Cour d’appel de Paris, 15 novembre 2017
Cour d’appel de Paris, 15 novembre 2017

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Dénigrement : liberté d’expression syndicale étendue  

Résumé

Dans l’affaire opposant le Conseil National des Professions de l’Automobile (CNPA) à Chevrolet France, la justice a reconnu la liberté d’expression syndicale. Le CNPA, après la résiliation des contrats de distributeur par Chevrolet, a dénoncé des indemnisations jugées insuffisantes, tout en critiquant la société dans une campagne médiatique. Les propos tenus, bien que virulents, visaient l’attitude de Chevrolet plutôt que ses produits, ce qui ne constitue pas un dénigrement. La cour a estimé que ces critiques relevaient d’une polémique légitime, permettant au CNPA de défendre les intérêts de la profession sans excéder les limites de la critique admissible.

Action en dénigrement contre Chevrolet

Les syndicats disposent incontestablement d’une liberté d’expression plus étendue. Dans cette affaire, le dénigrement par le Conseil National des Professions de l’Automobile (CNPA), contre la société Chevrolet France (General Motors Korea) n’a pas été retenu.

Recevabilité de l’action syndicale

Suite à son départ du marché européen, la société Chevrolet France a notifié à chacun de ses concessionnaires la résiliation de ses contrats de distributeur, en respectant un préavis contractuel de 24 mois. Le CNPA avait saisi la justice tout en dénonçant le caractère insuffisant des indemnisations proposées aux concessionnaires. L’action du CNPA était fondée sur l’article L.2132-3 du code du travail qui dispose : « Les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice. Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent ».  Cette action judiciaire a été accompagnée d’une campagne de presse du CNPA critiquant vivement la société Chevrolet France.

Conditions du dénigrement

La loyauté des affaires doit être conciliée avec le principe constitutionnel de la liberté d’expression et seuls les abus de ce droit peuvent être sanctionnés.  Le dénigrement consiste à jeter publiquement le discrédit sur une personne, un produit ou un service identifié et se distingue de la critique admissible dans la mesure où il émane d’un acteur économique qui cherche à bénéficier d’un avantage concurrentiel en jetant le discrédit sur son concurrent ou sur les produits de ce dernier.

Les propos tenus par le CNPA imputaient à la société Chevrolet France les qualificatifs de « Manque de respect », « pas sincère », « mépris », « manque de loyauté », « dissimulation ». La CNPA avait également déclaré par son porte-parole « Je veux bien le rêve américain sur des voitures qui sont d’anciennes Daewoo fabriquées en Corée, on peut prendre les clients pour des gogos ».

Ces propos, tenus sur des sites spécialisés et destinés aux professionnels, émanaient d’un syndicat, dont la liberté d’expression ne peut être indûment limitée et qui n’est pas un acteur économique en situation de concurrence avec la société Chevrolet. Ils ne portaient pas sur les véhicules et services Chevrolet, mais sur l’attitude de la société Chevrolet France personnellement attaquée. Ces propos pouvaient porter atteinte à l’honneur et à la probité de cette société, mais non à la qualité de ses produits.

Dans l’ensemble, les termes employés n’étaient pas dénigrants à l’égard des produits ou services Chevrolet, mais avaient pour objet de faire passer la société Chevrolet France pour une société déloyale. Or, l’imputation de pratiques contraires à la loi et à la morale ne relève pas du dénigrement, mais de la diffamation.

Polémique légitime

En conclusion, le CNPA s’est livré à des critiques virulentes à l’encontre de la société Chevrolet France mail il ne s’agissait pas d’une campagne de dénigrement de la marque et des produits Chevrolet. Les propos ou écrits émis par le CNPA, légitime à défendre les intérêts de la profession, n’excédaient pas ceux qu’autorise une légitime polémique.

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