Cour d’appel de Paris, 12 décembre 2019
Cour d’appel de Paris, 12 décembre 2019

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Uber condamné pour maraude électronique

Résumé

Uber a été condamné pour concurrence déloyale en raison de l’exploitation illégale de son service Uberpop, qui mettait en relation des clients avec des chauffeurs non professionnels. Ce service, actif entre 2014 et 2015, violait le code des transports, car les chauffeurs n’avaient pas l’autorisation requise pour transporter des passagers à titre onéreux. De plus, Uber a encouragé la maraude électronique, interdite pour les opérateurs non-taxis, en informant les clients de la disponibilité des véhicules via son application. Enfin, l’utilisation abusive du statut ‘Loti’ pour des transports individuels a également été sanctionnée.

Les sociétés Uber ont été condamnées pour avoir commis des actes de concurrence déloyale par l’exploitation du service Uberpop, la pratique du maraudage électronique et le recours à des chauffeurs exerçant sous le statut ‘Loti’.

Exploitation du service Uberpop

L’application Uberpop, qui permettait de mettre en relation les clients avec des
chauffeurs conduisant leur véhicule personnel, a été exploitée en France par
Uber entre février 2014 et juillet 2015. Ce service a été jugé illégal à
plusieurs titres:

— en application des articles L.3120-1 à L.3124-13 du code
des transports, pour pouvoir exercer leur activité de transport public
particulier de personnes, les chauffeurs doivent nécessairement appartenir à
l’une des catégories suivantes : un taxi, un véhicule motorisé à deux ou trois
roues, ou une voiture de transport avec chauffeur ;

— le service Uberpop proposait des services de transport
particulier de personnes à titre onéreux, effectués par des conducteurs de
véhicules automobiles particuliers, non professionnels, ne relevant donc pas
des catégories prévues par les articles L.3120-1 à L.3124-13 du code des
transports ;

— la Cour de cassation a, par ses arrêts rendus les 31
janvier 2017 (15-87770) et 11 septembre 2018 (16-81762, 16-81763, 16-81764, 16-81765
et 16-81766), approuvé les cours d’appel qui avaient retenu que i) l’activité
en cause était soumise à la législation relative soit aux taxis, soit aux
véhicules de petite remise, laquelle impose dans les deux cas une autorisation
administrative ; ii) l’exercice, sans autorisation administrative, de la
prestation proposée faisait qu’elle était, dès l’origine, illégale au regard de
cette législation ; iii) la société Uber France s’était rendue coupable de
pratiques commerciales trompeuses en incitant les consommateurs, conducteurs ou
utilisateurs à participer au service Uberpop par des communications
commerciales, donnant l’impression que ce service était licite alors qu’il ne
l’était pas.

Notion de maraude

Uber a également violé les dispositions du code des
transports qui interdisent à tous transporteurs autres que les taxis, la
maraude sur la voie publique et le démarchage de clients sans réservation
préalable, plus précisément de i) s’arrêter, stationner ou circuler sur la voie
publique, à moins de justifier d’une réservation préalable et ne pas revenir à
leur lieu d’établissement ; ii) informer le client, avant toute commande ou
réservation, à la fois de la localisation et de la disponibilité du véhicule.

Pour rappel, sur la possibilité de circuler sur des voies
ouvertes à la circulation en quête de clients, le code des transports dispose :

— en son article L 3121-1 : «les taxis sont des
véhicules automobiles comportant, outre le siège du conducteur, huit places
assises au maximum, munis d’équipements spéciaux et dont le propriétaire ou
l’exploitant est titulaire d’une autorisation de stationnement sur la voie
publique, en attente de la clientèle, afin d’effectuer, à la demande de
celle-ci et à titre onéreux, le transport particulier des personnes et de leurs
bagages» ;

— en son article L. 3120-2, II : ‘A moins de justifier de
l’autorisation de stationnement mentionnée à l’article L 3121-1, le conducteur
d’un véhicule ne peut : 1° Prendre en charge un client sur la voie ouverte à la
circulation publique, sauf s’il justifie d’une réservation préalable ; 2°
S’arrêter, stationner ou circuler sur la voie ouverte à la circulation publique
en quête de clients ; 3° Stationner sur la voie ouverte à la circulation
publique, à l’abord des gares et des aérogares ou, le cas échéant, dans
l’enceinte de celles-ci, au-delà d’une certaine durée, précédant la prise en
charge du client qui a effectué une réservation préalable ;

— en son article L. 3122-9 : «Dès l’achèvement de la
prestation commandée au moyen d’une réservation préalable, le conducteur d’une
voiture de transport avec chauffeur dans l’exercice de ses missions est tenu de
retourner au lieu d’établissement de l’exploitant de cette voiture ou dans un
lieu, hors de la chaussée, où le stationnement est autorisé, sauf s’il justifie
d’une réservation préalable ou d’un contrat avec le client final».

Aux termes de son Guide du partenaire, la plate-forme incitait
ses chauffeurs à « se répartir de manière homogène dans les zones de forte
demande » pour espérer avoir davantage de courses et permet aux chauffeurs de
visualiser sur une carte, en temps réel, les zones géographiques dans
lesquelles les demandes de réservations sont plus ou moins élevées,
encourageant dès lors un chauffeur ne disposant pas de réservation à se rendre
dans une zone de forte demande afin de faire l’objet d’une réservation. Ces
éléments établissaient que les sociétés Uber, par les préconisations qu’elles
délivraient à destination des chauffeurs de VTC, favorisaient le non-respect
des dispositions des articles L. 3120-2, II et L. 3122-9 du code des
transports. Ces actes étaient constitutifs d’une concurrence déloyale.

Périmètre de la maraude électronique

En informant le client, préalablement à la réservation, à la
fois de la localisation et de la disponibilité du véhicule, l’application mobile
Uber permettait la pratique de la maraude électronique, pratique prohibée par
l’article L. 3120-2, III 1° du code des transports pour cette catégorie
d’opérateurs.

La maraude électronique est définie comme le fait de prendre
en charge des clients grâce à une application mobile – l’article L. 3120-2, III
du code des transports dispose : «Sont interdits aux personnes réalisant
des prestations mentionnées à l’article L. 3120-1 et aux intermédiaires
auxquels elles ont recours : 1° Le fait d’informer un client, avant la
réservation mentionnée au 1° du II du présent article, quel que soit le moyen
utilisé, à la fois de la localisation et de la disponibilité d’un véhicule mentionné
au I quand il est situé sur la voie ouverte à la circulation publique sans que
son propriétaire ou son exploitant soit titulaire d’une autorisation de
stationnement mentionnée à l’article L. 3121-1 ; 2° Le démarchage d’un client
en vue de sa prise en charge dans les conditions mentionnées au 1° du II du
présent article ; 3° Le fait de proposer à la vente ou de promouvoir une offre
de prise en charge effectuée dans les conditions mentionnées au même 1°»

Utilisation abusive du statut ‘Loti’

Uber a également été condamnée pour avoir fait pratiquer des
transports individuels par des chauffeurs sous statut ‘Loti’ alors que le
statut Loti oblige chaque chauffeur relevant de ce statut à transporter au
moins deux personnes au cours de chaque trajet. Les personnels sous statut Loti
ne peuvent intervenir que pour assurer des transports collectifs en service
occasionnel. En outre, la loi n°2016-1920 du 29 décembre 2016 relative à la
régulation, la responsabilisation et à la simplification dans le secteur du transport
public particulier de personnes (loi ‘Grand guillaume’) a interdit, à compter
du 1er janvier 2018, d’exercer sous statut Loti pour le transport de personnes
dans toute agglomération de plus de 100.000 habitants. Téléchargez
la décision

 


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