Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : UBER : vice de procédure fiscale
→ RésuméLors d’un contrôle au siège d’UBER France, les agents de l’administration fiscale ont refusé la présence des avocats de la société, arguant que l’absence du représentant légal privait ces derniers de toute « présence légale ». Ce refus a empêché les avocats d’accéder à l’ordonnance du juge des libertés et de suivre les opérations de saisie, violant ainsi le droit à une assistance juridique. Les juges ont souligné que le respect des droits de la défense est déterminant dès l’enquête préalable, déclarant les saisies effectuées irrégulières en raison de ce vice de procédure.
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Contrôle au siège d’UBER France
On se souvient que les agents de l’administration fiscale, agissant en vertu d’une ordonnance du juge des libertés et de la détention (JLD) en application de l’article L.16 B du Livre des procédures fiscales (LPF), se sont présentés, assistés de deux officiers de police judiciaire, au siège d’UBER France. Les avocats de la société s’étant présentés pour assister au contrôle, les agents de l’administration leur ont opposé une fin de non-recevoir en leur expliquant que, le représentant de la société UBER France étant absent, les avocats de la société n’avaient en quelque sorte aucune « présence légale » dans les locaux de l’entreprise et qu’ils n’avaient donc pas le droit de conseiller leurs clients.
Refus de la présence des avocats
Ainsi faisant, ils ont refusé aux avocats de prendre connaissance de l’ordonnance du JLD, ainsi que de suivre les opérations de visites et de saisies et de fournir à leur client un conseil juridique. Par ailleurs, les officiers de police judiciaire, nommés par le JLD et ayant notamment pour mission « de veiller au respect du secret professionnel et des droits de la défense », ne sont pas intervenus.
L’article L.16 B du LPF dispose que l’ordonnance est notifiée verbalement et sur place au moment de la visite, à l’occupant des lieux ou son représentant qui en reçoit copie intégrale. En l’absence de l’occupant des lieux ou de son représentant, l’ordonnance est notifiée, après la visite, par lettre recommandée avec avis de réception. S’agissant d’une personne morale, le représentant est le représentant légal de ladite société lequel, en cas d’absence, désigne une personne pour le représenter pendant la visite domiciliaire. La faculté peut être laissée à l’officier de police judiciaire de désigner des témoins, dans l’hypothèse où le représentant légal ne pourrait être contacté. Il en résulte cependant que cette désignation, par l’effet de l’application stricte des textes, a pour effet de priver la société de se voir notifier le droit d’être assistée d’un conseil.
Vice de forme de la procédure
Les juges ont rappelé que le droit de bénéficier d’ une assistance juridique doit être respecté dès le stade de l’enquête préalable et ce, d’autant plus que le champ d’application des investigations est à ce stade relativement large. Si les dispositions de l’article 6 de la loi du 31 décembre 1971, selon lesquelles les avocats peuvent assister et représenter autrui devant les administrations publiques, n’instaurent pas un droit pour les justiciables d’être assistés d’un avocat en toutes circonstances, il n’en demeure pas moins que la procédure instaurée par l’article L.16 B du LPF est une procédure spéciale, nécessitée par certains impératifs et qu’elle a pour objectif de saisir des éléments de preuve préalablement à l’organisation d’un débat contradictoire sur leur contenu.
Dès lors, l’exigence de requérir un mandat écrit aux conseils de la société visitée, présents sur les lieux le jour de la visite domiciliaire, ne pouvait leur être opposée. La présence de l’avocat est souhaitable, dès qu’il y a présomption d’agissements frauduleux, sans qu’il y ait nécessairement privation de liberté. En l’espèce, les fonctionnaires ont fait obstacle à la présence des avocats présents sur les lieux aux fins d’assister aux opérations de visite domiciliaire, alors que l’exercice des droits de la défense devait être respecté dès le stade de l’enquête préalable. Le sens et la portée du principe des droits de la défense ont donc été méconnus. Les saisies effectuées ont donc été déclarées irrégulières.
Nature de la fraude recherchée
Pour rappel, l’ordonnance qui avait été rendue par le JLD indiquait que la société UBER serait présumée exercer en France une activité commerciale visant à mettre en relation le chauffeur et l’utilisateur, sans souscrire les déclarations fiscales correspondantes et ainsi omettrait de passer les écritures comptables correspondantes. Et ainsi, serait présumée s’être soustraite et/ou se soustraire à l’établissement et au paiement des impôts sur les bénéfices et des taxes sur le chiffre d’affaires (TVA), en se livrant à des achats ou des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le Code général des impôts (articles 54 et 209-I pour l’IS et 286 pour la TVA).
Pour rendre son ordonnance, le JLD avait considéré qu’UBER France i) serait susceptible de mettre à la disposition de la société UBER BV des moyens techniques et logistiques permettant la réalisation en France de prestations de transport via le concept UBER ; ii) gèrerait l’activité commerciale et la flotte partenaire (entretien, recrutement, remise de kits de connexion), sur le territoire français, ce qui dépasseraient les missions prévues dans l’accord de services signé entre la société française UBER France et la société hollandaise UBER BV.
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