Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Nîmes
Thématique : Prolongation de rétention administrative et contestation des procédures d’éloignement
→ RésuméArrêté préfectoral et placement en rétentionM. [R] [Z], de nationalité marocaine, a reçu le 7 janvier 2025 un arrêté préfectoral lui imposant une obligation de quitter le territoire français, assortie d’une interdiction de retour de deux ans. Le 13 janvier 2025, il a été interpellé pour occupation illégale d’un logement et placé en rétention administrative, avec notification de cette décision à 18h50 le même jour. Demande de prolongation de la rétentionLe 16 janvier 2025, le Préfet du Gard a saisi le tribunal judiciaire de Nîmes d’une requête pour prolonger la mesure de rétention. Le magistrat a rendu une ordonnance le 17 janvier 2025, déclarant la requête recevable et ordonnant le maintien de M. [R] [Z] en rétention pour une durée maximale de 26 jours. Appel de l’ordonnanceM. [R] [Z] a interjeté appel de cette ordonnance le 18 janvier 2025, contestant la régularité de la requête de prolongation. À l’audience, il a exprimé son opposition à un retour au Maroc et a sollicité sa remise en liberté immédiate. Arguments de la défenseL’avocat de M. [R] [Z] a souligné une erreur matérielle dans la déclaration d’appel et a abandonné le moyen d’incompétence du signataire de la requête. Il a également fait valoir que son client souhaite se marier, bien que M. [R] [Z] n’ait pas de compagne actuelle. Recevabilité de l’appelL’appel a été jugé recevable, ayant été interjeté dans les délais légaux. Les moyens soulevés par M. [R] [Z] ont été considérés comme recevables, conformément aux dispositions du Code de l’entrée et du séjour des étrangers. Éléments de fondLe tribunal a examiné les dispositions légales concernant l’obligation de quitter le territoire et la possibilité de placement en rétention. M. [R] [Z] n’ayant pas de documents d’identité et étant en situation irrégulière, la prolongation de sa rétention a été justifiée pour permettre son éloignement. Situation personnelle de M. [R] [Z]M. [R] [Z] a été reconnu comme étant sans domicile fixe, célibataire et sans enfant, sans ressources pour assurer son retour au Maroc. Son absence de justificatifs d’identité a été un facteur déterminant dans la décision de prolonger sa rétention. Décision finaleLe tribunal a confirmé l’ordonnance de prolongation de la rétention administrative, considérant que l’administration avait respecté ses obligations et que la situation de M. [R] [Z] ne permettait pas une assignation à résidence. L’appel a été déclaré recevable et l’ordonnance confirmée dans toutes ses dispositions. |
Ordonnance N°56
N° RG 25/00059 – N° Portalis DBVH-V-B7J-JOM3
Recours c/ déci TJ Nîmes
17 janvier 2025
[Z]
C/
LE PREFET DU GARD
COUR D’APPEL DE NÎMES
Cabinet du Premier Président
Ordonnance du 20 JANVIER 2025
Nous, Mme Marine KARSENTI, Conseillère à la Cour d’Appel de Nîmes, désignée par le Premier Président de la Cour d’Appel de Nîmes pour statuer sur les appels des ordonnances du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes en charge du contentieux de la rétention administrative, rendues en application des dispositions des articles L 742-1 et suivants du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit de l’Asile (CESEDA), assistée de Mme Ellen DRÔNE, Greffière,
Vu l’arrêté préfectoral ordonnant une obligation de quitter le territoire français assorti d’une interdiction de retour de deux ans en date du 07 janvier 2025 notifié le même jour, ayant donné lieu à une décision de placement en rétention en date du 13 janvier 2025, notifiée le même jour à 18h50 concernant :
M. [R] [Z]
né le 1er Janvier 2000 à [Localité 2]
de nationalité Marocaine
Vu la requête reçue au greffe du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes en charge du contentieux de la rétention administrative le 16 janvier 2025 à 17h40, enregistrée sous le N°RG 25/00304 présentée par M. le Préfet du Gard ;
Vu l’ordonnance rendue le 17 Janvier 2025 à 15h49 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes en charge du contentieux de la rétention administrative, qui a :
* Déclaré la requête recevable ;
* Ordonné pour une durée maximale de 26 jours commençant 4 jours après la notification de la décision de placement en rétention, le maintien dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, de M. [R] [Z] ;
* Dit que la mesure de rétention prendra fin à l’expiration d’un délai de 26 jours à compter du 17 janvier 2025 à 18h50,
Vu l’appel de cette ordonnance interjeté par Monsieur [R] [Z] le 18 Janvier 2025 à 14h23 ;
Vu l’absence du Ministère Public près la Cour d’appel de Nîmes régulièrement avisé ;
Vu l’absence du Préfet du Gard, régulièrement convoqué ;
Vu l’assistance de Monsieur [W] [M] interprète en langue arabe inscrit sur la liste des experts de la cour d’appel de Nîmes ;
Vu la comparution de Monsieur [R] [Z], régulièrement convoqué ;
Vu la présence de Me Frederic ORTEGA, avocat de Monsieur [R] [Z] qui a été entendu en sa plaidoirie ;
Déclare qu’il n’est titulaire d’aucun document d’identité, qu’il est opposé à un retour au Maroc, qu’il est arrivé irrégulièrement en France en octobre 2024, qu’il veut se marier un jour mais n’a pas encore rencontré sa compagne et « ne connait pas de femme », qu’il ne comprend pas pourquoi il est là, qu’il vivait avant la rétention « dans une maison, dans la ZUP à [Localité 3] »,
Précise sa date de naissance comme étant le 24 février 2000,
Sollicite l’infirmation de l’ordonnance et sa remise en liberté immédiate.
Son avocat :
Précise que l’en-tête de la déclaration d’appel mentionnant le nom de M. [T] relève d’une erreur matérielle, que cette déclaration d’appel concerne M. [Z],
Se désiste du moyen tiré de l’incompétence du signataire de la requête en prolongation de la rétention,
Fait valoir que M. [Z] lui a dit vouloir se marier et vivre avec sa compagne.
Monsieur le Préfet requérant n’est pas représenté.
SUR LA RECEVABILITE DE L’APPEL :
L’appel interjeté par Monsieur [Z] à l’encontre d’une ordonnance du magistrat du siège du Tribunal judiciaire de Nîmes dûment notifiée a été relevé dans les délais légaux et conformément aux dispositions des articles L.743-21 et R.743-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Il est donc recevable.
SUR LES MOYENS NOUVEAUX ET ÉLÉMENTS NOUVEAUX INVOQUÉS EN CAUSE D’APPEL :
L’article 563 du Code de Procédure Civile dispose que « pour justifier en appel les prétentions qu’elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves. »
L’article 565 du même code précise : « Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ».
Sauf s’ils constituent des exceptions de procédure, au sens de l’article 74 du code de procédure civile, les moyens nouveaux sont donc recevables en cause d’appel.
Pour être recevables en appel, les exceptions de nullité relatives aux contrôles d’identité, conditions de la garde à vue ou de la retenue et d’une manière générale celles tenant à la procédure précédant immédiatement le placement en rétention doivent avoir été soulevées in « limine litis » en première instance.
Le contentieux de la contestation de la régularité du placement en rétention (erreur manifeste d’appréciation de l’administration ou défaut de motivation) ne peut être porté devant la cour d’appel que s’il a fait l’objet d’une requête écrite au magistrat du siège de la première instance dans les 4 jours du placement en rétention, conformément aux dispositions de l’article R.741-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
L’article L.743-11 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose en outre que « à peine d’irrecevabilité, prononcée d’office, aucune irrégularité antérieure à une audience à l’issue de laquelle le juge des libertés et de la détention a prolongé la mesure ne peut être soulevée lors d’une audience ultérieure ».
En l’espèce, tous les moyens soulevés sont recevables.
SUR LE FOND :
L’article L.611-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose des cas dans lesquels un étranger peut faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, l’article L611-3 du même code énumérant limitativement les situations dans lesquelles une décision portant obligation de quitter le territoire est exclue. L’article L.612-6 du même code dispose que l’autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire d’une interdiction de retour sur le territoire français, les effets de cette interdiction cessant à l’expiration de la durée fixée par l’autorité administrative, à compter de l’exécution de la mesure.
L’article L. 741-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dispose que : « l’autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quatre jours, l’étranger qui se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L. 731-1 lorsqu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et qu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision.
Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l’article L. 612-3 ou au regard de la menace pour l’ordre public que l’étranger représente. »
Les cas prévus par l’article L.731-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile visent l’étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l’éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :
1° L’étranger fait l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n’a pas été accordé ;
2° L’étranger doit être éloigné en exécution d’une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ;
3° L’étranger doit être éloigné pour la mise en ‘uvre d’une décision prise par un autre État, en application de l’article L. 615-1 ;
4° L’étranger doit être remis aux autorités d’un autre Etat en application de l’article L. 621-1 ;
5° L’étranger doit être éloigné en exécution d’une interdiction de circulation sur le territoire français prise en application de l’article L. 622-1 ;
6° L’étranger fait l’objet d’une décision d’expulsion ;
7° L’étranger doit être éloigné en exécution d’une peine d’interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l’article 131-30 du code pénal ;
8° L’étranger doit être éloigné en exécution d’une interdiction administrative du territoire français.
L’étranger qui, ayant été assigné à résidence en application du présent article, ou placé en rétention administrative en application des articles L. 741-1 ou L. 741-2, n’a pas déféré à la décision dont il fait l’objet ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette décision est toujours exécutoire, peut être assigné à résidence sur le fondement du présent article.
Le risque mentionné au 3° de l’article L. 612-2 et auquel l’article L. 741-1 renvoie, est considéré comme établi dans les cas suivants, conformément à l’article L. 612-3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile :
1° L’étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;
2° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;
3° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français plus d’un mois après l’expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l’occasion d’une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
4° L’étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;
5° L’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ;
6° L’étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l’un des États avec lesquels s’applique l’acquis de Schengen, fait l’objet d’une décision d’éloignement exécutoire prise par l’un des États ou s’est maintenu sur le territoire d’un de ces États sans justifier d’un droit de séjour ;
7° L’étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage ou a fait usage d’un tel titre ou document ;
8° L’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut présenter des documents d’identité ou de voyage en cours de validité, qu’il a refusé de communiquer les renseignements permettant d’établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu’il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d’empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l’article L. 142-1, qu’il ne justifie pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu’il s’est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.
L’article L.741-3 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précise qu’en tout état de cause « un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration exerce toute diligence à cet effet. »
Au motif de fond sur son appel, le conseil de M. [Z] fait valoir que ce dernier veut se marier. M. [Z] ne produit aucun élément au soutien de ce moyen. Il précise ne pas avoir de compagne actuellement mais espérer un jour se marier. Dans son audition en date du 13 janvier 2025, il s’est déclaré sans domicile fixe, célibataire et sans enfant.
Ce moyen sera rejeté.
En l’espèce, Monsieur [Z] ne disposait au moment de son interpellation, d’aucun justificatif en original de son identité ni d’aucun document de voyage et n’en a pas davantage communiqué depuis aux autorités administratives, de telle sorte qu’il est nécessaire de l’identifier formellement avant de pouvoir procéder à son éloignement effectif.
Le consulat du Maroc dont Monsieur [Z] s’est affirmé être ressortissant a été saisi d’une demande d’identification et de laissez-passer le 14 janvier 2025, dès le placement en rétention de l’intéressé.
Les services préfectoraux ne disposent d’aucun pouvoir de coercition envers les autorités consulaires étrangères de telle sorte qu’il ne peut leur être reproché le délai pris par celles -ci pour adresser leur réponse.
Aucun élément du dossier ou du débat à l’audience ne permet d’affirmer que les réponses du Consulat ne puissent intervenir à bref délai en l’état des diligences dont il est ainsi justifié.
L’administration n’a donc pas failli à ses obligations.
SUR LA SITUATION PERSONNELLE DE MONSIEUR [Z] :
Monsieur [Z], présent irrégulièrement en France est dépourvu de passeport et de pièces administratives pouvant justifier de son identité et de son origine, de telle sorte qu’une assignation à résidence judiciaire est en tout état de cause exclue par les dispositions de l’article L743-13 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Il ne justifie de plus d’aucune adresse ni domicile stables en France, ne démontre aucune activité professionnelle et ne dispose d’aucun revenu ni possibilité de financement pour assurer son retour dans son pays. Dans son audition en date du 13 janvier 2025, il s’est déclaré sans domicile fixe, célibataire et sans enfant.
Il est l’objet d’une mesure d’éloignement en vigueur, telle que précitée, et qui fait obstacle à sa présence sur le sol français.
La prolongation de sa rétention administrative se justifie afin de procéder à son éloignement.
Il convient donc de confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort,
Vu l’article 66 de la constitution du 4 octobre 1958,
Vu les articles L.741-1, L.742-1 à L.743-9 ; R.741-3 et R.743-1 à R.743-19, L.743.21 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile,
Vu le décret n° 2024-799 du 2 juillet 2024 pris pour l’application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux ;
CONSTATANT qu’aucune salle d’audience attribuée au ministère de la justice spécialement aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention n’est disponible pour l’audience de ce jour ;
DÉCLARONS recevable l’appel interjeté par Monsieur [R] [Z] ;
CONFIRMONS l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
RAPPELONS que, conformément à l’article R.743-20 du Code de l’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile, les intéressés peuvent former un pourvoi en cassation par lettre recommandée avec accusé de réception dans les deux mois de la notification de la présente décision à la Cour de cassation [Adresse 1].
Fait à la Cour d’Appel de Nîmes,
Le 20 Janvier 2025 à
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,
‘ Notification de la présente ordonnance a été donnée ce jour au Centre de rétention administrative de [Localité 3] à M. [R] [Z], par l’intermédiaire d’un interprète en langue arabe.
Le à H
Signature du retenu
Copie de cette ordonnance remise, ce jour, par courriel, à :
– Monsieur [R] [Z], par le Directeur du CRA de [Localité 3],
– Me Frederic ORTEGA, avocat
,
– Le Préfet du Gard
,
– Le Directeur du CRA de [Localité 3],
– Le Ministère Public près la Cour d’Appel de Nîmes,
– Le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Nîmes.
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