Type de juridiction : Cour d’Appel
Juridiction : Cour d’Appel de Paris
Thématique : Ordre de numérotation des chaînes : affaire Canal +
→ RésuméDans le cadre d’un contrat de distribution de chaînes télévisées, le changement de numérotation ne peut être unilatéral, sauf en cas de modification réglementaire. Même dans ce contexte, le distributeur doit faire ses meilleurs efforts pour respecter le plan initial convenu. L’affaire entre Canal+ et Altice illustre cette problématique, où une modification de la numérotation a été contestée par Canal+, qui a argué que celle-ci ne respectait pas les critères de L’ARCOM. La nouvelle réglementation impose une numérotation logique et équitable, et toute modification doit être justifiée et conforme aux principes de transparence et d’équité.
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Impact du contexte réglementaire
Dans le cadre d’un contrat de distribution de chaînes télévisées, le changement de l’ordre de numérotation des chaînes ne peut intervenir unilatéralement sauf changement du contexte réglementaire qui s’impose aux parties. Y compris dans cette hypothèse, le distributeur est soumis à une obligation de faire ses meilleurs efforts pour respecter le plan de numérotation initial convenu avec l’éditeur de chaines.
Canal + c/ Altice
Dans l’affaire soumise Numéricâble et SFR (Altice) ont annoncé au Groupe Canal Plus une modification de leur plan de service et de la numérotation de leurs chaînes à la suite de la délibération de l’ARCOM du 15 février 2017. La modification contractuelle prévoyait de positionner la chaîne Canal+ Sport sur le Canal 118 dans un » bloc Sport » et les chaînes Canal +, Canal + Cinéma, Canal + Family, Canal + Série et Canal + Décalé du canal 40 canaux 152 et s. Le directeur général du Groupe Canal + s’est formellement opposé à cette modification contractuelle. Ce dernier a fait valoir que la nouvelle numérotation décidée unilatéralement par SFR et NC ne respectait pas les critères et les principes posés par l’ARCOM.
Nouvelle numérotation impérative
La numérotation de chaînes de télévision a été régie par une loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et par une délibération de l’ARCOM du 24 juillet 2007. La loi du 30 septembre 1986 a été modifiée par la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des medias. l’ARCOM veille ainsi au respect de la numérotation logique s’agissant de la reprise des services nationaux de télévision en clair diffusés par voie hertzienne terrestre et au caractère équitable, transparent, homogène et non discriminatoire de la numérotation des autres services de télévision dans les offres de programme des distributeurs de services.
l’ARCOM a pris, en application de la loi nouvelle une délibération n° 2017-3 du 15 février 2017 qui a fixé un ordre logique, commun à tous les distributeurs, des 27 chaînes hertziennes gratuites. En revanche, les dispositions relatives à l’organisation des autres plans de services, blocs par blocs, sont entrées en vigueur dans un délai de 6 mois. L’évolution réglementaire imposait donc bien à NC et SFR d’élaborer un nouveau plan de service.
Pas de changement arbitraire de numérotation
La nouvelle délibération de l’ARCOM avait donc un effet impératif sur le contrat de distribution conclu entre les parties mais le changement des canaux ne pouvait pas être arbitraire. En effet, à côté de blocs thématiques, l’ARCOM a autorisé la composition de 3 types de » blocs » : un » bloc » de chaînes locales, un » bloc » consacré à la promotion temporaire des services et un » bloc de services » dit ouvert. La définition de ce bloc doit être justifiée par au moins un des critères suivants : le caractère particulièrement attractif de la programmation des services qui la composent, l’exclusivité de la distribution ou des résultats d’audience significatifs. En outre, la composition de ce bloc doit être conforme aux critères légaux de transparence, d’équité, d’homogénéité et de non-discrimination. Enfin, ce bloc ne peut être composé de plus de 25 services.
Il appartient au ARCOM qui peut être saisie d’un différend ou à la ARCOM compétente d’analyser et de vérifier la conformité des nouveaux plans de service mais le juge judiciaire demeure compétent pour apprécier le processus de mise en place des plans au regard des contrats, notamment la prévision de prescriptions légales ou réglementaires pouvant entraîner la modification de la numérotation actuelle des services et la nécessité.
Il a été jugé que la composition du » bloc ouvert » ne répondait pas à l’ensemble des critères que les sociétés NC et SFR se sont fixées à elles-mêmes. L’attribution des chaînes de ce bloc n’était pas complète et le recours effectif au critère d’attractivité, aurait en outre permis d’envisager le décalage de chaînes pour attribuer à Canal + les places laissées disponibles. Ce faisant, les chaînes de ce groupe se seraient trouvées positionnées, comme prévu au contrat, dans un ordre proche de la numérotation 40, quand bien même il ne s’agissait que d’une obligation de moyen.
Enfin, le décalage aux numéros 118, puis 152 à 156 ou à 158 des chaînes Canal + est clairement de nature à porter préjudice à ses chaînes. Ces circonstances ont été jugées constitutives de violations des dispositions contractuelles, non dans l’existence d’une obligation de maintien de la numérotation, mais en ce que NC et SFR ne pouvaient soutenir avoir fait leurs « meilleurs efforts ». Toutefois, une saisine de l’ARCOM devra impérativement être initiée. En effet, s’il n’existe aucune contestation sérieuse quant à la violation de l’obligation contractuelle d’exécution de bonne foi du contrat de distribution, au stade du référé, le juge judiciaire ne peut se substituer au ARCOM pour rétablir ou maintenir une numérotation qui relève de son seul pouvoir d’appréciation.
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