Cour d’appel de Paris, 11 mai 2018
Cour d’appel de Paris, 11 mai 2018

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Résidence d’artiste : la question des droits

Résumé

La résidence artistique de Jacques Villeglé, célèbre plasticien, soulève des questions cruciales sur les droits d’auteur. Hébergé par un couple passionné d’art, il a créé plus de 800 œuvres entre 1997 et 2012. Cependant, des tensions ont émergé, le couple revendiquant une part de propriété sur ces œuvres. La juridiction a tranché en faveur de Villeglé, affirmant que les contributions du couple étaient techniques, sans apport créatif. L’article L 113-1 du Code de la propriété intellectuelle a été déterminant, confirmant que la qualité d’auteur revient à celui sous le nom duquel l’œuvre est divulguée.

Affaire Jacques Villeglé

Toute collaboration avec un artiste, y compris la fourniture d’avantages en nature (hébergement compris) doit faire l’objet d’une formalisation. En la matière le contrat de résidence artistique est parfaitement adapté. Jacques Villeglé est un artiste plasticien et peintre né à Quimper en 1926, appartenant au mouvement des nouveaux réalistes et ayant acquis une notoriété internationale. Il créé notamment des tableaux à partir d’affiches lacérées captées dans la rue.

Résidence artistique informelle

L’artiste avait été hébergé par un couple passionné d’art contemporain qui, après avoir créé dans les années 90 une galerie d’art, ont accueilli l’artiste dans leur propriété située dans le Lot et Garonne.  Au cours de la période de 1997 à 2012, plus de 800 oeuvres ont été réalisées dans l’atelier dont les célèbres tableaux dits en « affiches lacérées », composés à partir d’affiches de la rue.  Les relations entre les parties s’étant dégradées, le couple a revendiqué une part de 10 à 40% de la propriété des oeuvres réalisées pendant la résidence de l’artiste. Jacques Villeglé a alors fait sommation au couple de lui restituer l’ensemble des oeuvres entreposées, ceux-ci s’opposant à tout déménagement des oeuvres.

Exclusion de la qualification d’œuvres de collaboration

Confirmant une première décision, la juridiction d’appel a fait droit aux demandes de Jacques Villeglé.  L’article L 113-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’oeuvre est divulguée. Selon l’article L 113-2 du Code de la propriété intellectuelle est dite de collaboration l’oeuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques. L’oeuvre de collaboration suppose de la part des coauteurs un apport personnel dérivant d’une activité créatrice et une participation concertée de ceux-ci.

La présomption légale jouait donc en faveur de l’artiste.  Le couple a prétendu sans succès qu’il existait un accord afin de garder occulte leur qualité de « nègre artistique ».  Les époux  prétendaient avoir collaboré à la création des oeuvres réalisées dans l’Atelier expliquant que le processus créatif d’un tableau en affiches lacérées se décomposait en cinq étapes distinctes : le choix et la captation de l’affiche dans la rue, son transport jusqu’à l’atelier ; le cadrage de l’affiche qui comprend le redécoupage et les lacérations ; la fabrication des châssis et leur entoilage ; le marouflage de l’affiche cadrée sur le châssis entoilé avec les lacérations finales ; l’inscription des titres des oeuvres au dos des tableaux. Les juges ont conclu que le couple avait réalisé des opérations matérielles et techniques mais échouait à rapporter la preuve d’un apport créatif de leur part dans les tableaux en affiches lacérées. Les juges ont ordonné la restitution de toutes les œuvres au profit de l’artiste.

Conditions de la société créée de fait

Le couple a également tenté de faire reconnaître l’existence d’une société de fait par des apports en numéraire, notamment par l’achat de châssis pour les tableaux et d’autres fournitures, par la participation aux bénéfices et aux économies, notamment par le partage des bénéfices des ventes des oeuvres, la contribution aux pertes, notamment la contribution aux frais engagés concernant les frais de fonctionnement de l’Atelier. Or, ni la preuve de la volonté de partager les bénéfices et les pertes, ni surtout celle d’un affectio societatis n’était établie.

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