Cour d’appel de Nîmes, 21 octobre 2024, RG n° 23/02437
Cour d’appel de Nîmes, 21 octobre 2024, RG n° 23/02437

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Nîmes

Thématique : Choisir la convention collective applicable au salarié

 

Résumé

Mme [B] [T] a été engagée par l’association Heureux sous son toit en tant qu’auxiliaire de vie le 23 février 2015. Après un CDD de 2 mois, elle a signé un CDI à temps complet. Suite à des litiges sur des rappels de salaire, elle a saisi le conseil des prud’hommes. Le jugement du 6 décembre 2017 a requalifié son CDD en CDI et fixé son salaire à 1.466,65 euros. En appel, la cour a confirmé la requalification mais a infirmé certaines condamnations. La Cour de cassation a annulé la condamnation de l’employeur à verser des rappels de salaire, entraînant un nouveau procès.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

21 octobre 2024
Cour d’appel de Nîmes
RG n°
23/02437

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 23/02437 – N° Portalis DBVH-V-B7H-I4SM

COUR DE CASSATION DE PARIS

29 mars 2023

RG :

S.A.R.L. HEUREUX SOUS SON TOIT

C/

[T]

Grosse délivrée le 21 OCTOBRE 2024 à :

– Me SOLANS

– Me RECHE

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 21 OCTOBRE 2024

Décision déférée à la Cour : Arrêt du Cour de Cassation de PARIS en date du 29 Mars 2023, N°

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

GREFFIER :

Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier à la 5ème chambre sociale, lors des débats et du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l’audience publique du 18 Septembre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 21 Octobre 2024.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

S.A.R.L. HEUREUX SOUS SON TOIT

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Antoine SOLANS de la SELARL ANTOINE SOLANS, avocat au barreau de CARCASSONNE

INTIMÉE :

Madame [B] [T]

née le 04 Octobre 1962 à [Localité 5]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe RECHE de la SELARL CHABANNES-RECHE-BANULS, avocat au barreau de NIMES

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 21 Octobre 2024, par mise à disposition au greffe de la cour.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Mme [B] [T] a été engagée le 23 février 2015 en qualité d’auxiliaire de vie par l’association Heureux sous son toit. Le 1er avril 2015, la salariée a signé un contrat à durée déterminée à temps complet d’une durée de 2 mois et un contrat à durée indéterminée d’une durée hebdomadaire de 45 heures à effet au 24 avril 2015.

Après des échanges de courriers entre la salariée et l’employeur concernant des rappels de salaire et quelques régularisations opérées par ce dernier, Mme [T] a saisi le conseil des

prud’hommes le 20 juin 2016 afin d’obtenir le paiement de la somme de 8.369 euros à titre de rappels de salaire outre 1’indemnité compensatrice de congés payés et des dommages-intérêts pour son préjudice moral.

Cette affaire a été radiée.

Le 30 décembre 2016, l’employeur lui a notifié son licenciement pour inaptitude.

Le 2 août 20l7, Mme [B] [T] a sollicité le rétablissement de l’affaire radiée devant le conseil des prud’hommes pour voir juger que son contrat de travail a débuté par un contrat à durée déterminée à temps complet conclu le 23 février 2015 et pour obtenir les rappels de salaire et d’indemnité calculés sur la base d’un salaire de référence à temps complet.

Par jugement en date du 06 décembre 2017, le conseil de prud’hommes de Narbonne :

– Fixe la date du début de contrat de Mme [T] [B] au 23 février 2015.

– Requalifie le CDD à temps complet du 1er avril 2015 en CDI à temps complet au 23 février 2015,

– Fixe le salaire mensuel brut à la somme de 1.466,65 euros.

– Condamne la SARL Heureux sous son toit, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [T] [B] les sommes de :

– 1.500,00 euros au titre de l’indemnité de requalification du CDD en CDI,

– 19.290,10 euros bruts au titre du rappel de salaire sur la base d’un temps complet,

– 1.929,01 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

– 1.127,00 euros bruts au titre du rappel de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 266,56 euros nets au titre du rappel de l’indemnité spéciale du licenciement,

– 10.000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour réparation du préjudice subi.

– Condamne la SARL Heureux sous son toit, prise en la personne de son représentant légal, à adresser à Mme [T] [B] un bulletin de paie rectifié et conforme à la présente décision, sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard à compter du 15ème jour de la 1ère présentation de la notification de la présente décision ; astreinte d’abord provisoire jusqu’au 30ème jour et qui deviendra définitive au bout de 90 jours, le Conseil de réservant le droit de liquider ladite astreinte le cas échéant,

– Ordonne l’exécution provisoire de droit.

– Condamne la SARL Heureux sous son toit, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Mme [T] [B] la somme de :

– 1.500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et déboute la partie défenderesse de sa demande reconventionnelle.

– Déboute la partie défenderesse du surplus de ses prétentions.

– Condamne la SARL Heureux sous son toit, prise en la personne de son représentant légal, aux entiers dépens y compris aux éventuels frais d’huissier en cas d’exécution forcée de la présente décision.

Statuant sur l’appel interjeté par la SARL Heureux sous son toit, la cour d’appel de Montpellier suivant arrêt en date du 07 avril 2021 :

– Dit que, en vertu de l’unicité de l’instance applicable au litige, [B] [T] est recevable à former en cause d’appel des demandes nouvelles concernant la requalification du CDD à temps complet du 23 février 2015 en CDI à temps complet et l’indemnité de requalification ;

– Dit par conséquent sans objet la demande de l’appelante fondée sur l’article 5 du code de procédure civile ;

– Confirme par conséquent le jugement entreprise sauf en ce qu’il a dit que c’est le contrat à durée indéterminée à temps complet du 1er avril 2015 qui est requalifié en contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 23 février 2015 et sauf en ce qu’il a condamné l’employeur à payer à la salariée la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Statuant à nouveau sur les seuls chefs infirmés ;

– Requalifie le contrat non écrit à durée indéterminée à temps complet conclu le 23 février 2015 en contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 23 février 2015 ;

– Déboute [B] [T] de sa demande de dommages-intérêts ;

– Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du jour où l’employeur a eu connaissance de leur demande, et les sommes à caractère indemnitaire à compter du jugement confirmé ;

– Condamne la SARL Heureux sous son toit aux dépens d’appel et à payer à [B] [T] la somme de 1.500 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cour d’appel.

Sur pourvoi de la société Heureux sous son toit, la Cour de cassation, par arrêt du 29 mars 2023 a :

– Cassé et annulé mais seulement en ce qu’il condamne l’association Heureux sous son toit à payer à Mme [T] les sommes de 19 290,10 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 23 février 2015 au 30 décembre 2016 et de 1 929,01 euros au titre des congés payés y afférents, l’arrêt rendu le 7 avril 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Montpellier

Aux motifs suivants :

‘Vu l’article 455 du code de procédure civile :

6. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé et le défaut de répondre à conclusions constitue un défaut de motifs

7. Pour condamner l’employeur à verser un rappel de salaire à temps plein sur la période du 23 février 2015 au 30 décembre 2016, outre les congés payés afférents, l’arrêt retient que la salariée aurait dû être payée pour un nombre d’heures de travail accomplies supérieur au nombre d’heures qui lui ont été réglées.

8. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de l’employeur qui soutenait que la salariée avait été en arrêt de travail du 17 novembre 2015 au 31 janvier 2016 puis du 6 avril au 7 novembre 2016 et que la convention collective des services d’aide à la personne ne prévoyait aucun maintien de salaire dans cette situation, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

9. La cassation prononcée n’entraîne pas la cassation des chefs de dispositif de l’arrêt qui requalifient le contrat à durée déterminée conclu le 23 février 2015 en contrat à durée indéterminée à temps complet, fixent le salaire à une certaine somme et condamnent l’employeur au paiement d’indemnités au titre de la rupture et de l’indemnité de requalification.

10. Elle n’emporte pas, non plus, cassation des chefs de dispositif condamnant l’employeur aux dépens ainsi qu’au paiement d’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile, justifiés par d’autres condamnations prononcées à l’encontre de celui-ci et non remises en cause.’

Par acte du 17 juillet 2023, la société Heureux sous son toit a saisi la cour d’appel de Nîmes désignée comme juridiction de renvoi.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 17 septembre 2024, la société demande à la cour de :

– Constater la circonstance suivant laquelle Mme [B] [T] était en arrêt de travail du 17 novembre 2015 au 31 janvier 2016, puis d’avril à novembre 2016 de sorte que sa demande de rappel de salaire est irrecevable ;

– Constater que Mme [B] [T] ne pouvait prétendre à un maintien de salaire durant ses 9 mois d’arrêt de travail ne remplissant pas les 3 ans d’ancienneté qui étaient nécessaires en 2015 au premier jour de l’arrêt de travail ; que n’ayant pas travaillé durant ses arrêts de travail elle ne peut prétendre à un salaire ;

-Constater que la convention collective applicable à la relation de travail est la Convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012, qu’aucune des dispositions étendues de cette convention ne prévoit rien en matière de maintien de salaire pendant l’arrêt maladie ;

– Constater que les nouvelles demandes d’indemnités compensatrice de préavis et d’indemnité spéciale de licenciement se heurte à l’autorité de la chose jugée, qu’il en est de même de la demande d’indemnisation du préjudice lié au fait que les bulletins de salaire n’auraient pas été faits sur la base d’un horaire à temps complet, ces demandes ayant été tranchées par l’arrêt de la chambre sociale de la Cour d’appel de Montpellier du 7 avril 2021 qui est sur ces trois points, définitif ;

– En conséquence, réformer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Narbonne le 06 décembre 2017 numéro RG F17/00194, en ce qu’il a condamné la SARL Heureux sous son toit à verser à Mme [T] la somme 19.290,10 euros brut de rappel de salaire et 1929,01 euros bruts au titre des congés payés y afférents ;

– Constater l’acharnement judiciaire de Mme [B] [T] et la condamner à verser à la SARL Heureux sous son toit 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– S’entendre par ailleurs, Mme [B] [T] condamnée aux entiers dépens ;

Elle soutient que :

– Mme [T] ne pouvait prétendre à une quelconque rémunération du 17 novembre 2015 au 31 janvier 2016, puis du 6 avril au 7 novembre 2016, période durant laquelle elle était en arrêt maladie puisque la Convention collective des services d’aide à la personne ne prévoit aucun maintien de salaire dans cette situation au regard de sa faible ancienneté,

– l’erreur n’est pas créatrice de droit, aussi Mme [B] [T] ne peut continuer de soutenir qu’elle aurait bien été recrutée sur la base d’un horaire hebdomadaire de 45 heures, que l’employeur devrait donc la payer sur cette base et qu’il n’y aurait donc pas d’erreur dans l’article 4 de son contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel,

– elle a proposé à Mme [T] un avenant à son contrat de travail afin de corriger l’erreur contenue dans le premier ( 45 H/mensuelles et non hebdomadaires),

– elle est une société commerciale à but lucratif, c’est donc la Convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012 qui lui est applicable et non pas la

Convention collective nationale de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile du 21 mai 2010,

– Mme [T] a été en arrêt de travail du 17 novembre 2015 au 31 janvier 2016, elle a repris du 1er février jusqu’au 6 avril 2016 date à laquelle elle a déclaré avoir eu un accident du travail chez un bénéficiaire et s’est vue prescrire un arrêt de travail jusqu’au 6 novembre 2016,

– lors de sa visite de reprise le 07 novembre 2016, le médecin du travail l’a déclarée inapte à son poste d’auxiliaire de vie et apte à un poste sans contraintes physiques et posturale, par un second avis en date du 24 novembre 2016, après une étude de poste et des conditions de travail le médecin du travail, a confirmé l’inaptitude définitive, elle n’est redevable d’aucun salaire durant l’arrêt maladie soit du 17 novembre 2015 au 31 janvier 2016 et du 6 avril au 7 novembre 2016.

– le maintien de salaire n’est dû au salarié malade, que si ce dernier remplit la condition d’ancienneté prévue dans l’accord sur la mensualisation de 1978, repris désormais à l’article L1226-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, Mme [B] [T] ayant été recrutée le 1er avril 2015 avait moins d’un an d’ancienneté, le premier jour de ses arrêts de travail, date à laquelle l’ancienneté du salarié doit être appréciée pour vérifier son droit à maintien de salaire en application de l’article D1226-8 du code du travail qui dispose : « L’ancienneté prise en compte pour la détermination du droit à l’indemnité complémentaire s’apprécie au premier jour de l’absence. »

– le délai d’un mois visé à l’article L 1226-4 du code du travail, à l’issue duquel l’employeur est tenu de verser au salarié déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre son emploi ou tout emploi dans l’entreprise en conséquence d’une maladie ou d’un accident non professionnel et qui n’est ni reclassé dans l’entreprise ni licencié le salaire correspondant à l’emploi occupé avant la suspension de son contrat de travail, ne court qu’à partir de la date du second de ces examens médicaux, soit en l’espèce, à compter du 24 novembre 2016, ce dont elle s’est acquittée à partir du 24 décembre 2016.

En l’état de ses dernières écritures en date du 17 septembre 2024 contenant appel incident, Mme [B] [T] demande à la cour de :

– Réformer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Narbonne le 06 décembre 2017 numéro RG F17/00194, en ce qu’il a condamné la SARL Heureux sous son toit à verser à Mme [T] la somme 19.290,10 euros brut de rappel de salaire et 1929,01 euros bruts au titre des congés payés y afférents

Statuant à nouveau,

– Juger que si Mme [T] avait depuis l’origine perçu un salaire à temps complet à raison de 45 h par semaine, le montant de ces indemnités journalières aurait été supérieur à celui qu’elle a effectivement perçu pour ces deux périodes d’arrêt de travail ;

Vu le rapport de la société Delbos Paye Social

– Juger que Mme [T] est en conséquence fondée à solliciter les sommes suivantes :

Rappel de salaire : 14910,48 euros brut

Maintien de salaire Maladie du 17.11.2015 au 31.01.2016 : 3584,06 euros brut

Maintien de salaire Accident du travail du 6.04.2016 au 07.11.2016 : 7645,15 euros brut

Indemnité compensatrice de congés payés : 2955.93 euros brut

Indemnité « compensatrice de préavis AT/MP » : 3409,24 euros brut

Indemnité spéciale de licenciement : 844,42 euros

– Condamner en conséquence la SARL Heureux sous son toit au paiement de ces sommes;

– Débouter la SARL Heureux sous son toit de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

– La condamner aux entiers dépens ainsi qu’à la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, dans l’hypothèse où la Cour considère que la convention collective applicable serait celle des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012 (IDCC 3127) ;

Vu le rapport complémentaire de la société Delbos Paye Social du 17 septembre 2024,

– juger que Mme [T] est en conséquence fondée à solliciter les sommes suivantes :

– Rappel de salaire : 14751.60 euros brut

– Maintien de salaire Maladie du 17.11.2015 au 31.01.2016 : 3999.31 euros brut

– Maintien de salaire Accident du travail du 6.04.2016 au 07.11.2016 : 11796.10 euros brut

– Rappel d’IJSS (en cas de non maintien du salaire applicable) : 9943.66 euros

– Indemnité compensatrice de congés payés : 2955.93 euros brut

– Indemnité « compensatrice de préavis AT/MP » : 3409,18 euros brut

– Indemnité spéciale de licenciement : 844,40 euros

condamner en conséquence la SARL Heureux sous son toit au paiement de ces sommes;

débouter la SARL Heureux sous son toit de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

La condamner aux entiers dépens ainsi qu’à la somme de 2500 € au titre de l’article 700 du CPC.

Elle fait valoir que :

– si depuis l’origine ses bulletins de salaire avaient mentionné un salaire de référence à raison de 45 h/sem, le calcul des indemnités journalières aurait été différent et elle aurait perçu un maintien de salaire en ce qui concerne la période du 6 avril 2016 au 7 novembre 2016 alors qu’elle se trouvait en arrêt de travail pour cause d’accident de travail,

– elle justifie avoir seulement perçu pour la période du 7 juin 2016 au 6 novembre 2016, la somme de 1661.10 euros mais déclare ne pas être en possession de son attestation pour la période du 6 avril 2016 au 7 juin 2016 et l’avoir sollicitée auprès de la CPAM afin de préciser le montant perçu,

– concernant sa période de maladie soit du 17 novembre 2015 au 31 janvier 2016, elle justifie avoir perçu la somme de 531.44 euros qu’elle considère ridicule et qui aurait été bien supérieure si depuis l’origine ses bulletins de salaire avaient mentionné un salaire de référence à raison de 45 h/sem.

– elle a tenté d’obtenir la régularisation du montant des indemnités journalières auprès de la caisse qui lui a opposé un refus.

– pour calculer les montants dus sur cette nouvelle période, elle a sollicité la société Delbos Paye Social qui est spécialisée dans le traitement de la paye et qui a pris connaissance de l’ensemble des décisions judiciaires rendues avant d’établir son rapport sur la base duquel elle présente ses réclamations.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par avis du 31 juillet 2023, l’affaire a été initialement fixée à l’audience du 3 avril 2024, puis, selon avis du 6 décembre 2023, déplacée à l’audience du 10 avril 2024, et enfin à celle du 18 septembre 2024.

MOTIFS

Sur la convention collective nationale applicable

Il n’est pas contesté que Mme [T] ne remplissait pas la condition d’ancienneté d’un an prévue à l’article L1226-1 du code du travail lors de son premier arrêt de travail le 17 novembre 2015.

La société appelante précise que son activité est couverte par deux conventions collectives, la première, la convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012, qui s’applique en vertu de son préambule définissant son champ d’application « aux employeurs et aux salariés des entreprises à but lucratif et de leurs établissements, à l’exclusion des associations », la seconde, la convention collective nationale de la branche de l’aide, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile du 21 mai 2010, dont l’article premier définit le champ d’application de la manière suivante : « Cet accord s’applique à l’ensemble des entreprises et organismes employeurs privés à but non lucratif qui, à titre principal, ont pour activité d’assurer aux personnes physiques toutes formes d’aide, de soin, d’accompagnement, de services et d’intervention à domicile ou de proximité. ».

La SARL Heureux sous son toit est une société commerciale à but lucratif, c’est donc, comme elle le soutient justement, la première de ces conventions soit la convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012 qui lui est applicable, et non pas la seconde sur la base de laquelle a été établi le premier rapport de la SARL DPS Delbos Paye Info, ainsi qu’en attestent la mention figurant sur les bulletins de salaire de Mme [T] et l’article 1er de son CDI en date du 1er avril 2015.

Dans ses dernières conclusions Mme [T] se réfère au rapport complémentaire établi par la SARL DPS Delbos Paye Info le 17 septembre 2024 qui, prenant pour base la partie VI de la convention collective nationale des services à la personne qui prévoit que ‘sont bénéficiaires du régime de prévoyance, à titre obligatoire, sans sélection médicale, tous les salariés des entreprises relevant du champ d’application de la convention collective des entreprises de services à la personne et ayant une ancienneté de 6 mois (consécutifs ou non) dans la branche professionnelle des entreprises de services à la personne au cours des 18 derniers mois le premier jour de l’arrêt de travail ou de l’événement ouvrant droit à garantie’, a recalculé les sommes revenant à la salariée.

Or, si la convention collective nationale des service à la personne a bien fait l’objet d’un arrêté d’extension le 3 avril 2014, cet arrêté mentionne expressément que ‘La partie VI relative à la protection sociale est exclue de l’extension en tant qu’elle prévoit un régime conventionnel de prévoyance fondé sur une clause de désignation d’organismes assureurs et une clause de migration, pris en application de l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale, déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2013-672 DC du 13 juin 2013.’

Il en résulte que faute de dispositions spécifiques dans la convention collective nationale des entreprises de services à la personne du 20 septembre 2012, la relation des parties est soumise aux dispositions de l’article L1226-1 du code du travail qui prévoit :

«Tout salarié ayant une année d’ancienneté [ et non trois comme soutenu à tort par l’employeur] dans l’entreprise bénéficie, en cas d’absence au travail justifiée par l’incapacité résultant de maladie ou d’accident constaté par certificat médical et contre-visite s’il y a lieu, d’une indemnité complémentaire à l’allocation journalière prévue à l’article L. 321-1 du code de la sécurité sociale, à condition :

1° D’avoir justifié dans les quarante-huit heures de cette incapacité, sauf si le salarié fait partie des personnes mentionnées à l’article L. 169-1 du code de la sécurité sociale ;

2° D’être pris en charge par la sécurité sociale ;

3° D’être soigné sur le territoire français ou dans l’un des autres Etats membres de la Communauté européenne ou dans l’un des autres Etats partie à l’accord sur l’Espace économique européen.

Ces dispositions ne s’appliquent pas aux salariés travaillant à domicile, aux salariés saisonniers, aux salariés intermittents et aux salariés temporaires.

Un décret en Conseil d’État détermine les formes et conditions de la contre-visite mentionnée au premier alinéa.»

Sur le rappel de salaire pour la période du 23 février 2015 au 30 décembre 2016

L’arrêt de renvoi précise que la cassation prononcée n’entraîne pas la cassation des chefs de dispositif de l’arrêt qui requalifient le contrat à durée déterminée conclu le 23 février 2015 en contrat à durée indéterminée à temps complet, fixent le salaire à une certaine somme et condamnent l’employeur au paiement d’indemnités au titre de la rupture et de l’indemnité de requalification.

Ces dispositions étant à présent définitives les demandes de Mme [T] tendant au paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés de 2955.93 euros bruts, d’une indemnité «compensatrice de préavis AT/MP » de 3409,24 euros bruts et d’une indemnité spéciale de licenciement de 844,42 euros sont donc irrecevables.

Il est donc acquis que le contrat du 1er avril 2015 est un contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 23 février 2015.

L’association Heureux sous son toit soutient que Mme [T] ne pouvait prétendre à une quelconque rémunération du 17 novembre 2015 au 31 janvier 2016, puis du 6 avril au 7 novembre 2016, périodes durant laquelle elle était en arrêt maladie puisque la convention collective des services d’aide à la personne ne prévoit aucun maintien de salaire dans cette situation au regard de sa faible ancienneté.

Rappelant le principe selon lequel l’erreur n’est pas créatrice de droit, elle avance que Mme [B] [T] ne peut continuer de soutenir qu’elle aurait bien été recrutée sur la base d’un horaire hebdomadaire de 45 heures, que l’employeur devrait donc la payer sur cette base et qu’il n’y aurait donc pas d’erreur dans l’article 4 de son contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel.

Elle relate qu’elle a proposé à Mme [T] un avenant à son contrat de travail afin de corriger l’erreur contenue dans le premier ( 45 H/mensuelles et non hebdomadaires), erreur que l’expert-comptable confirme, qu’au surplus Mme [T] a été en arrêt de travail du 17 novembre 2015 au 31 janvier 2016, qu’elle a repris du 1er février jusqu’au 6 avril 2016 date à laquelle elle a déclaré avoir eu un accident du travail chez un bénéficiaire et s’est vue prescrire un arrêt de travail jusqu’au 6 novembre 2016, que lors de sa visite de reprise le 07 novembre 2016, le médecin du travail l’a déclarée inapte à son poste d’auxiliaire de vie et apte à un poste sans contraintes physiques et posturales, que par un second avis en date du 24 novembre 2016, après une étude de poste et des conditions de travail le médecin du travail a confirmé l’inaptitude définitive.

Elle estime donc qu’elle n’est redevable d’aucun salaire durant l’arrêt maladie soit du 17 novembre 2015 au 31 janvier 2016 et du 6 avril au 7 novembre 2016.

Au visa de l’article L1226-1 du code du travail elle considère que Mme [B] [T] ayant été recrutée le 1er avril 2015 avait moins d’un an d’ancienneté, le premier jour de ses arrêts de travail, date à laquelle l’ancienneté du salarié doit être appréciée pour vérifier son droit à maintien de salaire en application de l’article D1226-8 du code du travail qui dispose : « L’ancienneté prise en compte pour la détermination du droit à l’indemnité complémentaire s’apprécie au premier jour de l’absence. »

Elle rappelle par ailleurs que le délai d’un mois visé à l’article L 1226-4 du code du travail, à l’issue duquel l’employeur est tenu de verser au salarié déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre son emploi ou tout emploi dans l’entreprise en conséquence d’une maladie ou d’un accident non professionnel et qui n’est ni reclassé dans l’entreprise ni licencié le salaire correspondant à l’emploi occupé avant la suspension de son contrat de travail, ne court qu’à partir de la date du second de ces examens médicaux, soit en l’espèce, à compter du 24 novembre 2016, ce dont elle s’est acquittée à partir du 24 décembre 2016. Elle n’avait aucune obligation de régler les salaires pour la période du 6 novembre au 31 décembre 2016.

Tenant pour acquis qu’elle a été embauchée dès le 23 février 2015 pour 45 heures hebdomadaires, Mme [T] fait observer que si depuis l’origine ses bulletins de salaire avaient mentionné un salaire de référence à raison de 45 h/sem, le calcul des indemnités journalières aurait été différent et elle aurait perçu un maintien de salaire en ce qui concerne la période du 6 avril 2016 au 7 novembre 2016 alors qu’elle se trouvait en arrêt de travail pour cause d’accident de travail.   Elle justifie avoir seulement perçu pour la période du 7 juin 2016 au 6 novembre 2016, la somme de 1661.10 euros mais déclare ne pas être en possession de son attestation pour la période du 6 avril 2016 au 7 juin 2016 et l’avoir sollicitée auprès de la CPAM afin de préciser le montant perçu.

Concernant sa période de maladie soit 17 novembre 2015 au 31 janvier 2016, elle justifie avoir

perçu la somme de 531.44 euros qu’elle considère ridicule et qui aurait été bien supérieure si depuis l’origine ses bulletins de salaire avaient mentionné un salaire de référence à raison de 45 h/sem.

Elle précise qu’elle a tenté d’obtenir la régularisation du montant des indemnités journalières auprès de la caisse qui lui a opposé un refus.

Elle estime en conséquence, que le montant qui a été accordé par le conseil de prud’hommes de Narbonne, soit 19.290,10 euros à titre de rappel de salaire outre 1921,01 euros au titre des congés payés afférents, doit simplement être amputé du montant des indemnités journalières perçues par elle durant cette période.

Il résulte de ce qui précède et des décisions rendues non affectées par la cassation que Mme [T] est censée avoir été recrutée à compter du 23 février 2015 par contrat à durée indéterminée à temps complet pour un salaire mensuel de 1.466,65 euros.

L’argument de l’association selon lequel la mention d’un travail hebdomadaire de 45 heures proviendrait d’une erreur n’a pas été retenu par le conseil de prud’hommes de Narbonne, ni par la cour d’appel de Montpellier. La Cour de cassation n’a pas renvoyé l’examen de cette question à la présente cour.

Il résulte des dispositions à présent définitives des décisions antérieures que Mme [T] est censée avoir travaillé à temps complet pour un salaire mensuel brut de 1.466,65 euros.

Ainsi l’association était tenue de verser un salaire :

– du 23 février 2015 au 16 novembre 2015 sur la base d’un salaire mensuel brut de 1.466,65 euros,

– Mme [T] s’est trouvée en arrêt de travail pour maladie du 17 novembre 2015 au 31 janvier 2016, la salariée qui ne présentait pas une ancienneté de un an ne pouvait prétendre alors à un maintien de salaire par l’employeur en application des disposition de l’article L1226-1 du code du travail en sorte que l’employeur n’est redevable d’aucune somme à ce titre,

– du 1er février 2016 au 5 avril 2016 sur la base d’un salaire mensuel brut de 1.466,65 euros,

– Mme [T] a été en arrêt de travail en raison d’un accident du travail du 6 avril au 7 novembre 2016, compte tenu de son absence pour maladie du 17 novembre 2015 au 31 janvier 2016 ( 2 mois et 13 jours) elle ne présentait toujours pas une année d’ancienneté au 6 avril 2016,

– déclarée définitivement inapte le 24 novembre 2016, l’employeur devait reprendre le paiement des salaires à compter du 24 décembre 2016 jusqu’au licenciement intervenu le 30 décembre 2016.

Faute de calculs plus précis de la part des parties, la condamnation de la SARL Heureux sous son toit sera prononcée sur les bases qui précèdent.

Dans ses dernières écritures Mme [T] sollicite le paiement de Rappel d’IJSS en cas de non maintien du salaire : 9943.66 €

Or en aucun cas l’employeur ne peut être tenu au paiement d’ indemnités journalières de sécurité sociale. Il appartient à Mme [T] de s’adresser à l’organisme de sécurité sociale dont elle dépend.

Par ailleurs Mme [T] ne peut, sous couvert d’une telle demande solliciter de l’employeur le paiement de dommages et intérêts alors que le jugement en ce qu’il a condamné l’employeur à payer à la salariée la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts a été réformé par la cour d’appel de Montpellier, ces dispositions étant à présent définitives.

L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en l’espèce.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort

Vu l’arrêt de cassation du 29 mars 2023,

Dit irrecevables les demandes de Mme [T] tendant au paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés de 2955.93 euros bruts, d’une indemnité «compensatrice de préavis AT/MP » de 3409,24 euros bruts et d’une indemnité spéciale de licenciement de 844,42 euros,

Condamne la SARL Heureux sous son toit à payer, en deniers ou quittances, à Mme [T] un salaire mensuel brut de 1466,65 euros du 23 février 2015 au 16 novembre 2015 puis du 1er février 2016 au 5 avril 2016 et ensuite du 24 décembre 2016 jusqu’au 30 décembre 2016,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,

Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SARL Heureux sous son toit aux dépens d’appel.

Arrêt signé par le président et par le greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


 


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