Cour d’Appel de Paris, 12 septembre 2018
Cour d’Appel de Paris, 12 septembre 2018

Type de juridiction : Cour d’Appel

Juridiction : Cour d’Appel de Paris

Thématique : Réalisation de bandes annonces : une tâche permanente

Résumé

La requalification des contrats à durée déterminée (CDD) en contrats à durée indéterminée (CDI) est un enjeu majeur dans le secteur audiovisuel. Dans deux affaires récentes, des réalisateurs de bandes-annonces, employés sous CDD d’usage, ont réussi à faire reconnaître la permanence de leur activité, entraînant ainsi la requalification de leurs contrats. Selon le code du travail, un CDD ne peut pas pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale de l’entreprise. Les employeurs doivent justifier le caractère temporaire des postes, ce qui s’est avéré difficile dans ces cas, où les tâches étaient considérées comme permanentes.

Risque maximal de requalification

La réalisation de bandes annonces et de programmes d’autopromotion pour une chaîne est appréhendée par les juridictions comme une tâche permanente. Dans ces deux nouvelles affaires, deux salariés recrutés par CDD d’usage en qualité de réalisateur de bandes-annonces ont obtenu la requalification de leurs interventions en CDI.

Affaire France Télévisions

L’article L. 1242-1 du code du travail dispose qu’un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Il ne peut être conclu que pour les cas énumérés à l’article L. 1242-2 du même code et doit comporter la définition précise de son motif en application des dispositions de l’article L. 1242-12. L’article L. 1245-1 prévoit que la méconnaissance, notamment de ces dispositions, entraîne la requalification du contrat en contrat à durée indéterminée. Les contrats à durée déterminée dits d’usage peuvent être conclus de façon successive, sans durée maximale légale, à condition de ne pas avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, de concerner des emplois par nature temporaire et relevant des dispositions de l’article D. 1242-1 du code du travail, dont le 6° vise, notamment, l’audiovisuel. Le recours à l’utilisation de contrats successifs doit être justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.

En l’espèce, le salarié a produit, en abondance, des bulletins de paie et contrats successifs qui établissaient une relation de travail sur près de 20 ans, de façon non continue et progressive pour atteindre plus de 100 jours de travail par an.

France Télévisions ne démontrait pas les raisons objectives établissant la nature temporaire de l’emploi de réalisateur de bandes annonces qui correspondait à une activité permanente de production. A noter que la requalification du CDD en CDI n’implique pas, ipso facto, une requalification à temps plein sauf à justifier de ce que le salarié s’est constamment tenu à la disposition de l’employeur. Par ailleurs, en l’absence d’écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition, l’employeur doit renverser la présomption simple de contrat de travail à temps complet en démontrant, d’une part, la durée exacte de travail convenue, hebdomadaire ou mensuelle, et, d’autre part, que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

Affaire C8

Dans la seconde affaire concernant C8, les juges ont rappelé que la détermination par accord collectif d’une liste précise des emplois pour lesquels il peut être recouru au contrat de travail à durée déterminée d’usage ne dispense pas le juge, en cas de litige, de vérifier concrètement l’existence de ces raisons objectives. En application de l’article L. 1242-13, le contrat de travail à durée déterminée doit également être  transmis au salarié, au plus tard, dans les 2 jours ouvrables suivant l’embauche.

Le salarié avait été employé en qualité de réalisateur de bandes annonces de façon régulière selon une moyenne de 4 jours par mois, pour réaliser des bandes annonces de documentaires, de compétitions sportives, de films ou d’émissions destinées à être diffusées sur les chaînes de télévision du Groupe Canal Plus.  L’employeur ne démontrait pas le salarié était intervenu pour une émission particulière produite ponctuellement et ne contestait pas que d’autres emplois de réalisateur de bandes-annonces étaient pourvus au sein de la société au moyen de contrat de travail à durée indéterminée. Il en résulte que la société ne justifiait pas d’éléments concrets et objectifs établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi de réalisateur occupé par le salarié.

Télécharger la décision(1) Télécharger (2)

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon