Cour d’appel de Nîmes, 25 novembre 2024, RG n° 22/02948
Cour d’appel de Nîmes, 25 novembre 2024, RG n° 22/02948

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Nîmes

Thématique : Discrimination et Harcèlement au Travail : Enjeux de l’Adaptation des Postes pour les Travailleurs Handicapés

Résumé

Contexte de l’Affaire

Mme [H] [X] a été embauchée le 4 septembre 2017 par la SAS Florette France Gms en tant qu’apprentie pour préparer un BTSA ‘Sciences et Technologies des aliments option APT’, avec un contrat d’apprentissage de deux ans. Mme [Y] [F], responsable qualité, a été désignée comme sa tutrice. Mme [X] est reconnue comme travailleur handicapé en raison de sa surdité.

Rupture du Contrat d’Apprentissage

Le 11 janvier 2019, le contrat d’apprentissage a été rompu par un accord mutuel. En janvier 2020, Mme [H] [X] a saisi le conseil de prud’hommes d’Avignon, demandant des indemnités pour rupture discriminatoire et déloyale de son contrat. Le jugement du 27 juillet 2022 a débouté Mme [X] de toutes ses demandes.

Appel et Demandes de Mme [H] [X]

Mme [H] [X] a interjeté appel le 26 août 2022, demandant l’infirmation du jugement et la reconnaissance de harcèlement moral, ainsi que des dommages et intérêts. Elle a également demandé la nullité de la rupture de son contrat et le paiement de diverses sommes.

Arguments de Mme [H] [X]

Mme [H] [X] soutient avoir subi un harcèlement moral discriminatoire lié à sa surdité, des tâches inadaptées à son handicap, et un comportement non professionnel de sa tutrice. Elle affirme que ces conditions ont conduit à une détérioration de sa santé et à une rupture de contrat sous contrainte.

Réponse de la SAS Florette France Gms

La SAS Florette France Gms a contesté les allégations de harcèlement et a affirmé avoir respecté ses obligations de sécurité. Elle a soutenu que la rupture du contrat avait été effectuée régulièrement et que Mme [H] [X] n’avait pas apporté de preuves suffisantes pour étayer ses accusations.

Éléments de Preuve et Décision du Tribunal

Le tribunal a examiné les éléments présentés par les deux parties, y compris les attestations et les courriels. Il a conclu que les difficultés relationnelles et organisationnelles n’établissaient pas une présomption de harcèlement moral. De plus, il a jugé que l’employeur avait pris des mesures pour s’adapter au handicap de Mme [H] [X].

Conclusion du Tribunal

La cour a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes, rejetant les demandes de Mme [H] [X] et considérant que la rupture de son contrat d’apprentissage n’était pas entachée de vice du consentement. Mme [H] [X] a été condamnée aux dépens de la procédure d’appel.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/02948 – N° Portalis DBVH-V-B7G-IRV4

CRL/JLB

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AVIGNON

27 juillet 2022

RG :20/00016

[X]

C/

S.A.S. FLORETTE FRANCE GMS

Grosse délivrée le 25 NOVEMBRE 2024 à :

– Me ANAV-ARLAUD

– Me DA SILVA

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2024

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AVIGNON en date du 27 Juillet 2022, N°20/00016

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et Monsieur Julian LAUNAY BESTOSO, Greffier, lors du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 24 Septembre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 25 Novembre 2024.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

Madame [H] [X]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Bénédicte ANAV-ARLAUD de la SELARL SELARL ANAV-ARLAUD-BOTREAU, avocat au barreau D’AVIGNON

INTIMÉE :

S.A.S. FLORETTE FRANCE

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Florian DA SILVA de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de LYON

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 25 Novembre 2024, par mise à disposition au greffe de la cour.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Mme [H] [X] a été embauchée le 4 septembre 2017 par la SAS Florette France Gms en qualité d’apprentie selon un contrat d’apprentissage en vue de préparer un BTSA ‘Sciences et Technologies des aliments option APT’. Ce contrat a été conclu pour une durée de 2 ans, jusqu’au 3 septembre 2019.

Mme [Y] [F], salariée de la SAS Florette France Gms occupant le poste de responsable qualité, a été désignée comme la tutrice de Mme [H] [X].

Mme [X] est reconnue comme travailleur handicapé du fait de sa surdité.

Le 11 janvier 2019, le contrat d’apprentissage a été rompu par la signature d’une rupture d’un commun accord entre les parties. .

Mme [H] [X] a saisi par requête en date du 9 janvier 2020 le conseil de prud’hommes d’Avignon afin de voir condamner la SAS Florette France Gms au paiement de diverses sommes indemnitaires pour l’exécution discriminatoire et déloyale de son contrat d’apprentissage, et pour voir prononcer la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur.

Par jugement en date du 27 juillet 2022, le conseil de prud’hommes d’Avignon a :

– débouté Mme [X] de l’ensemble de ses demandes,

– dit n’avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que chaque partie supportera ses propres frais et dépens.

Par acte du 26 août 2022, Mme [H] [X] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance en date du 17 avril 2024, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 26 août 2024. L’affaire a été fixée à l’audience du 24 septembre 2024.

En l’état de ses dernières écritures intitulées ‘ conclusions d’appelant n° 2″, Mme [H] [X] demande à la cour de :

– infirmer le jugement en ce qu’il a :

– débouté Mme [X] de l’ensemble de ses demandes,

– dit n’avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que chaque partie supportera ses propres frais et dépens,

Statuant de nouveau,

Sur l’exécution du contrat,

– juger qu’elle a été victime de faits constitutifs de harcèlement moral,

– condamner en conséquence la SAS Florette France Gms au paiement de la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi,

– juger que la SAS Florette France Gms a manqué à son obligation de sécurité et de prévention,

– condamner en conséquence la SAS Florette France Gms au paiement de la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts,

Sur la rupture du contrat,

– juger nulle la rupture du contrat d’apprentissage

– condamner la SAS Florette France Gms au paiement des sommes suivantes :

* 6 495,79 euros à titre de rappel de salaire du 11 janvier 2019 au 3 septembre 2019,

* 649,57 euros au titre des congés payés afférents,

* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture aux torts exclusifs de l’employeur,

En tout état de cause,

– débouter la SAS Florette France Gms de toutes ses demandes,

– condamner la SAS Florette France Gms au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la SAS Florette France Gms aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, Mme [H] [X] fait valoir que :

– elle a fait l’objet d’un harcèlement moral discriminatoire en raison de sa surdité, alors que son investissement et son savoir-être étaient largement salués jusqu’en février 2018, l’employeur n’a pas tenu compte des restrictions formulées par le médecin du travail pour adapter son poste de travail en terme de temps de travail et d’exposition au froid, ce qui l’a placée dans l’obligation d’accomplir des tâches incompatibles avec son handicap ; et sa tutrice a reconnu qu’elle ne lui avait pas été communiqué les plannings dans les temps, sans aucune explication,

– sa tutrice a adopté envers elle un comportement non-professionnel et agressif, et l’employeur n’a pas donné suite à sa demande de changement de service,

– elle a été particulièrement affectée par l’ambiance de travail imposée par sa tutrice dans un esprit de vengeance à son encontre, laquelle n’a pas craint de la dénigrer et de lui faire subir des brimades devant ses collègues, de la mettre en quarantaine et de la déclasser sur des projets dont elle avait pourtant la charge,

– ce harcèlement moral a eu des conséquences importantes, elle a dû retrouver en urgence un autre lieu de stage qui l’a accueillie pendant 5 semaines, sans la rémunérer, pour lui permettre de présenter son examen de BTS,

– l’employeur a également manqué à son obligation de prévention et de sécurité en ne respectant pas les préconisations du médecin du travail alors qu’elle est en situation de handicap,

– les attestations produites par l’employeur sont de pure convenance,

– s’agissant de la rupture de son contrat de travail, elle a été obtenue sous la contrainte de l’employeur, pour les motifs développés au titre du harcèlement moral et des manquements de à l’obligation de prévention et de sécurité, à une période où elle se trouvait dans une situation de grande fragilité,

– dans un tel contexte, elle n’a eu d’autre choix que d’accepter la rupture de son contrat de travail afin de pouvoir rechercher dans l’urgence un autre organisme d’accueil, prêt à accepter son handicap pour lui permettre de terminer sa formation,

– elle est donc fondée à solliciter le paiement de son salaire jusqu’au terme annoncé de son contrat de travail.

En l’état de ses dernières écritures intitulées : ‘ conclusions d’appel 1″, la SAS Florette France Gms demande à la cour de :

– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Avignon du 27 juillet 2022 en ce qu’il déboute Mme [X] de l’ensemble de ses demandes.

– dire et juger :

* que Mme [X] n’a pas été victime de harcèlement moral et de discrimination,

* que la société a respecté son obligation de sécurité a l’égard de Mme [X],

* que le contrat d’apprentissage a été rompu régulièrement d’un commun accord entre les parties,

En tout état de cause :

– débouter Mme [X] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions.

– condamner Mme [X] au paiement d’une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, la SAS Florette France Gms fait valoir que :

– le conseil de prud’hommes a justement débouté Mme [H] [X] de l’ensemble des demandes en retenant qu’elle n’apportait aucune preuve au soutien de ses différentes demandes et procédait par affirmation,

– Mme [H] [X] croit pouvoir confondre les notions de discrimination et de harcèlement moral pour solliciter une indemnisation au titre d’un ‘ harcèlement discriminatoire’, en soutenant que sa tutrice aurait participé à la dégradation de ses conditions de travail et l’aurait discriminée en raison de son handicap,

– l’avis du médecin du travail dont se prévaut Mme [H] [X] est en date du 4 décembre 2018, et elle n’a pas travaillé au-delà de cette date jusqu’à la rupture de son contrat de travail,

– concernant la communication tardive des plannings de travail, si elle a pu exister ponctuellement, elle n’a pour autant jamais dégradé les conditions de travail, étant observé que Mme [H] [X] ne justifie pas avoir formulé des demandes au titre de ces retards de communication, et que ces retards ne le concernaient pas spécifiquement mais concernaient l’ensemble de son service,

– Mme [H] [X] soutient pour la première fois en cause d’appel que sa tutrice aurait eu un comportement agressif à son égard, motivant ainsi sa demande de changement de service, alors que concrètement elle n’en a jamais fait état, notamment auprès du centre de formation ou du service RH,

– le courriel produit par Mme [H] [X] pour justifier du comportement désagréable et humiliant de sa tutrice à son égard est un courriel qu’elle s’est envoyée à elle-même,

– les attestations qu’elle produit établissent le comportement respectueux de sa tutrice à son égard, laquelle en revanche a eu à déplorer un comportement inadapté de Mme [H] [X],

– Mme [H] [X] n’a jamais saisi les représentants du personnel pour les difficultés qu’elle dénonce désormais,

– les reproches quant à l’accompagnement dont Mme [H] [X] a pu faire l’objet sont infondés et contredits par les échanges de courriels qu’elle produit qui au contraire établissent des manquements imputables à l’appelante qui n’a au final laissé qu’une journée à sa tutrice pour relire et corriger son rapport de stage,

– contrairement à ce que soutient Mme [H] [X], des mesures organisationnelles ont été mises en place pour tenir compte de sa surdité et lui permettre d’avoir accès à toutes les informations et communiquer avec ses collègues,

– les griefs relatifs au non-respect de l’avis du médecin du travail quant à l’exposition au froid au titre de l’obligation de sécurité ne sont pas fondés puisque Mme [H] [X] n’a pas travaillé au-delà de cet avis,

– le certificat médical de son médecin généraliste dont Mme [H] [X] se prévaut pour invoquer le manque d’adaptation de son poste de travail ne lui a jamais été communiqué, au surplus, ce certificat médical daté du 28 octobre 2018 est postérieur à son dernier jour effectivement travaillé au sein de l’entreprise,

– au surplus, elle justifie par la production de courriels et comptes-rendus de réunion du souci constant d’accompagner au mieux Mme [H] [X] dans son apprentissage, et ce malgré le comportement opposant de celle-ci souligné par M. [Z] du groupe AMF,

– concernant la rupture de son contrat d’apprentissage, Mme [H] [X] ne démontre pas la réalité du vice du consentement qu’elle invoque, et contrairement à ce qu’elle invoque, son licenciement pour inaptitude n’a jamais été envisagé, en l’absence de décision d’inaptitude,

– Mme [H] [X] a rompu son contrat d’apprentissage en étant accompagnée de son centre d’apprentissage qui a forcément opéré un contrôle pour s’assurer que celle-ci n’intervenait pas sous la contrainte, étant au surplus rappelé qu’il s’est écoulé plus d’un mois entre la décision de rupture et sa formalisation, laissant ainsi le temps à la salariée de revenir sur sa décision si elle s’estimait contrainte.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l’audience.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 7 juillet 2022 par le conseil de prud’hommes d’Avignon,

Juge n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne Mme [H] [X] aux dépens de la procédure d’appel.

Arrêt signé par le président et par le greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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