables lui permettant d’identifier les salariés protégés, seule la société VIGIMARK SURETE apparaissant avoir pris l’initiative d’un tel envoi, ainsi que cela résulte notamment du courrier de l’inspection du travail adressé à ladite société le 10 avril 2012, la cour retient que la société CAPITAL SECURITE démontre que ses différentes décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Il convient en conséquence de débouter M. [A], par infirmation du jugement, de l’intégralité de ses demandes afférentes à l’existence d’une discrimination syndicale formées à l’encontre de la société CAPITAL SECURITE, étant rappelé que l’existence d’une discrimination syndicale commise par la société VIGIMARK SURETE au regard de l’envoi à la société entrante d’une liste de salariés permettant d’identifier ceux d’entre eux ayant un mandat syndical, a été retenue et indemnisée par la cour dans le cadre de son arrêt du 27 mai 2020, ce point étant désormais définitivement jugé en l’absence de toute cassation prononcée de ces chefs, de sorte que M. [A] ne peut pas formuler de demandes à l’encontre de la société VIGIMARK SURETE sur ce même fondement devant la cour d’appel de renvoi.

***

Au regard de l’ensemble des développements précédents dont il résulte que M. [A] ne remplissait pas les conditions pour bénéficier d’un transfert de son contrat de travail auprès de l’entreprise entrante, il sera observé que, même si la société CAPITAL SECURITE apparaît avoir par ailleurs méconnu les dispositions de l’accord du 5 mars 2002 concernant le pourcentage et le nombre de salariés à reprendre ainsi que les conditions de transfert, ladite société était en toute hypothèse dans l’impossibilité de formuler de proposition de reprise au bénéfice de M. [A] en conséquence de l’absence d’une autorisation administrative préalable régulièrement sollicitée par l’entreprise sortante.

Par conséquent, M. [A] ne justifiant pas de l’existence d’une perte de chance de bénéficier de la poursuite de son contrat de travail et de ne pas être licencié, il convient également de le débouter de ses demandes de dommages-intérêts et de paiement d’une somme mensuelle en réparation du préjudice matériel résultant du refus de procéder au transfert de son contrat de travail formées à l’encontre de la société CAPITAL SECURITE, et ce par infirmation du jugement.

S’agissant enfin de la demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice matériel résultant du refus de procéder au transfert du contrat de travail formée à l’encontre de la société VIGIMARK SURETE, eu égard au fait que la cour a retenu, dans le cadre de son arrêt du 27 mai 2020, l’existence d’une discrimination commise par la société VIGIMARK SURETE en conséquence de l’envoi par celle-ci à la société entrante d’une liste de salariés permettant d’identifier ceux d’entre eux ayant un mandat syndical et que M. [A] a d’ores et déjà été indemnisé des conséquences de ladite discrimination, ce dernier s’abstenant de justifier, devant la cour d’appel de renvoi, du caractère distinct du préjudice allégué de ceux déjà réparés par l’attribution des sommes et indemnités telle que fixées dans le dispositif de l’arrêt du 27 mai 2020, il convient de rejeter les demandes y afférentes aux fins de fixation de créance au passif de la liquidation judiciaire de la société VIGIMARK SURETE et d’opposabilité de la décision à l’AGS, et ce par infirmation du jugement.

Sur les autres demandes

Compte tenu de l’ordonnance de désistement partiel du 3 juillet 2023, le conseiller de la mise en état ayant constaté l’extinction de l’instance et le dessaisissement de la cour à l’égard de la société ACNA, la cour relève qu’il n’y a plus lieu de constater que M. [A] « abandonne » toute demande à l’égard de la société ACNA.

En application des dispositions de l’article 639 du code de procédure civile, il convient de fixer les dépens de première instance et d’appel au passif de la liquidation judiciaire de la société VIGIMARK SURETE, et ce par infirmation du jugement.

Enfin, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, l’équité et la situation économique des parties commandent de rejeter les demandes respectives de M. [A] et de la société CAPITAL SECURITE au titre des frais non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant dans les limites de sa saisine sur renvoi après cassation partielle,

Infirme le jugement du 25 avril 2018 en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes de M. [A] relatives au paiement d’une indemnité au titre du préjudice matériel résultant du refus de procéder au transfert du contrat de travail ainsi qu’à l’existence d’une discrimination et en ce qu’il l’a condamné aux dépens ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute M. [A] de l’ensemble de ses demandes, en ce comprise sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société CAPITAL SECURITE de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Fixe les dépens de première instance et d’appel au passif de la liquidation judiciaire de la société VIGIMARK SURETE.

Le greffier, Le président,


 


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