Cour d’appel de Paris, 16 mars 2021
Cour d’appel de Paris, 16 mars 2021
Type de juridiction : Cour d’appel Juridiction : Cour d’appel de Paris Thématique : Lutte contre le salafisme : saisie informatique confirmée

Résumé

La lutte contre le salafisme s’inscrit dans un cadre juridique strict, où la prévention du terrorisme justifie des mesures intrusives. Selon l’article L. 229-1 du code de la sécurité intérieure, le juge peut autoriser la saisie de documents et données lorsque des raisons sérieuses indiquent qu’une personne constitue une menace pour la sécurité publique. Des comportements tels que des relations avec des groupes incitant au terrorisme ou la diffusion d’idéologies radicales sont des motifs suffisants pour justifier des investigations. Ces mesures visent à anticiper des actes de terrorisme, même sans preuve d’implication directe dans des actions criminelles.

La notion de menace pour la sécurité et l’ordre public, dans le contexte de la prévention du terrorisme, n’implique pas que soit rapportée la preuve d’une implication de l’intéressé dans des actions répréhensibles ou dans un réseau en lien avec le terrorisme; en revanche, il appartient au préfet de police requérant d’invoquer un ou plusieurs faits vérifiables de nature à justifier que son comportement fait naître un légitime soupçon, des raisons sérieuses de penser qu’il pourrait soit être lui-même impliqué, soit du fait de sa proximité avec des personnes ou des idéologies, en possession de documents ou données dont la connaissance par les services de prévention et de lutte contre le terrorisme sera utile pour affronter la menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre public.

Suspicions de menaces pour la sécurité intérieure

En l’espèce, l’autorité administrative judiciaire justifiait de raisons sérieuses de penser que le comportement de l’intéressé constituait une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics. Ce dernier était entré en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutenant, diffusant, lorsque cette diffusion s’accompagne d’une manifestation d’adhésion à l’idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme ou faisant l’apologie de tels actes

Selon l’enquête menée, l’intéressé a vécu au Yemen pour études et il a notamment été formé à la madrassa ‘Dammaj’ ayant une renommée internationale dans la mouvance salafiste; les enquêteurs ont retrouvé sur le site internet de cette madrassa dammaj-fr.com une conférence audio sur l’islam de France qu’il qualifiait d’apostasie en ce qu’il accepterait des lois humaines au-dessus de celles d’Allah, démontrant son adhésion à l’idéologie radicale inspirant de nombreux djihadistes impliqués dans la commission d’actes de terrorisme.

L’intéressé avait aussi participé via un groupe What’sapp à un groupe dénommé ‘paroles profitables’ diffusant des liens vers le groupe ‘Dammaj’ groupuscule pro djihadiste radicalisé Yéménite. Il était également identifié comme participant à un groupe communautaire rassemblant des musulmans jugés radicaux dont certains rassemblements avaient attiré l’attention des services de renseignements, tant par la nature des activités de cohésion (rafting, paint-ball) que par l’identité de certains participants.

Droit de saisie informatique

Pour rappel, sur la base de l’article L. 229-1 du code de la sécurité intérieure, le juge des libertés et de la détention peut autoriser la visite d’un lieu ainsi que la saisie des documents objets ou données qui s’y trouvent, aux seules fins de prévenir la commission d’actes de terrorisme et lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’un lieu est fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics et qui soit entré en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s’accompagne d’une manifestation d’adhésion à l’idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme ou faisant l’apologie de tels actes.

L’article L 229-5 du même code dispose qu’aux seules fins de prévenir la commission d’actes de terrorisme, si la visite révèle l’existence de documents ou données relatifs à la menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre public que constitue le comportement de la personne concernée, il peut être procédé à leur saisie ainsi qu’à celle des données contenues dans tout système informatique ou équipement terminal présent sur les lieux de la visite soit par leur copie, soit par la saisie de leur support lorsque la copie ne peut être réalisée ou achevée pendant le temps de la visite.

Régime d’exception

Ces dispositions ont un objectif de prévention du terrorisme, dont les conséquences sociales sont d’une importance telle qu’elles ont conduit le législateur à autoriser des mesures d’investigations purement préventives, attentatoires aux libertés individuelles et intrusives, indépendamment de toute mise en cause des personnes concernées pour des faits relevant d’une qualification pénale.

 

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