Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Transfert massif et fautif d’emails
→ RésuméUne salariée a été licenciée pour faute lourde après avoir transféré massivement des emails professionnels vers des boîtes personnelles. Ce transfert incluait des documents confidentiels, tels que des coordonnées de fournisseurs et des données commerciales stratégiques, dont la divulgation pouvait nuire à la compétitivité de l’entreprise. Malgré deux demandes de son employeur pour supprimer ces courriels, elle a refusé, démontrant ainsi une déloyauté contractuelle. Le juge a conclu que l’ampleur des documents transférés et le temps consacré à cette opération constituaient une violation grave de ses obligations, justifiant ainsi le licenciement sans préavis ni indemnités.
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Salariée licenciée pour faute lourde
Une salariée a transféré depuis sa boîte électronique professionnelle, sur deux boîtes personnelles, deux fois 94 courriels de nature professionnelle, des documents de nature essentiellement commerciale et stratégique comprenant en particulier les coordonnés de fournisseurs, une base de données produits, des factures et autres documents appartenant à son employeur.
Documents à caractère confidentiel
Les documents en question ont été qualifiés de confidentiel par nature (sans besoin de les identifier comme tel). La salariée ne pouvait ignorer le caractère confidentiel de ces documents et en particulier les données contenues dans des factures adressées à des fournisseurs chinois et ainsi que la base de données des produits négociés par la société, les codes fournisseurs, les prix, les marges pratiquées ainsi que les quantités achetées, vendues et les stocks.
Ce dernier document par nature confidentiel et commercialement stratégique nécessaire à l’exercice de l’activité comprend des données dont la divulgation à des tiers est susceptible de conditionner sa compétitivité ou de nuire à ses résultats commerciaux. La Salariée ne pouvait ignorer, compte tenu de son positionnement professionnel, que cette base de données, contenant notamment les coordonnées des fournisseurs, résulte d’un long travail mené durant plusieurs années par les équipes de la société et lui procure un avantage sur ses concurrents compte tenu de la difficulté à trouver des fournisseurs proposant des marchandises de qualité.
Faute lourde retenue
De surcroît, c’est à bon droit que le premier juge a estimé que l’ampleur des documents transférés suffisait à établir, en raison du volume des courriers transférés, de leurs heures et de leurs fréquences de transfert ainsi que de la présence régulière de commentaires, que la Salariée n’a pu effectuer correctement son travail, le temps consacré à cette opération qui impliquait en outre une sélection chronophage étant en soi exclusif d’une exécution normale et complète de ses obligations contractuelles.
Dès lors, au-delà même de la violation de l’obligation de confidentialité stipulée au contrat de travail, le comportement de la salariée exprimait une déloyauté contractuelle de s’approprier des données stratégiques de l’entreprise aggravée par la circonstance que, sollicitée à deux reprises par son employeur, elle a refusé de supprimer les courriers transférés et s’est opposée à leur consultation.
Cause réelle et sérieuse de licenciement
Tout licenciement doit avoir une cause réelle et sérieuse (art L 1232-1 du code du travail). Lorsque le licenciement est motivé par une faute lourde, le salarié est privé non seulement du droit au préavis et à l’indemnité de licenciement, mais également, en application de l’article L.3141-26 du code du travail, de l’indemnité compensatrice de congés payés prévue à l’article L.3141-21 du même code.
La faute lourde est celle qui, comme la faute grave, résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée limitée du préavis. Elle suppose, en outre, l’intention de nuire du salarié. L’employeur qui invoque la faute lourde pour licencier doit en rapporter la preuve. Les faits invoqués doivent être matériellement vérifiables.
En outre, en application de l’article L 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuite pénale. Enfin, un même fait fautif ne peut donner lieu à double sanction. En application de l’article L 1232-6 du code du travail, seule la motivation de la lettre de licenciement fixe les limites du litige.
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