Type de juridiction : Cour d’Appel
Juridiction : Cour d’Appel de Paris
Thématique : Comptes de coédition audiovisuelle : affaire Eurozoom
→ RésuméDans le litige opposant Eurozoom à Anime LTD, la Cour d’appel de Paris a rejeté la demande de suspension de l’exécution provisoire formulée par Eurozoom. La décision s’appuie sur la validité d’un protocole d’accord transactionnel, reconnu comme définitif et irrévocable. Eurozoom n’a pas démontré de moyen sérieux de réformation, notamment en ce qui concerne les contestations sur les comptes, qui ne remettent pas en cause le protocole. En conséquence, la Cour a débouté Eurozoom de sa demande, lui imposant de supporter les dépens de l’instance.
|
Dans le litige sur les comptes de coédition audiovisuelle l’opposant à la société Anime LTD, la société Eurozoom a été déboutée de sa demande de suspension de l’exécution provisoire. La juridiction a fait prévaloir la transaction conclue entre les parties.
Le grief tiré de ce que le premier juge n’a pas tenu compte de la remise en cause devant le juge du fond du compte entre les parties sur la base duquel étaient fondées les factures ne constitue pas en l’état un moyen sérieux de réformation de la décision dès lors que la validité du protocole d’accord sur lequel celle-ci est fondée n’est pas remise en cause par la société Eurozoom dont les effets sont prévus à l’article 4 en ces termes :
« Les parties reconnaissent être informées du caractère définitif et irrévocable de la présente transaction. Elles déclarent avoir disposé de tout le temps nécessaire à l’étude, la négociation et la signature des présentes, conclues conformément aux dispositions des articles 2044 et suivants du code civil et notamment de l’article 2052 du code civil aux termes duquel les transactions ont, entre les parties, le même effet juridique qu’une décision judiciaire passée en force de chose jugée en dernier ressort et ne peuvent être attaquées ni pour cause d’erreur de droit ni pour cause de lésion ».
____________________________________
République française
Au nom du peuple français
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 5
ORDONNANCE DU 10 MARS 2021
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/18652 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CC2X3
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 04 Décembre 2020 Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2020044152
Nature de la décision : Contradictoire
NOUS, Carole CHEGARAY, Conseillère, agissant par délégation du Premier Président de cette Cour, assistée de Cécilie MARTEL, Greffière.
Vu l’assignation en référé délivrée à la requête de :
DEMANDEUR
S.A. EUROZOOM
[…]
[…]
Représentée par Me Gilles BERRIH, avocat au barreau de PARIS, toque : E2052
à
DEFENDEUR
SOCIÉTÉ ANIME LIMITED, société de droit anglais
Dom. élu chez la SELARL SAJET AVOCATS
[…]
[…]
Représentée par Me Julia JOSEPH-LOUISIA substituant Me Emmanuel JEZ de la SELARL SAJET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0071
Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 03 Février 2021 :
Par ordonnance de référé contradictoire du 4 décembre 2020, le tribunal de commerce de Paris a :
Vu l’article 873 alinéa 2 du code de procédure civile,
— dit recevable la demande de la société Anime Limited,
— condamné la société Eurozoom à payer à la société Anime Limited, à titre de provision, la somme de 74 000 euros, avec les intérêts au taux contractuel de trois fois le taux de l’intérêt légal, à compter du 4 septembre 2020,
— condamné la société Eurozoom à payer à la société Anime Limited, par provision, la somme de 200 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de recouvrement,
— condamné la société Eurozoom à payer à la société Anime Limited la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
— condamné en outre la société Eurozoom aux dépens de l’instance,
— dit que la société Eurozoom pourra s’acquitter de sa dette selon les modalités suivantes :
* un versement immédiat de la somme de 37 000 euros
* règlement des 37 000 euros restant en 10 échéances mensuelles de 3 700 euros, la première intervenant le 4 janvier 2021, les suivantes le 4 de chaque mois et la dernière le 4 octobre 2021, comprenant en outre les intérêts, l’indemnité forfaitaire de recouvrement, l’article 700 et les dépens,
— dit qu’à défaut d’un seul règlement à bonne date, le tout deviendra de plein droit immédiatement exigible, sans mise en demeure préalable,
— rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties,
— rappelé que la présente décision est de plein droit exécutoire par provision en application de l’article 514 du code de procédure civile.
Suivant déclaration du 16 décembre 2020, la société Eurozoom a interjeté appel de l’ensemble des chefs expressément énoncés de cette décision.
Par acte du 21 décembre 2020, la société Eurozoom a fait assigner en référé la société Anime Limited devant le premier président de la cour d’appel de Paris aux fins d’arrêt de l’exécution provisoire sur le fondement de l’article 514-3 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions visées par le greffe le 3 février 2021 et soutenues oralement à l’audience, la S.A. Eurozoom demande au premier président de :
Vu l’article 514-3 du code de procédure civile,
— prononcer l’arrêt de l’exécution provisoire de l’ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de commerce de Paris le 4 décembre 2020,
— condamner la société Anime Limited à payer à la société Eurozoom la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
— condamner la société Anime Limited aux entiers dépens.
Dans ses conclusions visées par le greffe le 3 février 2021 et soutenues oralement à l’audience, la société de droit anglais Anime Limited demande à la juridiction saisie de :
Vu les articles 514 et suivants, 699 et suivants du code de procédure civile,
Vu la jurisprudence citée,
Vu les pièces versées aux débats,
à titre principal,
— prononcer l’irrecevabilité de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire formulée par la société Eurozoom,
— en conséquence, débouter la société Eurozoom de l’intégralité de ses demandes,
à titre subsidiaire,
— constater l’absence de réunion des conditions de l’arrêt de l’exécution provisoire de droit de l’ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Paris,
— en conséquence, débouter la société Eurozoom de l’intégralité de ses demandes,
en tout état de cause,
— condamner la société Eurozoom à payer la somme de 3 600 euros à la société Anime Limited au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
— condamner la société Eurozoom aux entiers dépens.
MOTIFS
Sur la recevabilité de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire :
La société Anime Limited fait valoir que la demande de la société Eurozoom est irrecevable en l’absence d’observations formulées par cette dernière au cours de la procédure de première instance et en l’absence de tout élément révélé postérieurement à l’ordonnance du 4 décembre 2020 établissant l’existence de conséquences manifestement excessives. Elle vise à cet égard les dispositions de l’alinéa 2 de l’article 514-3 du code de procédure civile aux termes desquelles « la demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’obervations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance ».
L’article 514-3 du code de procédure civile est applicable au présent litige eu égard à la date d’introduction de l’instance devant la juridiction du premier degré le 21 octobre 2020, soit postérieurement au 1er janvier 2020.
L’article 514-1 du même code dispose que « le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire.
Il statue d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée.
Par exception, le juge ne peut écarter l’exécution provisoire de droit lorsqu’il statue en référé… ».
Il en résulte que le juge des référés ne pouvant écarter l’exécution provisoire de droit attachée à sa décision, les observations sur l’exécution provisoire en première instance sont dès lors inopportunes et il ne saurait être tiré de leur absence l’irrecevabilité de la demande d’arrêt de l’exécution provisoire en cause d’appel, les dispositions de l’alinéa 2 de l’article 514-3 ne visant nécessairement que les cas où l’exécution provisoire aurait pu être écartée à un quelconque titre.
Le moyen tiré de l’irrecevabilité de la demande soulevé par la société Anime Limited sera donc rejeté.
Sur l’existence de moyens sérieux d’annulation ou de réformation :
En application de l’article 514-3 alinéa 1er du code de procédure civile, « en cas d’appel, le premier président peut être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives ».
La société Eurozoom fait valoir que le juge des référés a statué sans prendre en compte le fait qu’une procédure de fond était engagée par la société Eurozoom pour contester les comptes établis entre les parties dans le cadre de l’accord de co-édition et, dès lors, du protocole d’accord transactionnel du 12 septembre 2019 et en conséquence le montant qui serait dû par la société Eurozoom à la société Anime Limited.
Elle ajoute que le juge des référés n’a accordé des délais de paiement à la société Eurozoom que pour 50 % de la dette au motif que la situation financière de la société Anime Limited serait similaire à celle de la société Eurozoom, alors qu’il n’en est rien.
Concernant l’absence de prise en compte par le juge des référés des contestations soulevées par la société Eurozoom, elle fait grief à la société Anime Limited de ne pas lui avoir transmis une information essentielle et déterminante pour permettre l’établissement du compte entre les parties dans le protocole relative à la négociation d’une vente du film « Your Name » à Netflix qui aurait substantiellement modifié ledit compte et dès lors le montant dû par la société Eurozoom, d’où la procédure qu’elle a engagée au fond pour faire constater le manquement par la société Anime Limited à son devoir d’information précontractuelle.
Il ressort de l’ordonnance du 4 décembre 2020 que le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a fondé sa condamnation de la société Eurozoom au paiement d’une provision à la société Anime Limited sur le protocole d’accord transactionnel conclu entre les parties le 12 septembre 2019 pour régler leurs différents, notamment concernant les comptes. Le premier juge a précisé que les factures dont la société Anime Limited réclame le paiement ont été émises en application de ce protocole.
Le grief tiré de ce que le premier juge n’a pas tenu compte de la remise en cause devant le juge du fond du compte entre les parties sur la base duquel étaient fondées les factures ne constitue pas en l’état un moyen sérieux de réformation de la décision dès lors que la validité du protocole d’accord sur lequel celle-ci est fondée n’est pas remise en cause par la société Eurozoom dont les effets sont prévus à l’article 4 en ces termes : « Les parties reconnaissent être informées du caractère définitif et irrévocable de la présente transaction. Elles déclarent avoir disposé de tout le temps nécessaire à l’étude, la négociation et la signature des présentes, conclues conformément aux dispositions des articles 2044 et suivants du code civil et notamment de l’article 2052 du code civil aux termes duquel les transactions ont, entre les parties, le même effet juridique qu’une décision judiciaire passée en force de chose jugée en dernier ressort et ne peuvent être attaquées ni pour cause d’erreur de droit ni pour cause de lésion ».
Quant à l’octroi de délais de paiement sur 11 mois au lieu des « plus larges délais » réclamés, il ne peut être valablement soutenu que ceci caractérise un second moyen sérieux de réformation de l’ordonnance dès lors que les délais de grâce accordés -qui relèvent du pouvoir souverain des juges du fond- remplissent les conditions légales.
En conséquence, en l’absence de moyen sérieux de réformation de l’ordonnance du 4 décembre 2020, il convient de débouter la société Eurozoom de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire sans qu’il soit nécessaire d’examiner l’existence de conséquences manifestement excessives que l’exécution risquerait d’entraîner, les deux conditions de l’article 514-3 étant cumulatives.
La société Eurozoom supportera la charge des dépens de l’instance.
L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Déclarons recevable la demande d’arrêt de l’exécution provisoire formée par la société Eurozoom,
Déboutons la société Eurozoom de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire de l’ordonnance de référé du 4 décembre 2020 du tribunal de commerce de Paris,
Condamnons la société Eurozoom aux dépens de l’instance,
Disons n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
ORDONNANCE rendue par Mme Carole CHEGARAY, Conseillère, assistée de Mme Cécilie MARTEL, greffière présente lors de la mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
La Greffière, La Conseillère
Laisser un commentaire