Cour d’Appel de Paris, 13 juin 2018
Cour d’Appel de Paris, 13 juin 2018

Type de juridiction : Cour d’Appel

Juridiction : Cour d’Appel de Paris

Thématique : Requalification du contrat de monteur-réalisateur

Résumé

Un monteur du groupe France Télévisions a réussi à faire requalifier ses CDD d’usage en un CDI après 21 ans de contrats précaires. Cette décision a été accompagnée d’une indemnité de requalification, sanctionnant l’employeur pour son recours abusif aux CDD pour des postes permanents. Les juges ont critiqué la gestion de France Télévisions, soulignant l’instabilité subie par le salarié, qui a travaillé sans respect des plannings et des délais de prévenance. Le syndicat SNRT-CGT a également été reconnu comme ayant un intérêt à agir, représentant les droits collectifs des réalisateurs face à cette précarité.

Abus de CDD d’usage

Un monteur (puis réalisateur) du groupe France Télévisions a obtenu la requalification de ses CDD d’usage successifs conclus depuis près de 21 ans en un CDI. Le salarié a également obtenu une indemnité de requalification. Cette dernière qui ne peut être inférieure à un mois de salaire (article L1245-2 du code du travail) a été majorée. Cette indemnité a pour objet de sanctionner l’employeur qui recourt abusivement aux contrats à durée déterminée afin de pourvoir un poste permanent et est destiné à compenser le préjudice résultant de la précarité subie par le salarié.

Sanction de la précarité

Le salarié avait subi pendant 21 ans, l’instabilité liée à une succession de contrats précaires d’usage qui ne comportaient pas d’indemnité de fin de CDD et qui l’a privé des avantages psychologiques, professionnels, et humains liés à une intégration pérenne dans une société. Les juges ont souligné la gestion critiquable de la société France Télévisions  quant à la conclusion de CDD successifs pour l’emploi de poste de réalisateur répondant à des besoins permanents de l’entreprise (10 000 euros de dommages et intérêts).

Le salarié avait également travaillé tous les jours de la semaine, sans respect des jours convenus pour la semaine 1 et la semaine 2 et sans respect du délai de prévenance contractuel de sept jours, sur la base de plannings prévisionnels communiqués, le vendredi soir, avec prise d’effet au lundi matin pour une durée de travail qui variait chaque mois et incluait des heures complémentaires au-delà des 10 % autorisés. La société France Télévisions, sans respect d’un délai de prévenance, avait ainsi soumis le salarié à des variations importantes, régulières et sans justifier d’aucun élément de prévisibilité pour celui-ci, des jours travaillés dans la semaine, du nombre de jour ou du nombre d’heure, non seulement au regard de la répartition contractuelle mais également de ses tableaux prévisionnels régulièrement modifiés, supprimant au salarié des jours de congés ou non travaillés programmés, elle l’avait donc privé de toute visibilité quant à son temps de travail et de possibilité d’organisation.

Intérêt à agir des syndicats

A noter que le syndicat national de radiodiffusion et de télévision du groupe de France télévision SNRT-CGT a été déclaré recevable à agir et a obtenu une indemnisation. Les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice et peuvent devant toute juridiction, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent. Si lorsque le litige porte sur la requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée d’un salarié et ses conséquences il n’intéresse que la personne du salarié et non l’intérêt collectif de la profession, en revanche il intéresse l’intérêt collectif lorsqu’il s’inscrit dans une lutte de plusieurs années d’une catégorie particulière de salariés visant à voir reconnaitre au sein d’une société le caractère permanent de leur emploi. Le syndicat s’était donc intéressé à un intérêt collectif de cette catégorie de salariés (les réalisateurs) qui peine à voir reconnaitre l’inadaptation d’une gestion d’embauche en CDD, et donc en emploi précaire, pour occuper des emplois permanents.

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