Cour d’appel de Paris, 14 février 2018
Cour d’appel de Paris, 14 février 2018

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Concurrence et couplage des annonces de presse

Résumé

La pratique concurrentielle d’inclure l’adresse d’un site concurrent dans une annonce nécrologique n’est pas illégale. Pour contrer cela, un éditeur de presse a lancé un service en ligne d’annonces de décès, attirant ainsi les lecteurs vers sa propre plateforme. Le site concurrent a tenté de poursuivre l’éditeur pour vente liée, mais n’a pas réussi à prouver un couplage systématique des annonces. De plus, l’éditeur a défendu son service en affirmant que le concurrent avait extrait illégalement des données, mais n’a pas pu démontrer une extraction substantielle de ses annonces.

Pratique concurrentielle validée

Demander aux particuliers d’insérer l‘adresse du site internet d’un concurrent dans une annonce nécrologique imprimée publiée par un éditeur de presse n’est pas une pratique illégale. Pour contrer cette pratique, un éditeur de presse a, de façon astucieuse, crée son propre service en ligne d’annonces de décès. Les lecteurs se sont donc détournés du site internet du concurrent pour bénéficier de la parution couplée de leur annonce (en ligne et imprimée) proposée par l’éditeur de presse.

Couplage d’annonces de presse

Dans cette affaire, le site concurrent a poursuivi en vain l’éditeur de presse pour vente liée au titre du couplage systématique annonce de presse en ligne / annonce de presse imprimée. Au sens de l’article L121-11 du Code de la consommation, est interdit le fait de subordonner la vente d’un produit à l’achat d’une quantité imposée ou à l’achat concomitant d’un autre produit ou d’un autre service ainsi que de subordonner la prestation d’un service à celle d’un autre service ou à l’achat d’un produit dès lors que cette subordination constitue une pratique commerciale déloyale. Le concurrent qui supportait la charge de la preuve de l’existence de la pratique commerciale déloyale, a échoué à démontrer que l’éditeur avait procédé à un couplage d’office et systématique des annonces nécrologiques.

Droits du producteur de base de données

En défense, l’éditeur de presse a tenté de faire condamner le site concurrent pour extraction illicite de base de données. Les petites annonces peuvent bénéficier du droit sui generis des bases de données. Toutefois, l’éditeur de presse n’a pu établir que le site concurrent avait extrait une part extrêmement substantielle de ses annonces nécrologiques.

Le producteur d’une base de données, entendu comme la personne qui prend l’initiative et le risque des investissements correspondants, bénéficie d’une protection spécifique du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celui-ci atteste d’un investissement financier, matériel ou humain substantiel (L 341-1 du CPI). Ces dispositions sont la transposition, en droit français de la directive 96/9/CE du 11 mars 1996 dont l’objectif  est de protéger les fabricants de bases de données contre l’appropriation des résultats obtenus et de l’investissement financier et professionnel consenti par celui qui a recherché et rassemblé le contenu.

La CJUE, dans quatre arrêts du 9 novembre 2004 (affaire The British Horseracing Board ; a. c/ William Hill Organization Ltd – affaires Fixtures Marketing Ltd c/ Ab, Svenska Spel AB et Organismos prognostikon agonon podosfairou AE), a considéré que la notion d’investissement lié à l’obtention du contenu d’une base de données doit s’entendre comme désignant les moyens consacrés à la recherche d’éléments existants et à leur rassemblement dans ladite base, à l’exclusion des moyens mis en oeuvre pour la création des éléments constitutifs du contenu d’une base de données. La notion d’investissement lié à la vérification du contenu de la base de données doit être comprise comme visant les moyens consacrés, en vue d’assurer la fiabilité de l’information contenue dans ladite base, au contrôle de l’exactitude des éléments recherchés, lors de la constitution de cette base ainsi que pendant la période de fonctionnement de celle-ci, à l’exclusion des moyens consacrés à des opérations de vérification au cours de la phase de création d’éléments par la suite rassemblés dans une base de données.

Ce droit sui generis n’est donc pas destiné à stimuler la création de données mais à rentabiliser l’investissement affecté à la constitution d’un ensemble informationnel. Il appartient en conséquence au producteur de la base de justifier du montant de ses investissements relatifs à la collecte des données utilisées, à la mise à jour de sa base et à son architecture.

Télécharger la décision

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon